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Affiche les résultats de 11 à 20 sur 37

Sujet : Konishiki article Sports Illustrated exclusif de 1992 !

  1. #11
    Voila le début de l'article. J'ai pris le parti de traduire "meat bomb" par bombe de chair (meat = viande en anglais).

    "Une nouvelle fois, le Japon est menacé par un maraudeur grand comme une montagne et qui écrase tout sur son passage. Une nouvelle fois, les éclairs suivants le tumulte de ses pas ont embrasé le pays des ruelles d’Ozaka au château Atami à Nagoya. Et une nouvelle fois les maitres de ce pays insulaire font tout pour l’arrêter. Seulement cette fois-ci, l’ennemi n’est pas un saurien cracheur de feu de 50 000 tonnes nommé Godzilla. Non, maintenant il s’agit d’un être humain, un lutteur de sumo surnommé la bombe de chair.

    Godzilla, si vous vous souvenez bien, était ce monstre engendré par les radiations nucléaires qui vint sur l’archipel après avoir été libéré par des scientifiques américains. La bombe de chair, dont le véritable nom est Salevaa Atisanoe et qui combat au japon sous le psudonyme de Konishiki, est un monstre d’origine hawaïenne qui a la manière d’un surfeur a attrapé la vague du sumo alors qu’il était peinard à Waikiki. « Quand je suis parti de chez moi pour Tokyo en 1982, je ne connaissais pas le sumo » explique le premier non-japonais a avoir réussi à atteindre les plus hauts grades de cet obscure sport multiséculaire. « En fait je ne savais même pas que Godzilla avait atteint les côtes japonaises. A cette époque je m’intéressais plus aux séries policières comme Hawaï police d’Etat »

    Il y a aussi de légères différences entre les deux. Konishiki (prononcez Ko-nish-ki) est particulièrement poli. Il s’incline respectueusement, particulièrement devant ses supérieurs, son comportement est emprunt de solemnité. « Godzilla était formidablement mal-élevé » remarque Michael Browning, un correspondant du Miami Herald pour l’extrème orient. De plus, alors que Godzilla craignait les lignes à hautes tension, Konishiki lui se révèle lors de face à face électriques. Cependant, comme l’indique Browning : « les deux ont de l’estomac à revendre ».

    Pour ce qui concerne le système digestif, aucun athlète n’arrive à égaler Konishiki. Il mesure en effet 1 m 85 et pèse 263 kg : il a pour ainsi dire la forme d’un cube. Enorme masse molle et flasque, il pèse pratiquement 80 kg de plus que le lutteur de sumo ordinaire, 45 de plus que son plus pesant rival et 20 de plus que la famille japonaise moyenne. « Ces 263 kg sont trompeurs » dit Konishiki. « 20 kg sont toujours en train de se secouer ». Une quantité de grands morceaux de chairs protubérants sont accrochés autour de son corps. Ils partent de sa poitrine, se déversent sur tout son corps ondulant autour de ses bras ou de ses jambes. Le ventre de Konishiki est si imposant que vous pourriez cacher une dinde entière dans son nombril. Sa carcasse semble se déplacer en grandes sections : lorsqu’il se retourne trop rapidement, le reste de son corps a besoin de quelques secondes pour le suivre."

    La suite au prochain numéro.
    Père Boulon

    Il n'y a de richesse que d'Hommes.

  2. #12
    Senior Member Avatar de Asafan
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    beau boulot, Pereboulon Ma faculté de lire l'anglais étant proportionnelle à ma paresse, j'ai préféré attendre ta traduction. Et je ne suis pas déçue. C'est très bien écrit. Vivement la suite!!!

  3. #13
    Senior Member Avatar de Konosato
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    Ah! merci pour la traduction Pereboulon Très bien tourné cet article. J'attends la suite avec impatience.
    J'ai décidé d'être heureux, car c'est meilleur pour la santé.
    Voltaire.

  4. #14
    Merci pour les compliments. Je ne traduis pas très vite car j'ai beaucoup de boulot en ce moment, mais voici la suite.

    "A une époque ou les élites japonaises sont critiquées pour leur protectionnisme anti-américain, une importation de l’oncle sam a réussi à se hisser pratiquement au sommet de leur sport national. En effet Konishiki est le premier étranger à avoir atteint le rang d’ozeki (champion). Il a gagné deux des trois derniers bashos et a fini à une très respectable troisième place dans l’autre – un parcours qui devrait normalement être suffisant pour faire pencher la balance en faveur de son élévation au grade de yokozuna (champion suprême). Cependant l’énorme succès de Konishiki pose un dilemme géant à l’association des dirigeants de ce sport : la très ésotérique Sumo Kyokai. Aucun gaijin (« étranger » en japonais) n’a jamais eu l’honneur d’être promu yokozuna et la Kyokai est frileuse à l’idée de créer un précédent avec Konishiki. En mars dernier, le conseil s’est réuni suite à la victoire de Konishiki au basho d’Osaka et décida que la question de son accession au plus haut grade ne se ferait qu’à l’issue des deux semaines du tournoi de Tokyo qui a débuté dimanche. Bien sur Konishiki a réussi un score de 13-2 lors du dernier basho. Mais les membres du conseil considérent que ses deux défaites étaient exécrables. « Nous voulons être vraiment certains que Konishiki a l’étoffe d’un champion suprême » expliqua Hideo Ueda, un des dirigeants du sumo. « C’est pour cette raison que nous avons décidé d’attendre l’espace d’un autre tournoi ».

    Le yokozuna est le sommet d’une pyramide hiérarchique d’environ 800 lutteurs. « Les yokozuna sont immortels »nous dit Konishiki avec beaucoup de respect. « C’est comme entrer au panthéon. Tu y restes toute ta vie, mon gars ». L’intronisation d’un yokozuna - un événement qui ne s’est produit que 62 fois depuis la naissance du sumo moderne au milieu du 18eme siècle – se fait à l’issue d’une cérémonie complexe de 3 heures qui se déroule sur les très vénérables terres sacrées de Meiji à Tokyo. Alors que les autres lutteurs changent de grade en fonction de leurs résultats, un yokozuna ne peut pas être rétrogradé. Mais dans les faits il est contraint de se retirer lorsqu’il se met à perdre plus de combats qu’à en gagner. Ce genre de chose arrive généralement après la trentaine. A ce moment là le lutteur se fait couper les cheveux et se retire pour une retraite bien méritée.

    Comme actuellement il n’y a plus de yokozuna en activité – le dernier en date s’est retiré vendredi dernier à cause de ses blessures – la Kyokai cherche désespérement à pérenniser le plus haut grade en intronisant de nouveaux candidats potentiels. « Qu’on le veuille ou non, le sumo est du show-biz » explique Lynn Matsuoka, une tokyoïte illustratrice de livres sur le sumo. « Les yokozuna ne sont pas seulement là pour le folklore, ils attirent le public en masse » Si on s’en tient aux seuls résultats, Konishiki est le meilleur candidat. Mais la Kyokai est écartelée entre son désir d’améliorer la popularité du sumo et sa volonté de ne pas diluer ce qu’elle considère comme un héritage vivant.

    Ce qu’on attend d’un yokozuna c’est soit de gagner les tournois soit d’être au moins dans les meilleurs. Cependant, il existe une autre exigence, plus subtile, plus difficile à apréhender : l’hinkaku. L’hinkaku est une sorte d’aura quasi mystique et inné de dignité qui, selon les japonais, manque cruellement aux occidentaux. Les plus nationalistes des japonais sont carrément contre l’idée d’accorder l’honneur de yokozuna à un non-japonais. Le romancier Noboru Kojima a ainsi écrit dans un récent numéro du mensuel Bungei Shunju que la promotion de Konishiki « pourrait ouvrir la voie à la renonciation de l’ identité de la culture spirituelle japonaise » Le titre de son article « Nous n’avons pas besoin d’un yokozuna étranger ». "

    La suite est plus intéressante et s'attache notamment à la dure vie des lutteurs de sumo : la traduction viendra au plus vite (j'espère ).[/i]
    Père Boulon

    Il n'y a de richesse que d'Hommes.

  5. #15
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    Pèreboulon, j'espère que tu ne m'en voudra pas, mais comme j'avais un moment à perdre ce week end, j'ai continué la traduction. Voici donc la suite (fait assez rapidemùent, pardonnez moi pour les fautes éventuelles)

    Mais les connaisseurs du sumo soulèvent une autre objection. Konishiki, disent-ils, a transformé un combat stylé et antique en une course au poids. Les règles du sumo sont simples. Vous gagnez en amenant votre adversaire au sol ou en dehors du cercle de paille de riz, de 4,5 m, qui consitue l'aire de combat. Vous perdez si une quelconque partie de votre corps autre que la plante de vos pieds - même vos cheveux - touche le sol. Les combats ne durent généralement que quelques secondes, très peu vont au-delà de vingt. Un lutteur de la taille et de la force de Konishiki, donc, a un avantage énorme. Mais "si la force était le seul préreuis pour un yokozuna" s'offusque un officiel, "pourquoi ne ferait-on pas se combattre des lions, des ours et des éléphants ?".
    Konishiki, arrivé au Japon sans presque aucune notion de japonais mais qui le parle aujourd'hui couramment, prend les coups avec philosophie. "C'est leur sport, je ne tiens pas à m'ériger contre le système. La meilleure chose à faire pour moi est d'accumuler les victoires. Si je continue à gagner, il leur faudra bien faire quelque chose".
    A ce propos, la seule chose que la Kyokai ait fait a été de blâmer Konishiki pour quelque que chose qu'il -ou un imposteur - aurait (ou non) déclaré. Dans un article en dat du 20 avril, le Nihon Keizai Shimbun, le plus grand journal économique japonais, a cité Konishiki au sujet du refus opposé à sa promotion comme grand champion "A proprement parler, c'est du racisme". Le lendemain, le New York Times rapportait une déclaration téléphonique dans laquelle Konishiki disait "Si j'étais japonais, je serais déjà yokozuna".
    Ces remarques ont failli dégénerer en incident international. Le premier ministre japonais, Kiichi Miyazawa, a défendu les critères de sélection de la Kyokai. Le ministre des affaires étrangères Watanabe craint que les accusations portées par Konishiki puissent tendre les relations américano-nippones. Conscient du caractère sensible du sujet des discriminations raciales pour les américains, Watanabe déclarait "je demande à ce que le sujet soit clos".
    Tel fut le cas. Le 21 avril, après avoir été convoqué devant la Kyokai et avoir reçu l'ordre d'adopter "une attitude plus humble", Konishiki démentit avoir tenu l'une ou l'autre des deux déclarations. La Bombe de Chair, en larmes, clamait haut et fort que ses paroles avaient été mal interprétées par le journaliste du Nihon Keizai ("si j'ai dit ça, ce n'était pas dans le sens ou il l'a écrit") et affirmait qu'un apprenti blagueur s'était fait passer pour lui auprès du Times ("je ne pouvais savoir ce qui se passait, j'étais sous la douche").
    La soeur cadette de Konishiki, Kahau Sunia, est moins diplomate. "Il devrait répondre aux japonais qu'il n'est pas un étranger. Après tout, il possèdent déjà tout à Hawaï".

    La petite flute laquée est faite avec l'os d'une aile de héron. Elle sort d'un fourreau couleur miel. Konishiki joue un air japonais. Le son est pur, limpide et plaintif, à l'image du vol du héron.
    Un sourire béat sur le visage de Konishiki, un visage rond, force tranquille, avec une petite touche d'ironiedans le sourire. Ce sourire, il le porte que ce soit lorsqu'il fait rouler ses adversaires hors du dohyo, ou lorsqu'il roucoule des chansonettes à sa fiancée toute menue, Sumika, un top-model qui pèse à peu près autant que son coude. (il a fait sa demande l'été dernier en lui disant "si on bossait ensemble pour devenir Yokozuna").
    Leur mariage à Tokyo, en février, a rassemblé plus de mille invités, dont beaucoup des politiques et hommes d'affaires japonais de premier plan. Une chaine de télé japonaise a mis sur la table un demi million de dollars pour les droits de diffusion. Cette version real-tv de la Belle et la Bête a interrompu les JO d'hiver pendant deux heures. "Aucun autre sport sur terre ne procure ce genre d'attention" nous indique Konishiki. Sa voix est étonamment douce, venant d'un homme taillé comme trois armoires normandes.
    Tous les faits et gestes de Konishiki - aussi lourds soient-ils - sont autant de sujets pour la presse à scandale. "Le journalisme au Japon est une ratière, les journalistes un paquet de rats", déclare Konishiki avec mépris "je suis en permanence cité par des journalistes qui ne m'ont jamais vu. Les autres me posent le même type de questions stupides : De quoi parlez vous avec votre épouse ? Qu'est ce que ça fait d'être marié à un homme comme vous ? Vous voulez un garçon ou une fille ? La question qu'ils ne posent jamais est, Ils font l'amour ou pas ? ". "On le fait", dit Konishiki avec un brin de timidité. Nous laissons le reste à votre imagination.
    Selon la presse populaire, Konishiki a fêté son 28ème anniversaire en décembre dernier en descendant 120 canettes de bière, 10 verres de téquila et 10 whiskies. "C'est ridicule" proteste Konishiki "Je ne bois jamais de whisky".
    Alors, la bière et la téquila ? "Ca n'est vrai qu'en partie. Les 10 téquila sont vraies, mais j'ai bu plus de 120 canettes de bière".
    Explosé ?

  6. #16
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    On continue...

    "Non, mais le lendemain matin j'avais l'impression d'avoir 23 coeurs, qui battaient tous, et dans ma tête".
    Le public japonais raffole de ce genre d'informations. Et la plupart du temps Konishiki n'en est pas avare. "Je suis traité comme un roi, un dieu vivant".
    Les grand-mères et les jeunes enfants le touchent pour attirer la chance comme une sorte de Bouddha géant. Les jeunes filles défaillent à la vue de ses hanches énormes.Les masques de Konishiki s'amoncellent sur les rayonnages des magasins de jouets de Tokyo. Un fan club lui a offert un mawashi avec un énorme diamant pour le porter durant les longues cérémonies d'ouverture des tournois de sumo.
    Il semble clair que Konishiki est la plus grosse raison de la sumomania qui déferle actuellement sur le japon. Les six bashos de cette année sont sold-out, y compris les trois qui se déroulent au Kokugikan, le stade de Tokyo avec ses 12000 places. Les premiers rangs s'arrachent à plus de 4000 $ chacune. Les salaires des sumos sont aussi élevés, et les aspirants sumotori déferlent du monde entier. La Kyokai reverse à Konishiki un pourcentage des revenus générés par les entrées, ce qui monte jusqu'à 100000 $ l'an, mais il gagne au moins deux fois plus grace aux exhibitions et primes de match - ce qui se révèle pratique dans une cité aussi chère que Tokyo. "J'aimerais gagner des millions de dollars comme les baseballers américains au Japon", nous dit Konishiki, "mais j'imagine que celà fait partie de la discipline du sumo. On prend ce qu'on a3.
    C'est le sumotori hawaïen Jesse Kuhaulua, premier non-japonais à emporter un basho dans la division reine (en 1972), qui a fait venir Konishiki au Japon. Aujourd'hui 19 hawaïens luttent ici (l'un des frères ainés de Konishiki, Junior, figure dans une compétition de boxe parallèle). Aucun des sumotori hawaïens n'apprche les mensurations de Konishiki. Le plus proche est Akebono, un géant de 2,03m, entraîné par Kuhaulua. Mais Akebono, bien que pesant le poids respectable de 225 kgs, n'a pas le centre de gravité extrêmement bas qui avantage Konishiki.
    Le tour de taille gigantesque de Konishiki le rend pratiquement indéboulonnable. Mais il amène aussi son lot d'inquiétudes à propos de sa santé. Konishiki aborde ce lourd problème d'un ton léger. "Mon seul regret est que je ne peux entrer dans les manèges de Disneyland Tokyo. Et quand je vais au cinéma, je dois m'asseoir dans m'allée3.
    Est-ce que maigri - si le terme signifie quelque chose dans son cas - altérerait son sumo ? "Je ne me prends pas la tête ave celà, mais celà ne me ferait dertainement pas de mal de perdre 79 ou 80 kgs".
    Kahaulua n'est pas d'accord. "les sumotori sont dépendants de leur poids. S'ils en perdent, ils perdent leurs sensations. Certains ont ruiné leur carrière aprsè une perte de poids. Je suis plus inquiet pour ce qui concerne Konishiki des risques de blessures. Des gabarits comme nous guérissent lentement".
    Kahaulua dit ceci, assis sur un futon d'une écurie d'entraînement d'Osaka. La tête enfoie dans des serviettes, cet homme de 200 kgs semble immobile, tel Jabba le Hut, et presque aussi caricatural. Depuis dix jours il est dans cette position quasi en permanence. "Je me suis tordu la cheville" dit-il d'une voix rauque. Un coup au larynx au début de sa carrière de sumotori lui a laissé cette voix de crécelle.
    Sur le mur, une affiche réalisée par l'un des protégés japonais de Kuhaulua.
    S'il vous plaît
    Ne mangez pas : viande, poisson tel que le thon
    Mangez plus de : Légumes, fruits, tofu
    Marchez
    N'allez pas dîner
    Gardez vous en vie

    "Je ne connais rien à la nutrition" dit Konishiki à un visiteur, dans la modeste maison de ses parents à Oahu. "quand vous êtes élevé dans une famille qui survit à peine, vous mangez tous ce qui se trouve devant vous". Le visiteur s'éloigne.
    Konishiki est le huitième d'une fratrie de neuf engendrée par Lautoa Atisanoa et son épouse, Talafaaiva. Lautoa, personnage trapu à l'air perpetuellement fatigué, a émigré avec sa famille des Samoa, où il était instituteur, vers Oahu en 1959, et trouva alors un travail de mâteur en navires. Il était déterminé à offrir à ses enfants, dont Salevaa (surnommé Sale), plus que l'école primaire.
    Les Atisano vivaient au sein d'une commaunauté samoane, du côté sous le vent de l'île. Ils étaient pauvres selon les standards polynésiens. Chaucun dormait sur des nattes dans une chambre commune et se douchait à l'extérieur, sous les bananiers. Lautoa avait été un pr^cheur, dans son village des Samoa, et une fois installé à Hawaï, il construisit une église avec du bois de récupératon. "La famille avait un profond respect pour le protocole, les rituels, l'étiquette", selon Earlene Albano, l'institutrice de primaire de Sale à Nanakuli. "Je crois que c'est grâce à celà que Sale s'est aussi bien adapté au Japon".
    Sale était un petit garçon gros mais fort. A 11 ans, il pesait 180 kgs. "Il avait l'air intimidant, mais il ne s'en est jamais servi".
    Personne ne l'intimidait, non plus. "on portait des casques et des protections d'épaule quand on jouait au football dans la rue, mais rien n'allait sur Sale, donc il était sa seule protection" nous dit Darrin Zablan, un ancien camarade de classe.
    A l'université d'Honolulu, Sale acuit un surnom, Sale l'Enorme, comme champion invaincu à la presse (275 kgs) et aux squats (300 kgs). Il jouait aussi au poste de bloqueur dans l'équipe de football. Le fils d'Albano jouait dans une équipe adverse.
    "Qu'est ce qui se passe quand Sale te rentre dedans ?" lui demanda-t-elle un jour.
    "Tu rebondis, m'an" lui répondit-il.

  7. #17
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    suite encore, le reste ce soir, peut-être (il est vraiment long, cet article...)

    Trop lent pour le haut niveau, Sale pensa un moment devenir policier infiltré, comme si un ancien bloqueur de son gabarit pouvait passer inaperçu. "Tu sais, comme au GIGN, traverser les portes, casser des têtes". Un silence "C'est pas encore trop tard, non ?".
    Une semaine avant son bac, un émissaire de Kuhaulua repera Sale sur une plage, qui séchait l'école.
    "Non merci, lui répondit Sale, lorsque l'émissaire lui parla de sumo "Je n'ai pas les tripes pour combattre"
    "Si, tu les as"
    "Laisse tomber"
    L'émissaire insista, revenant à la charge à deux reprises. Il dit à Sale que Kuhaulua devait venir incessamment à Honolulu, et qu'il pourrait le lui présenter. "c'est une vedette à Hawaï, alors je me suis dit, pourquoi pas?", dit Konishiki.
    "je te demandes juste d'aller là-bas" dit Kuhaulua à Sale "après, ça viendra tout seul. Contre l'avis de ses parents, Sale partit en balade "le voyage était gratuit. Qu'est-ce que j'avais à pedre ?". C'était alors un poids plume de 190 kgs.
    Kuhaulua lui apprit les épreuves liées à son statut de sumotori. "Ca faisait 20 ans que j'étais dedans. Le jour où je suis arrivé des Etats Unis, en 1964, j'ai eu l'impression d'être sourd, aveugle et particulièrement stupide. Je ne pouvais parler qu'à deux ou trois personnes. Et il y avait toujours énormément de ressentiment datant de la deuxième Gurre Mondiale". Kuhaulua fit des effeorts gigantesques pour s'intégrer. "Essayer de vivre à la japonaise était vraiment difficile, mec. Il m'a fallu apprendre leur culture, leur style de vie et leur langue, et accepter leur attitude vis-à-vis des étrangers".
    Kuhaulua combattit sous le nom de Takamiyama, la Haute Montagne. Il atteignit le rang de sekiwake, le troisième dans la hiérarchie du sumo. Mais il ne concourrut jamais pour l'accession au rang de yokozuna. "je n'avais pas la concentration nécessaire pour m'élever plus haut. Ceux qui deviennent yokozuna ont quelque chose en plus. Ils sont vraiment différents".
    Konishiki intègra la Takasago beya en 1982. Il s'était rasé le crâne juste avant le bac. Ce fut son dernier acte de défi pour longtemps.
    Konishiki traîne son énorme masse au sein de son école d'entraînement avec la morgue d'un jeune chef toisant sa tribu. Et si une heya n'est pas une tribu, on y trouve suffisamment de totems et tabous pour générer des sujets de doctorats pour les antropologues des futures génération.
    "retour à l'âge de pierre, mec", nous indique Konishiki

  8. #18
    deniishu
    Guest
    tout simplement merci pour ces traductions

  9. #19
    Guest
    Nouvelle livraison...


    La Tradition est présente jusque dans l'argile que les lutteurs, appelés sumotori, foulent du pied. "il faut avoir le sens de l'humour quand on parle du sumo", dit Konishiki, dans un rire semblable au démarrage d'un petit moteur. "les étrangers qui ont du mal icic sont incapables d'en rire. Mais" ajoute-t-il, après un moment "il y a un un moment ou il faut prendre les choses avec sérieux".
    Lorsqu'il est arrivé à Tokyo, son oyakata (ndlr :j'extrapole pour simplifier) lui donna le nom de Konishiki, du nom d'un yokozuna qui lutta à la fin du 19° siècle. "Tout ce que je sais, c'est qu'il était petit et avait cinq épouses" soupire Konishiki II. "on vit dans un monde différent, mec. On pouvait alors avoir 20 femmes, sans se retrouver au tribunal".
    La vie d'un jeune sumotori s'apparente à une servitude sous contrat. La plupart des lutteurs aspirants s'engagent vers 15 ans; ils gagnent de la masse, en résumé, en se gavant eux-même.Ce ne fut pas un problème pour Konishiki, mais l'uniforme obligatoire - un string tout ce qu'il y a de minimal - le rebuta. "je ne voulais pas me balader en couches culottes. Mais je suis là, et je les porte".
    Son initiation fut brutale. Les oyakata lui crachaient dessus, lui mettaient du sel dans la bouche et le frappaient avec des bâtons de bambou. Une nuit, un lutteur plus âgé, ivre, trébucha et donna un coup de genou dans la tête d'un Konishiki en plein sommeil "Pas de raison particulière "dit Konishiki avec calme "il lui fallait simplement donner un coup de genou à quelqu'un. C'était vraiment premier arrivé, premier servi".
    Un autre vétéran, raide pompette, frappa Konishiki au visage avec une bouteille de bière. "je voulais répliquer, mais je n'ai pas pu. Quand vous êtes un apprenti, vous êtes de la merde. Vous ne pouvez que prendre des coups, pas en rendre. Ce n'est pas l'Amérique".
    Mais Konishiki eut de quoi se consoler. "ils ne s'attaquent qu'aux plus prometteurs. Et ils s'attaquaient à moi tous les jours. Je me suis donc tant habitué à la douleur que j'ai oublié ce que c'était". Il accomplissait consciencieusement le corvées des apprentis. Baigner et nourrir ses tortionnaires, éponger leur sueur, courrir faire leurs courses et même essuyer là ou un sumotori de 180 kgs ne peut s'essuyer. Le seul moyen de se libérer de tous ces affronts était de gravir les échelons jusqu'à ce que lui soit accordé le privilège d'utiliser des apprentis comme ses serviteurs.

  10. #20
    Modérateur Avatar de toonoryu
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    Dernières livraison...

    Tandis qu'il raconte ceci, Konishiki enfourche deux tonneaux de bière en plastic dans le sombre et venteux sous-sol du temple shinto où il s'entraîne. Une douzaine de laquais à la gueule cassée sont assis autour d'un cercle d'argile, frappant leurs cuisses et se balançant. Certains frappent leur paumes sur des rondins de bois fichés dans le sol; d'autres s'entrechoquent comme deux couettes amoureuses (ndlr : humour difficile à traduire et rendu approximativement). Konishiki porte un volumineux kinono, bleu et blanc aux motifs de palmiers. Deux assistants s'affairent à recoiffer et rehuiler son chignon. "je suis son esclave" dit Cosier (Le Gros) Gaspard, l'un des six apprentis lutteurs qui font partie de la suite de Konishiki. "mais ça va, parce qu'il est un grand maître".
    Gaspard, 150 kgs et des airs de bon gros cochon, est venu d'Oahu l'an dernier. Il jouait -pouvait-il en être autrement? - comme bloqueur à l'Arizona Western College jusqu'à ce qu'il se blesse gravement au genou. Il a du faire brûler plusieurs tatouages de ses épaules, y gagnant des cicatrices peu esthétiques, parce que les strictes règles du sumo interdisent tous marquage corporel "impur".
    La tâche la plus difficile de Gaspard est peut-être bien de réveiller Konishiki tous les matins "je dois lui sauter dessus, puis le frapper à la tête et crier "debout, debout".
    En général, Konishiki fait de la musculation, des assauts et des poussées jusqu'au déjeuner jusqu'au déjeuner, puis mange. Et mange. Il mange d'énormes bols de riz et de grandes quantiés de boeuf, porc, poulet, poisson, tofu et légimes bouillis ensemble dans un ragoût hypercalorique appelé chanko-nabe. Le ragoût, ça va, mais ce qu'il désire le plus est la mayonnaise américaine - il a une réserve secrète de Hellman's. "assez souvent je sors pour trouver un endroit ou acheter des hots dogs, ou quelque chose d'américain".
    Tout le travail et le no poi (ndlr: un terme japonais ?) n'ont pas fait de Konishiki un balourd. Avec ses rapides et troublantes poussées et ses assauts homériques, il est devenu le sumotori à l'ascension la plus fulgurante dans le pays du Soleil Levant. Il a atteint la plus haute des six divisions après seulement huit tournois, un record dans l'ère moderne. En passant il a battu quelques unes des plus grandes stars du sumo. Mais il est apparemment devenu trop fort et trop vite pour ses hôtes.
    Une forte poussée xénophobe a déferlé sur Konishiki lorsqu'il finit second du tournoi de l'Empereur en septembre 1984. "Les japonais ne se soucient jamais tellement de votre couleur ou de votre nationalité. Enfin, jusqu'à ce que vous parveniez aux plus hauts rangs". Un mouvement anti-Konishiki se forma. Le jeune homme fut attaqué parce que son corps n'était pas sculpté et musclé comme un sumotori classique. Il fut affublé de sobriquets comme Benne à Ordures, le Monstre Hawaïen, la Bombe de Chair. "en fait, j'ai toujours aimé Bombe de Chair. J'imagine ma photo en couverture de Sport Illustrated avec les mots La Bombe de Chair Explose au Japon".
    Des fans irascibles ont essayé de boycotter la Bombe. Ils ont cloué une poupée à son effigie en dehors du temple, lui ont envoyé du courrier haineux et des menaces de mort. Des rumeurs de noir complot pour le blesser durant l'entraînement, le corrompre, relever sa nourriture avec du sucre pour lui donner le diabète, ont circulé. "j'étais sûr que quelqu'un allait venir sur moi dans la rue pour me poignarder dans le dos. Ca m'a fichu une trouille bleue". Un quotidien vola son journal intime et en publia des extraits. Un autre exigea que les tournois fussent annulés si la Bombe de Chair devenait yokozuna. Un troisième le stigmatisa comme "la pire catastrophe survenue au peuple japonais depuis l'arrivée des Vaisseaux Noirs", allusion au Commodore Perry et à sa flotte, qui contraignirent le Japon à s'ouvrir au commerce occidental au 19° siècle.
    Des appels furent lancés pour enseigner le sumo au lycée pour que le Japon puisse produire des lutteurs qui pourraient battre Konishiki. Il y a même eu une chanson anti-Konishiki qui donnait à peu près ceci : "Con, baleine, clodo. etc" (ndlr : difficile de traduire une chanson, ça ne rime pas à grand-chose).
    Peu à peu ceci est arrivé aux oreilles de Konishiki. Il devint alors tout fou, comme un jeune rookie (ndlr: pas sur, là). Il tomba lourdement, puis se blessa au genou gauche. Il perdit même son calme légendaire. Après une défaite, il balança une télé du deuxième étage. "Vous n'allez pas me dire que Jordan marque 45 points à tous les matches. Il a ses jours sans, lui aussi".
    Il atteint le fond quand l'un de ses assistants jeta à la poubelle toutes les lettres de sa famille "Je les lisais chaque soir, encore et encore. Ce sont elles qui me faisaient tenir. Quand elles furent jetées, j'en ai pleuré. Je me suis demandé, qu'est-ce que je fais ici ?". La fierté le fit tenir. "Je ne pouvis pas m'en aller avant d'avoir réussi. C'est ce que le sumo m'a appris, mec, comment vivre seul. Je ne dois mon parcours qu'à moi-même".
    Il insista avec courage et une obstination typiquement zen. En 1987 il atteint le rang d'ozeki. Bien sûr, il lui fallut cinq places de finaliste au lieu de trois habituellement. Il montrait son esprit d'indépendance en paradant autour du dohyo avec un tablier arborant la statue de la Liberté.
    Il emporta son premier tournoi, le Kyushu basho, en novembre 1989 avec un score d 14-1. Essuyant ses larmes, il déclara "mon rêve s'est réalisé". C'était une marque d'émotion très peu japonaise, et elle fit écrire à des éditorialistes "je me demande quelles pensées étaient contenues dans ces larmes... nous voudrions seulement demander à Konishiki de comprendre l'esprit qui sous-tend le sumo et de poursuivre sa carrière".

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