Il y a quelques temps, en feuilletant mes vieux numéros du National Geographic (revue américaine), je suis tombé sur un article sobrement intitulé "sumo". Je l'ai (re)lu et trouvé intéressant. Rien d'extraordinaire, mais il a assez d'intérêt pour justifier une traduction.

Voici le début de l'article (qui date de jullet 1997 et a été écrit par T.R. Reid).

"Le premier jour, L’Aube s’abattit comme une tempête sur Koto de Beppu et le repoussa sauvagement en dehors du cercle. C’était un de ces jours à l’atmosphère lourde et triste que l’on peut connaître à Tokyo, même en plein de septembre. A l’intérieur de l’oppressant temple des sports baptisé « Grande salle du talent national », la sueur était en train de couler à flots le long de l’énorme poitrine de L’Aube jusqu’à son énorme ventre. Néanmoins, ce jour là, si la sueur l’avait gêné, vous n’auriez sûrement pas pu le deviner après sa victoire en apparence facile.

C’était le premier jour du tournoi d’automne de l’association japonaise de sumo et les chroniqueurs locaux écrivèrent un peu plus tard qu’il s’agissait d’une journée de sumo sans surprise. A peu près tous les favoris avaient gagnés, y compris le géant qui combat sous le pseudonyme d’Akebono – L’Aube en japonais. Après tout, L’Aube detient le plus haut grade de ce sport et donc, pour lui, battre un adversaire de moindre rang est absolument normal.

Et pourtant, en regardant ce combat de mon perchoir, tout en haut dans les sièges les moins chers, je ne pouvais m’empêcher de sentir que quelquechose d’extraordinaire venait d’arriver. En fait, j’ai cette sensation à chaque fois qu’Akebono fait son entrée sur le dohyo (NdT : je prends le nom japonais pour plus de facilité). En effet, ce personnage n’est pas un lutteur de sumo japonais ordinaire bercé dès son plus jeune âge par ce vieux sport. Au contraire, Akebono est un ancien joueur de basket, né américain, du nom de Chad George Rowan.

Chad fut « découvert » dans sa ville natale d’Honolulu en 1987 par un fan local de sumo ; Intrigué par la discipline, l’adolescent dégingandé qu’il était alors s’enrola dans un camp d’entrainement - ou écurie (NdT : heya) - à Tokyo. Faisant fi des blessures, de la barrière linguistique, de la barrière culturelle et de la xénophobie à peine voilée des instances dirigeantes de l’association de sumo, Chad réussit à se frayer un chemin jusqu’au sommet de ce sport. En 1993, Akebono pesait 211 kg et était si puissant sur le dohyo qu’aucun lutteur japonais ne pouvait rivaliser avec lui. L’association japonaise dut donc se résoudre avec beaucoup de réticences à promouvoir Akebono au plus haut rang : yokozuna (ou champion suprême). Il est à ce jour le seul non-japonais à avoir atteint ce statut prestigieux dans toute l’histoire du sumo.

Et l’histoire du sumo est longue puisqu’il s’agit d’un des sports organisés les plus anciens au monde. Des confrontations avaient déjà lieu au 7ème siècle et une ancienne légende indique que l’empereur Seiwa conquit sa place sur le Trone de Chrysanthème après un combat de sumo titanesque en l’an 858. La cour impériale patronnait des matchs de sumo afin de s’assurer de bonnes récoltes et dès le 16ème siècle des lutteurs se montraient à travers tout le Japon. L’organisation du sumo moderne se mit en place dans les années 1680 et, depuis, les fondamentaux sont restés peu ou prou les mêmes.

Toute confrontation de sumo tourne autour d’un combat de lutte. Cependant, ces affrontements violents d’hommes replets habillés simplement d’un grand pagne en soie sont tellement colorés, plein d’un apparat d’une telle splendeur rituelle que l’aspect purement sportif s’efface souvent au profit du spectacle.

Il s’agit là aussi d’un héritage de l’Histoire. A l’origine, le sumo était en partie intégré au rite shinto (la religion japonaise). Encore maintenant, chaque match a une réelle signification religieuse. Le dohyo lui-même est un endroit sacré et se trouve surmonté d’un magnifique toit en pente répliqué d’un temple shinto. C’est également la raison pour laquelle chaque lutteur doit lancer une pincée de sel purificateur devant lui à chaque fois qu’il entre sur ce terrain sanctifié.

Les obligations rituelles les plus lourdes incombent aux quelques lutteurs qui ont réussi à atteindre les plus hauts grades. Ainsi, un champion suprême devient, ex officio, une icône de la foi shinto. De ce fait, la pression qui repose sur les épaules d’Akebono est d’autant plus grande que nombre de japonais estiment qu’un américain n’est pas capable d’occuper ce rôle unique dans leur société."

La suite prochainement (je promet d'être plus rapide que pour la dernière traduction).