Hakuhô sauve l'honneur
Si la journée d'hier a désigné Asashoryu vainqueur de l'Haru 2010, ce senshuraku - avec le traditionnel affrontement des Yokozuna - n'en promettait pas moins d'être passionnant. Car entre les deux Mongols, il ne s'agit pas simplement de trophées et de statistiques, mais d'affrontement psychologique et de suprématie sur le sumo. Pour l'aîné des deux, l'enjeu du combat d'aujourd'hui était de rompre avec la malédiction du senshuraku (6 défaites consécutives contre Hakuho) et de vaincre enfin son alter ego en combat régulier. Pour le cadet, il s'agissait de sauver un basho décevant par une victoire de prestige sur un Asahoryu en grande forme.
A l'entrée des deux combattants, le Kokugikan est chauffé à blanc. Asashoryu apparaît fébrile : il oublie d'accomplir son "Tchou !" rituel et commet un faux départ à l'attari. La deuxième tentative est la bonne : le tachi-ai est équilibré, Asashoryu se décale légèrement sur le côté, mais Hakuho parvient à empoigner son adversaire et à l'amener contre la tawara. Les deux hommes se retrouvent rapidement en déséquilibre sur une jambe, chacun tentant de crocheter l'autre dans un pas-de-deux sur le fil du rasoir. C'est finalement Hakuho, plus puissant et plus déterminé, qui parvient à amener son adversaire hors du dohyo d'un yorikiri imparable. La glace a éteint le feu. Jusqu'au mois de mars.
Enjeu de suprématie également chez les Ozeki entre Kotooshu et Harumafuji - même si leur rivalité est loin d'être aussi paroxystique. Le Mongol décoche un tachi-ai "hokutorikiesque" en se précipitant sur la gorge de son adversaire, et parvient à le faire reculer jusqu'à la tawara. Kotooshu place alors une contre-attaque puissante qui pousse Harumafuji sur le reculoir et le fait trébucher. Le beau gosse n'a alors plus qu'à conclure par sukuinage. Le Mongol redeviendra l'Ozeki n°1 sur le prochain Banzuke, mais Kotooshu sauve sa seconde place au détriment de Kaio.
L'ancêtre de la Tomozuna conclut victorieusement son satisfaisant basho (9/6) contre Kakizoe. Le Maegashira offre de nouveau un combat comique, tentant d'échapper aux pattes de son adversaire en glissant autour du dohyo dans un déséquilibre permanent. Il réalise même l'exploit de dégager son bras de l'étreinte de l'Ozeki (histoire de ne pas finir avec un plâtre ?) Mais les meilleurs choses ont une fin et Kaio finit par l'expulser sans ménagement (okuritaoshi).
Dans son affrontement contre le rusé Kyokutenho, Baruto a montré aujourd'hui toute l'étendue de ses récents progrès techniques et tactiques. Après un tachi-ai équilibré, les deux hommes se retrouvent en position basse. Il y a quelques mois, le Mongol aurait "endormi" son adversaire et placé un contre définitif. Cette fois-si, c'est Baruto qui temporise, amuse son opposant avec sa main droite et place un uwatedashinage main gauche imparable. Le grand blond termine son basho le plus accompli (12/3, jun-yusho, victoire sur 1 Yokozuna et 3 Ozeki, shukun-sho) et lance de très belle manière son Ozeki-run.
Le Balte est d'ailleurs le seul sanyaku (hors Ozeki s'entend) à décrocher son kachi-koshi. Les deux Komusubi, déjà make-koshi, ont connu des fortunes diverses. Kotoshogiku, un peu léthargique, ne parvient pas à enclencher la marche avant et se laisse sortir par Takekaze (oshidashi), aggravant ainsi son score (6/9). Kakuryu, lui, limite la casse (7/8 ) grâce à une prise en morozashi très profonde sur le mawashi de Tamawashi (yorikiri). Pour en finir avec les sanyaku, on rappelle pour mémoire que Chiyotaikai avait déclaré son intai en fin de semaine dernière.
L'affrontement des "espoirs" (ou supposés tels) Toyonoshima et Kisenosato s'est traduite par une belle opposition de styles : Kisenosato poussant de toute sa puissance, Toyonoshima résistant et se dégageant par une mobilité démoniaque. Epuisé, le lutteur de poche finit par succomber à l'ultime poussée de son adversaire (oshidashi). Les deux lutteurs, kachi-koshi, retrouveront leur place parmi les sanyaku lors du prochain basho.
Combat à peu près similaire de Bushuyama et Tochinoshin. Le Georgien, sévèrement diminué par une blessure à l'épaule (5/10), recule tout au long du combat mais parvient néanmoins à conserver la lucidité pour voir l'ouverture et placer un uwatenage lumineux qui laisse son adversaire pantois. Du potentiel. Au prochain basho, calé au milieu des Hiramaku, il devrait faire un malheur... si son épaule le laisse tranquille.
Combat à fort enjeu entre Goeido et Aminishiki. Pour l'"espoir" (ou supposé tel là encore), il s'agit ni plus ni moins que de décrocher son kachi-koshi et d'espérer se glisser en sanyaku au prochain basho. Surtout, le vainqueur du combat était assuré d'empocher un sansho : le shukun-sho pour Goeido (grâce à sa victoire sur Asashoryu), le gino-sho pour Aminishiki (inutile de faire un dessin, tout le monde voit très bien pourquoi !) C'est le magicien de l'Isegahama-beya, en mouvement permanent, qui l'a finalement emporté sur son adversaire (yoritaoshi), et s'adjuge donc le prix de la technique. Malgré son excellent score (11/4), il semble néanmoins peu probable qu'Aminishiki parvienne à se glisser dans les Sanyaku au prochain basho.
Le journée a également été marquée par quelques bons combats d'oshi-zumo. Miyabiyama l'emporte contre un Kokkai bien pataud (oshidashi), mais rend une carte très négative (5/10). Hokutoriki expulse Tochinonada en bondissant (des deux mains !) sur sa gorge dès le tachi-ai (oshidashi). Toyohibiki dévaste Wakanosato d'une poussée linéaire irrésistible (oshidashi) et en profite pour s'arroger le kanto-sho (12/3 et jun-yusho).
On retiendra également : l'abisetaoshi de Yoshikaze sur Mokonami (l'homme au mawashi rouge manque son uwatenage, permettant à son adversaire de l'écraser au sol en s'abattant sur sa poitrine) ; le (pour une fois) bon tachi-ai de Robocop, qui ébranle Asasekiryu (hikiotoshi) ; la défaite rageante de Tochiozan contre Tosayutaka (poussé jusquà la tawara, l'"espoir" place un superbe uwatenage en pivotant, mais son orteil effleure le rebord extérieur avant que son adversaire ne s'écroule) ; le kimedashi d'Aran (le Russe enserre les bras de Koryu et l'expulse sans coup férir).
En juryo, Gagamaru conclut son excellent basho par une ultime victoire contre Kimurayama (tsukidashi). Le Georgien empoche son premier Juryo Yusho, mais son classement actuel relativement modeste (J13) le condamnera selon toute vraisemblance à rester en deuxième division un basho de plus.
Devraient être promus en Makuuchi en revanche : Tokusegawa (victoire par tsuridahi sur Kyoseumi), Sagatsukasa (victoire par oshidashi sur Shotenro) et Okinoumi (victoire par oshidashi sur Tosanoumi). On notera également que beaucoup d'anciens pensionnaires réguliers de la Makuuchi ont encaissé des make-koshi problématiques : Chiyohakuho (7/9), Futeno (4/11), Kimurayama (7/8 ), Kasuganishiki (6/9), Yamamotoyama (7/8 ). Heureusement, l'imputrescible Tosanoumi sauve l'honneur (8/7).
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