Il n'y a pas eu que la légendaire révolte du Shunjuen chez les sekitori de la Kyokai. L'incident de Mikawashima, en 1923, fait figure de répétition générale de la plus grande révolte sociale que connut le sumo professionnel.
L'incident de Mikawashima se déroule en janvier 1923, quand à la traditionnelle rikishi-kai tenue au temple d'Eko-in à Ryogoku, un rikishi du rang de maegashira nommé Shitenryu lance une motion requérant le doublement de la prime allouée aux rikishi à la fin de leur carrière active. Cette prime, qui s'échelonne de ¥3,000 pour un juryo à ¥10,000 pour un yokozuna, est considérée insuffisante puisqu'il est alors coutume de payer un oyakata sur le départ (ou ses héritiers) la somme de ¥10,000 pour reprendre le myoseki de l'oyakata.
A la réception de cette requête, la Kyokai provoque une réunion deux jours plus tard, le 10 janvier, et envoie un groupe de trois oyakata rencontrer le groupe des yokozuna et ozeki pour informer la rikishi-kai que «*étant donné la situation financière actuelle, il nous est impossible de satisfaire à cette demande. Toutefois, nous ferons de notre mieux pour la satisfaire dès que les circonstances s'y prêteront. Le basho étant prévu de commencer le 12, nous aimerions discuter de ce sujet après qu'il se soit tenu*».
le groupe des yokozuna et ozeki convoque immédiatement une nouvelle réunion avec la rikishi-kai, où les rikishi assemblés rejettent à une écrasante majorité la proposition de la Kyokai. A cette époque, le groupe des yokozuna et ozeki est séparé du reste des lutteurs afin d'agir comme médiateurs.
Le lendemain, Ryogoku s'éveille au son des tambours fure-daiko traditionnels qui annoncent le début d'un nouveau basho. Entendant le son des tambours, le groupe des rikishi entre dans une colère noire, déclarant «*comment pouvez-vous annoncer le début du basho alors que le sujet n'est pas encore clos*? Vous nous montrez un total irrespect par cette action. Si nécessaire, nous ne participerons pas du tout à ce tournoi jusqu'à ce que nos exigences soient satisfaites.*». Sur ce, 79 rikishi de juryo jusqu'à sekiwake se rassemblent dans un quartier temporaire dans le quartier voisin d'Ueno. Les cinq membres du groupe des yokozuna et ozeki, accompagnés des deux tate-gyoji, font de leur mieux pour intervenir, mais la rikishi-kai est intransigeante. Les sept hommes se rendent alors auprès de la Kyokai pour négocier, mais celle-ci campe également sur ses positions, déclarant «*étant donné que nous avons déjà annoncé au tambour le début du basho, nous devons aller au bout pour sauver la face, dussiez-vous le faire avec seulement les yokozuna et les ozeki*». Ces derniers n'ont d'autre choix que d'acquiescer, et par là même, ils radicalisent un peu plus la rikishi-kai, qui se retranche alors dans les locaux d'une usine à Mikawashima – donnant ainsi son nom à l'incident.
La récolte s'intensifie de plus en plus jusqu'à ce que la police locale ne s'en empare, considérant la problématique comme un conflit du travail. Ils envoient un groupe qui comprend le chef de la police, ainsi que plusieurs de ses affidés pour discuter du sujet avec les différentes parties. Quand ceci arrive, le groupe des ozeki, yokozuna et tate-gyoji devient redondant, ses membres perdant collectivement la face.
Suite à l'intervention de la police, les deux parties en conflit finissent par parvenir à un compromis. La prime de retraite augmentera de 50%, mais les rikishi doivent concéder un changement de format des basho qui passent de dix à onze journées, le onzième jour consistant en des re-matches de toutes les non-décisions (hikiwake et azukari) qui se sont produites lors des dix première journées.
L'incident clos et le basho entamé avec retard, un banquet est organisé pour célébrer l'accord conclu. C'est au cours de ce banquet que le yokozuna Onishiki quitte sa place et demande qu'on lui accorde un moment seul dans une pièce adjacente. Là, il s'empare d'une paire de ciseaux et se tranche le mage. Il revient alors dans la salle principale et annonce à la foule ébahie «*en tant que yokozuna, je suis entré dans ce conflit comme médiateur, mais il a fallu que des extérieurs viennent pour résoudre cette affaire. J'ai désormais perdu ma réputation, je n'ai plus la confiance nécessaire pour gravir le dohyo. J'apprécie dans toute sa valeur la responsabilité d'être yokozuna. En conséquence, je ne puis plus demeurer dans le monde de l'Ozumo*». sur ces paroles, il donne son mage, enveloppé dans un tissu de soie, comme symbole de son retrait.
De retour chez lui, il déclarera aux journalistes «*Alors que la tombe de notre shisho, Hitachiyama, était encore fraîche, des rikishi de notre propre heya se sont impliqués dans ce mouvement, créant du trouble chez tout le monde. Je regrette profondément et sincèrement tout cela en tant que heya-gashira. J'ai le sentiment d'avoir terni l'honneur du yokozuna, la position la plus estimée du sumo-do*».
L'incident de Mikawashima était clos, mais au prix de la perte d'un grand yokozuna.
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