Comme certains le savent, je suis étudiant en première année de langue et civilisation japonaise. Il y a quelques temps, dans un cours de culture générale (intitulé Aspects du Japon contemporain), une trentaine de minutes ont été consacrées au sumô, sous l'angle de la tradition et de la modernité. Je pense que ces notes vous intéresseront. Bonne lecture!

La mise en forme du sumô tel qu'on le connaît aujourd'hui date du début du 20e siècle. Le but est d'en faire un sport, enseigné dans les universités (sur le modèle de la pratique du sport dans les universités britanniques) et les écoles.
-Médias: les premières retransmissions radiophoniques et télévisuelles comportent des programmes du sumô, lui imposant leurs contraintes.
-Fédération de sumô: la lutte est fabriquée par les dirigeants de la NSK comme un sport national, contre le yakyû (base-ball) et contre le football.
Sumô sur Arte. Spectacle commenté pour la France par des sportifs, qui mettent l'accent sur son aspect spirituel plutôt qu'athlétique, et sur une seule personne: le yokozuna, «*grand champion*» (litt. «*corde de côté*»), «*ce sont des dieux au Japon*», remarque un commentateur, l'expression «*demi-dieux*» est également utilisée, qui ne possède pas d'équivalent en japonais.
Les lutteurs entrent tous ensemble sur le dohyô, à l'exception des meilleurs, les yokozuna, seuls autorisés à faire une entrée individuelle, ceints d'une corde blanche, la tsuna. C'est en 1789 que, pour la première fois, deux lutteurs sont autorisés à faire une entrée individuelle. C'est un certain Yoshida, un arbitre, qui a inventé la tsuna. Ayant appris que le shôgun allait assister à des combats, il a voulu rendre présentable un sport populaire, raffiner un spectacle de foire.
La tsuna est inspirée de la shimenawa des sanctuaires, une corde symbolique qui délimite l'espace sacré de l'espace profane. Mais Yoshida n'a jamais rien dit à ce sujet, il faut donc se garder des amalgames faciles. Par la suite, elle ne sera plus utilisée pendant près de quarante ans, jusqu'en 1828. Elle ne sera portée que par très peu de personnes: il n'y a eu que 9 yokozuna avant Meiji. En revanche, 56 titres de yokozuna ont été décernés depuis lors.
En 1909, le titre de yokozuna est enfin réglementé. Seuls les grands champions porteront la tsuna et seront appelés yokozuna. Il est également décidé que les arbitres seront vêtus de beaux costumes, moins comme des prêtres shintô que comme des grands acteurs de kyôgen, à l'occasion des tournois principaux, devenus professionnels. Le sumô est officiellement déclaré «*sport national*», et un dôme, le kokugikan, est bâti pour l'accueillir. Cette même année, les lutteurs reçoivent l'obligation de s'habiller «*à l'ancienne*», sur le modèle des habits formels de l'époque d'Edo.
En 1909, le Japon est une nation forte, en pleine expansion, il se crée donc un sport national.
Le sumô puise dans des formes anciennes (L'époque d'Edo, le shintô, le Kojiki, les combats de samurai, la lutte de force, chaque élément ayant une histoire) mais il regroupe tout à la même période (1909, 1931), pour les besoins de l'époque.
Un processus très souvent valable pour tout ce qui semble traditionnel dans le Japon contemporain.