C'est peu dire que le sumo - sport national s'il en fût - s'est ouvert à l'étranger au cours de la dernière décennie. Il sufit pour s'en convaincre de rappeler que la dernière victoire nippone dans un honbasho remonte à janvier 2006 (5 ans !), ou que les autochtones n'ont remporté que 12 des 60 tournois de la décennie qui s'achève. Un constat inimaginable à la fin de l'ère Showa, lorsque le règne de Chiyonofuji s'achevait par l'avènement des frères Hanada.

Je me suis livré à un état des lieux statistique sur le banzuke du Kyushu 2010 pour mieux objectiver l'ampleur de cette présence étrangère. Dans ce qui suit, je considère comme étranger les lutteurs naturalisés après leur arrivée au Japon (comme Kyokutenho par exemple). Je tire l'ensemble des informations présentées du site Sumo Reference.

De manière globale, seuls 55 des 686 lutteurs présents sur le banzuke sont de nationalité étrangère, soit 8% des sumotori. Concrètement, cela veut dire que les Japonais représentent toujours l'écrasante majorité des lutteurs (92%) et que cette situation n'est pas près de changer étant données la proportion considérée et les restrictions au recrutement d'allogènes imposées dans les heyas.

En fait, notre appréciation du poids des étrangers dans le sumo est biaisée par la surmédiatisation - bien naturelle - des résultats de la makuuchi. Or, c'est au sein de la division reine que les étrangers sont le plus présents. A peu de choses près, on peut même dire que plus on monte dans la hiérarchie, plus les étrangers sont nombreux :
- makuuchi : 48% (20 lutteurs)
- juryo : 11% (3 lutteurs)
- makushita : 16% (19 lutteurs)
- sandanme : 6% (11 lutteurs)
- jonidan : 0% (1 lutteur)
- jonokuchi : 2%(1 lutteur)
Au sein même de la makuuchi, les gaijin forment l'essentiel de "l'élite" du sumo (7 sanyaku sur 9, soit 78% !)

Les étrangers sont donc très peu nombreux dans le sumo, mais ils monopolisent les premières places (36% des étrangers du banzuke sont classés en makuuchi). Les raisons de cette prééminence ont été maintes fois débattues et mon objectif n'est pas de relancer ici le débat.

Mais on peut interpréter ces chiffres de manière légèrement différente et estimer que la relève des gaijin est rien moins qu'assurée. Le "fond du banzuke" compte en effet très peu d'étrangers (moins de 3% au total dans les divisions jonokuchi à sandanme) Si on considère que les minarai d'aujourd'hui sont les sekitori de demain, on peut imaginer qu'à moyen terme la part des Japonais dans le "sommet de banzuke" devrait mécaniquement remonter. Ce qui n'empêchera pas un gaijin d'exception, Mongol, Slave ou bien d'ailleurs, d'écraser tout sur son passage à l'instar d'Asashoryu et Hakuho !

Je termine avec une répartition géographique des étrangers. Les 55 sumotori gaijin viennent de :
- Mongolie : 33
- Chine : 6
- Georgie : 3
- Russie : 3
- Bulgarie : 2
- Corée : 2
- Brésil : 2
- Estonie : 1
- Rép. Tchèque : 1
- Hongrie : 1
- Kazakhstan : 1

On constate vraiment un "phénomène mongol" puisque les émules de Kyokushuzan constituent 60% du contingent étranger ; à eux seuls ils occupent 29% de la makuuchi ! On s'aperçoit également de la discrète montée en puissance de la Chine, qui représente la deuxième colonie avec 6 lutteurs. La légion est-Européenne est forte et variée. Sur le continent américain, les USA ont complètement disparus tandis qu'émerge le Brésil. Pas de lutteur ouest-Européen, et toujours pas d'Africain.

Voili voilou. J'espère que ces quelques informations vont susciter des échanges.