Hatsu Basho 2011 - 14ème journée (jûyokka-me)

Takanohana en ligne de mire

Autant déflorer le suspense tout de suite : il n’y en a pas eu, justement, de suspense. Hakuho remporte aujourd’hui, avant même le senshuraku, son 18ème yusho. Si le monstrueux Mongol a abandonné, par la faute une nouvelle fois de Kisenosato, qui devient doucement mais sûrement l’une de ses (rares) bêtes noires, l’objectif de rentrer dans l’Histoire du sumo en effaçant la mythique marque des 69 shiroboshi consécutives de Futabayama (tout au moins provisoirement), il inscrit une nouvelle fois son nom en haut du palmarès de makuuchi, établissant désormais son décompte de tournois majeurs à seulement quatre unités du tout aussi mythique Takanohana II, cher au cœur des Japonais pour avoir remporté 22 tournois, avant de se retirer il y a maintenant huit années de cela. Un seul lutteur pouvait encore, théoriquement, contester sa domination sans partage sur les sommets du sumo professionnel, l’inattendu Okinoumi, qui pointait avant le début de cette journée à une seule unité du leader. Mais si l’on était conscient que huit maegashira se sont présentés face à un yokozuna lors d’un kettei-sen depuis que les basho se disputent sur quinze journées (le dernier étant Toyonoshima il y a deux mois), et que jamais ils n’ont réussi à l’emporter au final, il fallait une bonne dose d’optimisme pour croire encore à une possible surprise.

Et de surprise il n’y a pas eu. Okinoumi avait prévenu qu’il lui fallait un morozachi pour l’emporter. Il n’y parvient pas, ne mettant que la main gauche, et Kisenosato peut espérer encore faire le début d’un ozeki-run s’il l’emporte demain. Okinoumi est à ce moment écarté de la lutte au yusho et n’a plus qu’à espérer une improbable victoire de Baruto pour maintenir le suspense. On attend dès lors le combat final. Niramiai intense pour le musubi-no-ichiban. Jolie prise de l’Estonien après l’atari, qui empêche toute prise main droite et fige la lutte un moment. Mais Hakuho est comme d’habitude sur une autre planète, et trouve les ressources et la souplesse pour placer une projection sur son lourd adversaire qui roule au sol. Yusho pour le Mongol, son sixième de rang. Seul Asashoryu a fait mieux. Le sort en est jeté.




Aux côtés d’Okinoumi et derrière l’intouchable yokozuna, on retrouve Kotoshogiku, assez transfiguré sur ce basho. Après Tochiozan l’an dernier, c’est le sekiwake qui ouvre le bal des prétendants japonais à l’accession au rang d’ozeki. Avec trois revers, concédés face au roublard Kakuryu, à Kaio alors en mal de victoires et à l’Intouchable, le do-beya de Kotooshu se place idéalement pour commencer un ozeki-run. Il serait bien inspiré de finir sur un dernier succès, toute victoire étant cruciale dans cette optique, face à Goeido qui ne lui réussit généralement pas bien. Pour son combat du jour, Kotoshogiku confirme qu’il est définitivement la bête noire de Harumafuji, et quand en plus il l’affronte avec pour enjeu le début d’un ozeki-run alors que l’ozeki sort du kadoban, il n’y a pas photo. Les gaburi de l’élève de la Sadogatake font la différence, Harumafuji est balayé.

A dix victoires donc, c’est Goeido qui termine plutôt bien un basho mal engagé. Plus agressif, Goeido surclasse Tokitenku en puissance, en dépit des tentatives de tirage de ce dernier. Gotaro Sawai peut espérer effectuer son retour en sakyaku, mais il devra attendre pour cela le résultat de Toyonoshima demain.

Hormis Harumafuji à huit victoires, les ozeki sont à neuf succès désormais, soit presque en mesure de remplir le minimum qui est attendu d’eux. Kotooshu n’y est une nouvelle fois plus en cette fin de basho, et concède une défaite triste face à Kaio qui, roublard, se décale de suite à l’atari pour tourner le grand échalas bulgare et appuyer sur sa tête pour le faire plonger au sol. Le vétéran n’est plus qu’à un gros kachi-koshi du record de victoires en carrière de Chiyonofuji. Ce score globalement correct des ozeki ne doit pas faire oublier toutefois le triste constat : cela fait bien longtemps qu’il n’ont pu peser véritablement sur le résultat d’un yusho. Semblant se satisfaire de leur confortable position actuelle, ont-ils peur de devoir supporter l’intense pression qui pèse sur les marges épaules d’un yokozuna ? Ou tout simplement n’ont-ils pas la capacité de se concentrer suffisamment sur l’intégralité d’un basho, concédant des défaites indignes face à des lutteurs d’un niveau bien inférieur ? Quelle qu’elle soit, la réponse à cette question ne peut que laisser un goût amer aux amateurs de sumo en mal d’une véritable compétition en makuuchi.



Aux côtés des ozeki à neuf victoires, on retrouve Kisenosato, donc, mais aussi Toyohibiki et Tochinonada, qui cèdent tous deux aujourd’hui. Koryu n’a pas la faveur des pronostics face à Toyohibiki, mais il déjoue ceux-ci en absorbant la puissance de ce dernier, tenant tout d’abord des tirages au cours de la bataille de baffes avant de trouver la faille et de convertir un oshidashi rageur pour décrocher le kachi-koshi. Takekaze s’écarte légèrement sur sa droite au tachiai, et le bras de Tochinonada qu’il saisit déstabilise suffisamment son adversaire pour qu’il le fasse céder en tsukidashi. Il est temps que le tournoi s’achève pour le vétéran Tochinonada, qui peine sur cette fin de basho.

Pas moins de sept lutteurs décrochent aujourd’hui le précieux sésame du kachi-koshi. Outre Koryu déjà mentionné, Kakuryu, qui va pouvoir maintenir son rang, Kitataiki, Hakuba, Mokonami, Kotokasuga, et Wakakoyu sont à la fête. Séries de poussées mutuelles entre Kakuryu et Tamawashi, à ce jeu le lutin mongol est plus fort dans son placement et son timing et profite d’une imprécision de son adversaire pour le laisser tomber au sol. En dépit d’une jolie prise intérieure en morozachi, Sokokurai se fait cueillir en puissance par Kitataiki par une prise uwate droite. Pas de côté pour Hakuba, comme d’habitude, mais qui ne fonctionne pas. Le Mongol semble en posture périlleuse après que Tosayutaka a décroché une prise de mawashi, mais il fait preuve d’un timing parfait pour changer de position de bras (makikae) et décrocher un morozachi qu’il convertit au moment où Tosayutaka s’apprête à le sortir en sukuinage. Kokkai fait peine à voir, incapable de surpasser Mokonami avec pourtant une prise très solide sur le mawashi de son adversaire. Il finit contré en yorikiri. Si ses problèmes de santé sont chroniques, sa fin de carrière est proche. Mokonami va se retrouver en zone de confort en makuuchi. Kotokasuga inflige le make-koshi à Takamisakari, et assure du coup son propre kachi-koshi, en prenant littéralement le favori des foules à la gorge dès l’atari avant de placer ses deux bras sous les aisselles de son adversaire pour un yorikiri impeccable et imparable. Victoire tranquille pour Wakakoyu, « à la Chiyotaikai », poussée-tirage.

Outre Takamisakari et Tosayutaka, Asasekiryu concède ce jour le make-koshi. Bataille de chiffonniers entre Yoshikaze et Asasekiryu, le premier parvenant au final à plonger sous la garde du Mongol pour un succès en yoritaoshi.

Prise sur les bras de Homasho et victoire tranquille pour Tochiozan, qui limite les dégâts. Combat violent d’Aran qui charge bille en tête sur Aminishiki avant de parvenir à contourner son adversaire pour le jeter violemment en oshitaoshi hors du dohyo. Tokusegawa dépasse totalement Toyonoshima en puissance, mais le lutin montre une nouvelle fois sa malice en s’effaçant subtilement à la tawara pour laisser le solide Mongol sortir tout seul du cercle. Tochinoshin brise enfin sa série dans un basho catastrophe, par la grâce d’une très profonde prise sur le mawashi de Gagamaru, qui lui permet, en dépit du tachiai et de la puissance de son adversaire, de profiter de sa souplesse pour le faire s’écrouler au sol. Gagamaru n’est cependant pas ridicule à ce niveau. Tachiai éclair pour Wakanosato qui décroche une jolie prise gauche sur le mawashi de Kyokutenho, mais le Mongol est trop puissant et sort Popeye en yorikiri. Victoire sans panache pour Miyabiyama qui ne peut repousser Toyozakura de ses tsuppari et doit employer une claque de déviation pour envoyer son adversaire au sol. Gros sens du combat pour Takayasu qui place une série de tsuppari « moulin à vent » sur l’infortuné Shimotori, avant de le tirer au sol dans un timing parfait. Oshidashi à sens unique pour Kimurayama qui expulse Sakaizawa d’un tsuppari et un nodowa. Il devrait sauver son rang en makuuchi. Sakaizawa ne montera pas et doit attendre demain pour assurer son kachi-koshi.

En juryo, le suspense est relancé, sauf en ce qui concerne la nationalité, puisque le vainqueur sera en tout état de cause Coréen. Ce n’est pas une première, puisque le plus ancien des deux, Kasugao, a déjà à son compte un juryo yusho, il y a bien des années de cela. Henka vilaine de Kyoseumi qui crucifie Kasugao. Kyoseumi est vraiment un adepte de la henka dès qu’il est en danger, ce qui était le cas. Il relance par là même la course au yusho, et l’éventualité d’un juteux kettei-sen avec le jeune Tochinowaka (ex-Ri, ancien de la promotion de maezumo de Yamamotoyama, Aran et Minami), auteur d’un passage météorique en juryo, assurant sa montée après seulement trois basho, et d’un Hatsu basho remarquable alors qu’il se trouvait à 1-3 après la quatrième journée. Dix succès consécutifs plus tard, le voilà en position de devenir le deuxième Coréen à remporter un yusho chez les salariés, de la belle ouvrage. Un léger décalage lui permet d’assurer une bonne prise qu’il convertit en soulevant les aisselles de Yoshiazuma pour annihiler la résistance de celui-ci. Tochinowaka rejoint en tête Kasugao, il lui faudra disposer toutefois du dangereux Daido demain, de retour en forme. Yoshiazuma est encore en danger.

Combat maîtrisé pour Hochiyama qui se sort du danger en baladant Kyokunankai sur toute la surface du dohyo. Belle prise en uwate gauche pour Kaisei mais Daido montre beaucoup de force et d’habileté pour contrer en shitatenage. Assaut solide de Masatsukasa qui se fait contrer par un uwatenage plein de timing de Sadanoumi. Bushuyama assure un score positif, d’un pousser-tirer efficace à défaut d’être esthétique. Kachi-koshi pour Takarafuji qui encaisse les assauts de Fujiazuma avant de trouver la faille sous la garde de son adversaire pour l’expulser en yorikiri. Oshizumo tranquille pour Nionoumi qui limite la casse face à Wakatenro apparemment peu motivé. Tamanoshima décroche en puissance le kachi-koshi, prévenant toute prise de mawashi de la part de Hoshikaze. Un rare kimarite pour conclure, le waridashi. Oshidashi puissant après une furieuse lutte de tsuppari pour Sadanofuji qui expulse Akiseyama sans ménagements.

Peu de combats à noter chez les toriteki, les jeux ayant été faits hier pour ce qui concerne les yusho. Il ne manque plus que les noms des candidats à une promotion en juryo ou à une avancée dans la zone de promotion au prochain basho. A ce titre, trois « combats d’échange » importants auront lieu demain (les visites de makushita en juryo n’ont jusqu’ici lors de ce tournoi pas été très profitables aux non-salariés). Sagatsukasa, déjà kachi-koshi mais un peu loin pour être assuré d’une place, aura à cœur de plomber un Kakizoe à la dérive qui doit absolument gagner s’il ne veut pas se retrouver en makushita pour la première fois depuis huit ans, l’ancien tsukedashi n’ayant connu cette division qu’un an et demi. Mêmes éléments pour Aoiyama qui devra disposer de Yoshiazuma. Mochimaru, qui a déjà disputé ses sept combats, aura à cœur de convertir la chance que lui donne le Torikumi Heisei Iinkai sa chute en enfonçant un peu plus Nionoumi, à priori déjà condamné.


Toutes les vidéos de cette journée ici: http://www.lesumo.fr