Kyushu basho 2012 - 11ème journėe (juichinichi-me)

La révolte des kadoban

Journée à surprises au centre de Fukuoka : les yokozuna mordent tous deux la poussière. Il faut remonter à quatre ans en arrière pour retrouver, au Nagoya 2009 à la onzième journée, un tel événement. C’était alors l’âge d’or de la rivalité Asashoryu-Hakuho, Kotomitsuki et Kaio avaient été leurs bourreaux. Ce jour, ce sont les deux élèves de Sadogatake, tous deux dans l’inconfortable position de kadoban, qui disposent des deux yokozuna mongols pour la première fois en simultané.

A tout seigneur tout honneur, Kotooshu tout d’abord, auteur d’une magnifique (et, il faut bien le dire, totalement inattendue) performance. Lui qu’on attendait en victime expiatoire de la rage de Hakuho, frustré depuis huit mois de se voir souffler les yusho, offre une résistance magnifique aux assauts du Mongol. Grâce à une profonde prise intérieure gauche doublée d’une large extérieure droite, le Bulgare se met en bonne position d’entrée, et tente alors de donner le tournis au Mongol en faisant un pivot sur un tour complet. Kotooshu est conscient qu’il ne faut pas laisser à Hakuho l’occasion de se stabiliser et d’affermir ses positions, auquel cas son physique supérieur finit par primer. C’est une grosse lutte au corps à corps qui s’ensuit, Kotooshu tentant alors de prendre la jambe du yokozuna, trop avancée. Hakuho contre, mais Kotooshu se retrouve alors dans une position très favorable, légèrement désaxé sur le côté droit du champion. Après une feinte de décalage, Kotooshu profite du léger déséquilibre du Mongol pour se replacer dans l’axe et passer la puissance, Hakuho jetant alors assez rapidement l’éponge, visiblement frustré. Un succès de prestige qui vaut en sus à Kotooshu de mettre fin à l’épée de Damoclès du kadoban suspendue au-dessus de son oicho-mage.


Hakuho pourra se consoler (ou n’en sera que plus frustré, c’est selon) par le fait que Harumafuji, quelques instants plus tôt, s’est vu lui aussi défait par Kotoshogiku, certes sa bête noire, mais dans des conditions peut-être encore plus frustrantes. Après un usuel atari de mule, le yokozuna glisse visiblement sur le dohyo, ce dont profite Kotoshogiku avec une grande lucidité en achevant son adversaire d’une poussée sur la nuque. Victoire pas des plus glorieuses, mais ô combien importante pour Kotoshogiku, à une marche de sauver son grade.

Du coup, c’est le dernier de la classe, Chiyotairyu, qui profite du double revers pour revenir dans la course et pouvoir pourquoi pas espérer un coup à la Takatoriki ou Kotonishiki. Bluffé par Chiyotairyu, Toyonoshima se retrouve aplati au sol par son adversaire avant que le combat n’ait pu véritablement s’engager. Chiyotairyu devrait au minimum retrouver son plus haut rang en carrière.

Destins opposés pour les deux ozeki restant : si Kisenosato dispose sans trop de stress de Toyohibiki pas assez vif dont les puissants tsuppari ne déstabilisent pas l’ozeki qui lui, en revanche, trouve assez de forces pour faire tourner la tête de son adversaire d’une seule poussée et l’achever en okuridashi, Kakuryu, pour sa part, tombe sous la charge de Myogiryu enfin retrouvé malgré son basho déjà manqué. Kakuryu sera bien inspiré de battre Aminishiki demain, car son programme de fin de basho sera des plus compliqués dans le cas contraire.

Décevant depuis l’obtention du kachi-koshi, Goeido manque de lucidité dans sa puissante charge, ce dont profite Tochiozan pour le contrer in extremis sur shitatenage, et décrocher par la même occasion le kachi koshi et un billet retour en sanyaku, peut-être comme sekiwake. Le banzuke de janvier ne sera pas simple au vu des performances en joi-jin, d’ailleurs. Mis à part Tochiozan, le seul à tirer son épingle du jeu dans la zone est Shohozan. Bondissant tel un diable de sa boîte, le local de l’étape se met en position très favorable et contrôle Homasho au mawashi avant de le sortir imparablement. Les rangs sanyaku sont à portée de ses mains.

Déjà make-koshi dans sa défavorable position de joi-jin, Tochinoshin livre un combat tout en puissance face à Takayasu, battant celui-ci sur sukuinage au moment de l’offensive finale du jeunot. C’est l’option bovine qui est choisie ce jour par Aminishiki face à Kaisei, peut-être pas la plus opportune. Le puissant Brésilien contre avant de ballader le vétéran sur un tour de dohyo, stabiliser au centre avant de reprendre une offensive qui se termine quasiment par une projection de la fesse (uchiromotare, dans les faits, un kimarite pour le moins rare).


Combat anecdotique de Takekaze dont le sumo de recul paie au final plus que l’offensive. Daido, pourtant énergique, n’est pas rétribué pour ses efforts. Après sa belle ginboshi de la veille, Masunoyama montre encore un visage vif et conquérant pour un gabarit pourtant pas simple à bouger, mais Shotenro est attentif et finit par lui donner le tournis pour l’envoyer au sol. Puissant, placé et le mawashi fermement en mains, Kyokutenho montre un sumo de jeune homme pour emmener illico presto Tamawashi vers la sortie. D’une seule main, le surpuissant Gagamaru parvient à acculer Fujiazuma à la tawara, autant dire que lorsqu’il tente et réussit le makikae, Fujiazuma se retrouve très violemment au sol (et en danger). Aran et Jokoryu nous donnent une confrontation de toute beauté, montrant qu’ils ont d’autres qualités que le sumo bourrin et le hatakikomi. Au terme de deux minutes de corps à corps intense, avec de multiples tentatives de projections contrées, c’est Jokoryu qui parvient à venir à bout d’Aran au bout de l’épuisement. Un combat à voir. Artiste du crochetage, Tokitenku est aussi un multirécidiviste du combat à rallonges, sa confrontation avec le vétéran Wakanosato n’échappant pas à la règle. Au terme d’une dure lutte au corps à corps de plusieurs minutes, Tokitenku abrège la confrontation en imprimant un mouvement de recul qui fait choir Wakanosato en même temps que celui-ci sort le Mongol. Le mono-ii convoqué confirme la décision et donc le caractère judicieux du choix risqué du waza-wizard. Combat échevelé comme d’habitude lorsque Yoshikaze est sur le dohyo, mais Ikioi, révélé sur le tard, montre un calme et une détermination alliées à une solidité offensive qui lui permettent de sortir le feu follet en quelques secondes. L’ombre de Miyabiyama tente bien son éternelle technique à base de surpuissants tsuppari, mais l’adjectif a disparu, et le malheureux Blob se retrouve une nouvelle fois au sol piteusement en raison d’une position trop avancée et d’un criant manque de vivacité pour réagir aux contres de ses adversaires. La situation se complique plus que jamais pour l’ex-ozeki, au bord du gouffre. Le sumo de Wakakoyu est simple et puissant, mais si la résistance adverse est solide, il est obligé de partir en déséquilibre pour tenter les tirages après ses violents tsuppari. C’est ce dont profite Kitataiki pour le laisser s’écrouler au sol après quelques secondes de furieuse bataille. Belle démonstration d’oshi-zumo de Kotoyuki qui repousse puissamment le grand gabarit de Yoshiazuma, qu’on a connu plus énergique. Yorikiri simple et net de Tamaasuka qui surclasse Chiyonokuni pour se rapprocher d’une possible promotion en makuuchi.

Pas de changement en tête de juryo où Tochinowaka, transcendé, repousse Kyokushuho en dépit de la prise de mawashi du Mongol. Le nippo-coréen reste en tête, suivi de près par Sadanofuji, qui repousse puissamment Homarefuji en oshi avant d’achever le travail au mawashi. Le yusho se jouera entre ces deux hommes.

Au vu du boitement de Masakaze et de son impressionnante série de neuf revers dont celui du jour, il serait étonnant (et peut-être un peu stupide) qu’il termine le basho. Ouverture juste après le tachiai pour Tokushoryu qui mystifie Daikiho, qui connaît un basho un peu plus compliquée que sa progression jusque là météorique. Dos au mur, Takamisakari se réveille face à Kimurayama qui combat un peu contre nature en tentant un décalage au tachiai. Robocop réagit à la tawara et retourne le vétéran, un peu trop mou pour offrir une véritable résistance.


Sagatsukasa saisit au tachiai le bras gauche de Takarafuji pour l’aplatir au sol sur tsukiotoshi. Tenkaiho est une puissante machine mais pas nécessairement très mobile. Son offensive en costaud le voit sortir quasiment tout seul quand Hochiyama parvient à contourner l’axe au moment fatidique.

Akiseyama est bien imprudent au vu de son adversaire du jour, Takanoyama. Il paraissait évident que le Tchèque allait tenter un décalage, et pourtant son adversaire charge bille en tête, et se fait fort logiquement contrer par le petit gabarit qui lui saisit le bras pour un tottari qu’on attendait simplement de l’autre côté. Takanoyama adoucit son score et peut toujours espérer un retour en makuuchi. En voie de se faire projeter sur uwatenage par Tanzo, Satoyama contre superbement et défait son adversaire sur shitatenage. Il y laisse toutefois une partie de sa cheville et boîte bas en sortie de dohyo. Oiwato n’y arrive décidément pas contre Nionoumi, et termine cette fois-ci dans l’humiliante position arrière, à l’instar de Kitaharima. Combat extrêmement vif comme on peut s’y attendre à chaque fois que Kitaharima est sur le dohyo, mais le frêle gabarit a beau envoyer des séries de baffes, elles ne peuvent rien sur Takanoiwa qui n’est pas en reste au niveau de la vivacité. Le Mongol achève sa proie du jour sur okuridashi et se replace pour le maintien. Kagamio aura tenté, tant et plus, contournant Tokushinho et décrochant une solide prise de mawashi. Mais une fois que le poids-lourd a décroché la sienne, l’emprise et la puissance sont trop fortes, remettant les espoirs de promotion du Mongol à plus tard.

En makushita, Azumaryu, déjà promu, verrouille un peu plus en battant à l’expérience le jeune Tatsu pour avoir une bonne chance de yusho, son adversaire Nishigiki paraissant un faire-valoir à venir pour le puissant Mongol de la Tamanoi. Masuraumi loupe l’occasion du retour immédiat en concédant la défaite à Shironoryu, qui reste également en lice pour la deuxième place en juryo certaine (Ryuden et Masakaze). Kagamio est le seul autre prétendant pour une accession encore en lice.

En sandanme, Takageppo et Hitachigo, tous deux ayant jusqu’ici plafonné avant le premier quart de makushita, se retrouvent en jeu pour un indécis yusho. Pas de kettei-sen non plus en jonidan où Enshunada et Tochigidake s’affronteront pour le gain du yusho. En jonokuchi, Masutoo a son destin en mains demain pour rester en tête.