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Futahaguro contraint à la retraite !

Par Clyde Newton

Cela aura été, selon les propres mots du Président de la Nihon Sumo Kyokai, Kasugano, un incident « sans précédent dans l’histoire plus que bimillénaire du sumo ». Il y a en fait eu des scandales et des controverses plus choquantes dans la longue histoire du sumo, mais la sortie contraint et forcé du yokozuna Futahaguro le dernier jour de 1987 est un grand malheur pour le sumo.

Jamais auparavant un yokozuna en activité n’avait été véritablement expulsé du sumo. Etant donné le clash peut-être inévitable entre la hiérarchie et les traditions féodales du Japon et une nouvelle génération de Japonais moins enclins à gentiment obéir aux figures de l’autorité, il est peut-être un peu vain d’espérer qu’un tel incident ne se reproduise jamais à l’avenir.

Futahaguro, considéré par beaucoup comme le plus prometteur des trois plus jeunes yokozuna, quitte le sumo en disgrâce sans avoir jamais remporté un seul yusho de makuuchi. D’un autre côté, son mentor, Tatsunami oyakata, n’a désormais aucun deshi mieux classé que makushita, et aura sur lui une pression considérable pour sortir un autre rikishi de haut vol, sa propre image ayant été ternie dans l’Affaire Futahaguro.

L’Affaire Futahaguro surprend peut-être l’opinion, mais la dissension couve au sein de la Tatsunami beya pratiquement depuis le jour de l’entrée du futur yokozuna au sein de la heya, au début de l’année 1979. Gâté par ses riches parents et plus tard par son oyakata, le jeune Futahaguro n’acquiert jamais de véritable maturité. Propulsé prématurément au rang de yokozuna sans en remplir les conditions généralement admises pour la promotion ultime, il manque de la motivation et de l’autodiscipline qui sont censés être inhérents à la condition de yokozuna.

Futahaguro, dont le véritable nom est Koji Kitao, naît dans la ville de Tsu (Mie-ken) le 2 août 1963. Enfant unique d’un entrepreneur immobilier, il est d’une taille exceptionnelle dès l’enfance, et quand il atteint l’âge de dix ans, son père construit un dohyo devant sa maison pour que son fils puisse s’entraîner. Le premier adversaire d’entraînement de Koji est son père, qui ne fait déjà plus le poids quand l’enfant achève l’école primaire.

Il intègre la Tatsunami beya début 1979 juste après sa sortie du collège, et fait ses débuts au tournoi de mars de la même année, lors du basho au cours duquel Hokutoumi, Kotogaume et Masurao font leur apparition sur le dohyo. Hoshi (Hokutoumi), Kitayama (Kotogaume) et Tejima (Masurao) ne sont pas considérés comme exceptionnellement prometteurs, mais comme Kitao mesure déjà 190 cm à seulement quinze ans, on le considère comme le plus prometteur des plus de cent garçons qui font leurs débuts lors de ce tournoi.

Kitao remporte le jonokuchi yusho en mai 1979 avec un score parfait de 7-0, et passe au travers de la division jonidan en seulement deux basho. Il atteint les sandanme en novembre 1979 et la makushita en janvier 1981, alors qu’il n’a encore que 17 ans.

Bien que Kitao soit à l’évidence un rikishi puissant et prometteur, il est toutefois réputé pour son incapacité à soutenir l’entraînement exténuant et les brimades que les rikishi de rang inférieur doivent endurer. Le vétéran Kurohimayama, alors unique rikishi de makuuchi de la Tatsunami, donne à Kitao un entraînement rigoureux dès ses débuts de rikishi, mais le garçon quitte le dohyo en larmes et demande à Tatsunami de le renvoyer chez lui. Finalement, Tatsunami ne donnera jamais à Kitao une position de tsukebito d’un sekitori, mais il le conserve plutôt comme son propre serviteur.

Kitao s’enfuit de la Tatsunami à plusieurs reprises, même après avoir atteint la division makushita en janvier 1981. Le jeune homme trouve une fois refuge dans l’appartement d’une petite amie, mais Tatsunami oyakata l’a suivi et finit par le ramener à la heya. Kitao aurait pu atteindre les juryo un an après son arrivée en makushita s’il s’était entraîné convenablement, mais son immaturité et son manque de rigueur le clouent en makushita pour trois années.

En novembre 1983, Kitao atteint un pénible kachi-koshi à 4-3 comme makushita 4, qui ne devrait normalement pas entraîner de promotion en juryo. Il a de la chance toutefois, et il finit de manière étonnamment forte un premier basho comme sekitori avec un 10-5, en janvier 1984. Il remporte le juryo yusho en juillet 1984, avec un score de 12-3, et est promu en makuuchi en septembre 1984 – dernier basho tenu dans le vieux Kuramae Kokugikan.

Kitao remporte huit victoires pour ses débuts en makuuchi, et en novembre de la même année, comme maegashira 3, il réalise la sensation en se débarrassant d’un Kitanoumi vieillissant, et parvient à nouveau à décrocher son kachi-koshi. Il est le rikishi le plus grand du sumo avec ses 199 cm, et il a alors accru son poids à près de 150 kilos.