• Haru Basho 2014 - 15e journée (senshuraku)

    Une Triade est née

    Il n’y a pas qu’en Chine désormais qu’existent les Triades, mais également au Pays du Soleil Levant et des yakuza. Sous les yeux du Don, du Boss Asashoryu, un troisième yokozuna mongol est né. Sans doute pas le plus dominateur – cet apanage restera celui de Hakuho – ni le plus flamboyant – on parle là de Harumafuji (ou d’Asashoryu si l’on demeure sur une dimension historique) – mais plutôt du plus laborieux et appliqué des ozeki, qui à défaut des moyens physiques de Kotoshogiku ou Kisenosato a su faire évoluer ses atouts tactiques et techniques tout en amendant sa puissance avec régularité. Certains resteront dubitatifs sur l’aide éventuelle dont il a pu bénéficier de la part de ses compatriotes, volontairement ou non (la blessure de Hakuho notamment), toujours est-il que sa consécration du jour vient couronner un patient travail d’ascension dont la première étape se situait à l’orée de 2012 avec un ozeki-run qu’il concluait sur un doten-yusho en compagnie de Michael Corleone, euh, pardon, Hakuho. Kisenosato, qui se retrouve encore sur le bord de la route, va devoir cravacher sec pour atteindre son nirvana face à une armada mongole pas franchement décidée à lâcher du lest. En passant, Hakuho commence à avoir de la concurrence sérieuse pour lui empêcher de toucher le (sans doute) dernier but qui lui reste, la marque de Taiho.


    En attendant le tsunauchi-shiki.



    Remise de la Coupe de l’Empereur par Kitanoumi Rijicho.


    C’est donc fait pour Kakuryu, au terme d’un duo de basho accomplis avec trois victoires en trois combats réguliers contre les deux yokozuna du plateau et une impression de sérénité assez saisissante, à l’instar de son combat du jour qui lui permet de forcer le destin et d’accrocher une première Coupe de l’Empereur. Certes, l’adversaire du jour n’est pas le plus grand épouvantail du plateau, surtout que Kotoshogiku a le kachi-koshi en poche depuis hier et la surprise créée face à Hakuho. Après une tentative d’esquive, Kakuryu vient au mawashi, comme son compère ozeki. Les deux hommes se dégagent, mais Kakuryu réussit à y revenir, grâce à un makikae d’une confondante fulgurance, avec une profonde et solide intérieure gauche qui lui permet de rentrer dans la garde de Kotoshogiku et d’avancer inexorablement. Les jeux sont faits, pour le yusho comme – à 99.99% - la promotion qu’on verrait mal le YDC ou la NSK lui refuser. Pour la première fois d’un basho qu’on l’a vu traverser avec une impassibilité apparente totale, Kakuryu laisse transparaître quelque émotion. On le comprend…


    Une émotion palpable…


    S’il n’a plus d’enjeu particulier autre que celui du mano a mano particulier entre deux grands champions à l’ego développé (nécessité pour combattre à ce niveau), rien que ce paramètre fait du dernier combat du tournoi entre les deux yokozuna un affrontement particulier. Après un jeu de mains très vif pour rentrer dans la garde de l’adversaire sans abandonner la sienne, les deux yokozuna se retrouvent au mawashi, avec Hakuho en intérieure droite sur Harumafuji qui le maintient le plus à distance possible. Un jeu de type « bras de fer » physique s’engage, Hakuho étant alors en position de faveur sur ce terrain. Et pourtant, c’est Harumafuji qui, ayant bloqué le bras droit de Hakuho, engage la poussée finale. Acculé à la tawara en situation critique, Hakuho délivre alors un mouvement venu d’ailleurs en faisant pivoter la poussée de Harumafuji sur sa jambe droite tout en tournant son corps. Les deux hommes s’écroulent quasi simultanément et dans la douleur (surtout Harumafuji), et bien que le tate-gyoji tourne son gunbai vers Harumafuji, les shimpan convoquent un assez logique mono-ii. Les images au ralenti sont très parlantes, et peuvent amener une polémique au vu du verdict du mono-ii, car on voit clairement que Hakuho, en l’air, touche le sol après le bras que Harumafuji amène au sol sans doute pour protéger sa chute. La conclusion est, pour votre serviteur, assez claire : soit l’on considère que Hakuho est en shinitai et la victoire doit être confirmée, soit ce n’est pas le cas et c’est Hakuho qui l’emporte. Les shimpan décident de ne pas décider et convoquent un torinaoshi. Ledit torinaoshi est par contre un combat à sens unique, Harumafuji effectuant un tachiai éclair (limite matta, d’ailleurs) qui fait reculer Hakuho de plus d’un mètre, Harumafuji s’emparant dans la foulée du mawashi pour une victoire express. Yorikiri solide pour Harumafuji qui effectue au final un retour très convaincant de blessure. Le mois de mai promet d’être excitant.


    La cuisse de Harumafuji, témoin d’un premier combat au couteau.


    Basho de rêve pour Goeido qui dispose assez aisément en puissance de Kisenosato quelque peu démobilisé, qui abandonne un peu facilement le côté gauche de son mawashi. Avec 12-3 et son troisième shukun-sho et le jun-yusho, profitant en cela du musubi-no-ichiban, Goeido entame de la manière la plus convaincante qui soit un ozeki-run. Reste maintenant au sekiwake qui a déjà pas mal douché des espoirs dans des circonstances analogues à transformer l’essai. Rendez-vous pour lui en mai.


    Combat solide, basho solide, pour Goeido. Pourvu que ça dure…


    Derrière le quatuor des hommes forts de ce mois de mars, on retrouve un dernier duo de rikishi ayant réalisé le sacro-saint « double digit », avec Yoshikaze et Takanoiwa. Avec un œil fermé, Yoshikaze montre pourtant une redoutable précision dans ses usuels tsuppari pour perforer la garde d’Endo largué sur ce combat.


    « Tomber neuf fois, toujours se relever dix… »


    Yoshikaze décroche une première place en sanyaku en carrière en même temps qu’un troisième kanto-sho. La solide prise intérieure gauche de Kitataiki le met dans une position très favorable face à Takanoiwa, mais le Mongol, auteur d’un basho remarquable, déclenche un fatal shitatenage en recul qui lui permet de scorer sa dixième victoire.

    Quatre kachi-koshi sont décrochés ce jour, aucun lutteur ne concédant en makuuchi de make-koshi du senshuraku (ce qui n’est pas le cas en juryo ou trois duels complètent le make-koshi d’Asahisho face à Sokokurai en transe). Le torikumi sympathique de Myogiryu lui oppose Kyokutenho qu’il a toujours battu, c’est donc sans surprise qu’il remporte un kachi-koshi à l’arrachée sur yorikiri, après avoir gagné ses quatre derniers combats. Basho de contrastes pour Osunaarashi qui aura été avec les leaders en première semaine avant d’enchaîner sept revers sur blessure. Ses efforts paient au final pour un kachi-koshi méritoire de dernière minute sur Toyohibiki, sa prise intérieure droite l’aidant bien à placer un puissant yorikiri. Mal parti avec Okinoumi cramponné à son mawashi et l’acculant à la tawara, Terunofuji sort un effort titanesque pour retourner son adversaire et l’expulser du dohyo. Une performance comparable à celle de son basho qu’il finit en trombe pour décrocher son kachi-koshi sur ce sixième succès de rang. Enfin, Jokoryu décroche logiquement sur yorikiri un kachi-koshi tardif sur Aminishiki que l’on a connu plus motivé et qui concède aisément une intérieure gauche.

    Le bras droit solidement campé sur le mawashi de Toyonoshima, Chiyootori affermit sa position et fait passer alors une puissance qu’il sait supérieure. Chiyootori, avec un 9-6 comme M5, bénéficiera d’une promotion heureuse mais loin d’être imméritée au mois de mai. Tochiozan remporte la victoire en poussant Chiyotairyu vers la sortie avant sa propre chute, provoquée par le sumo de recul de son adversaire. Oshidashi limite mais victoire malgré tout. Shohozan prend les choses en main en oshi en début de combat mais Tamawashi parvient à lui bloquer le bras gauche pour figer la situation. Tamawashi attend alors l’offensive du futur ex-komusubi pour mieux le contrer en force. Combat enfin énergique de Sadanofuji qui décroche enfin une deuxième shiroboshi face à Tochinowaka incapable de garder la main sur le mawashi adverse.


    Mieux vaut tard…


    Gros affrontement de nodowa entre Takayasu et Kaisei, les choses se stabilisant lorsque les deux hommes se figent avec des extérieures gauche mutuelles. Kaisei perd cette prise mais conserve une intérieure droite solide, qui lui sert au final à sortir Takayasu sur un yorikiri de côté. Gagamaru paraît bien impuissant face à Ikioi, un adversaire qui lui donne du fil à retordre en soutenant le combat d’allonge que le Géorgien tente d’imposer. Ikioi chute au final mais non sans avoir sorti le poids lourd une fraction de seconde avant. Yorikiri de mammouth d’Aoiyama dans son choc de gros avec Chiyomaru, le Bulgare enregistrant un neuvième succès hélas insuffisant pour décrocher une place en sanyaku. Plus compact, Takekaze rentre bille en tête dans le pourtant conséquent gabarit de Masunoyama, mais c’est au final un tirage sur décalage gauche qui lui permet d’emporter le morceau et un neuvième succès. Tokushoryu mène au départ la danse sur Takarafuji aux tsuppari, mais un assaut mal calculé permet au clone de Chiyotaikai de lui prendre le bras gauche pour l’emmener et l’achever sur okuridashi. Morozachi, yorikiri, kachi-koshi, makuuchi : quatre mots pour définir la nette victoire à enjeu de Kyokushuho sur son compatriote Azumaryu. Combat de relégués entre Kagamio et Satoyama, le dernier adoucissant un poil l’amère pilule de son basho en disposant sur tsukiotoshi dans un combat d’esquive du Mongol qui lui réussit toujours bien.

    Le seul kettei-sen de ce Haru basho se déroule en sandanme, et comme prévu Chiyoarashi ne fait qu’une bouchée de son hochet du jour, Takakasuga, avec un kimarite façon « lancer de javelotoshi » pour décrocher un retour en makushita et pourquoi pas imiter le vainqueur du yusho dans cette division, Tochinoshin, de retour aux affaires et – sans doute – dans les rangs salariés d’ici l’été. La division juryo, dont le dénouement était joué depuis belle lurette, voit finalement Homasho échouer assez piteusement dans la quête d’un rare zensho dans cette division, faisant les affaires de Daido qui décroche le kachi-koshi après un basho transparent.

    En ce qui concerne les promotions/rétrogradations :

    Sanyaku : la situation s’est au final décantée. Goeido et Tochiozan conservent évidemment leur grade de sekiwake, avec un joli début d’ozeki-run pour le premier (pourra-t-il enchaîner est une autre paire de manches en ce qui le concerne), et les deux komusubi vont prendre un joli vol. Pour les remplacer, Yoshikaze et Chiyootori, Aoiyama échouant sur le fil en dépit de sa victoire du jour.
    Makuuchi/Juryo : là, c’est moins clair. On a six places qui se libèrent (intai de Kotooshu, performances de Kagamio, Satoyama, Tenkaiho, Fujiazuma et Sadanoumi, Azumaryu étant assez chanceux sur ce coup), et trois montées évidentes avec Kyokushuho, Homasho et Tokitenku. Les trois autres élus seront à chercher dans un groupe constitué de Chiyonokuni, Sadanoumi, Arawashi et même Sokokurai. Chiyonokuni tient pour moi la corde, pour les deux places restantes ce sera à l’appréciation du comité pour des promotions en tout état de cause chanceuses.
    Juryo/Makushita : Pour cette capitale ligne de front, la situation est au final assez claire, Kitaharima ayant avec son make-koshi de dernière minute libéré un quatrième strapontin après ceux de Kotooshu, Sagatsukasa et Tochihiryu. Pour les remplacer, Tosayutaka, Sakigake, Ichinojo et le veinard Takanoyama retrouveront un mawashi de soie au prochain basho.
  • Forum

    skydiver

    Osaka basho 2024

    Takakeisho Ozeki n’a pas repris l’entraînement suite à sa blessure à l’épaule contractée durant le basho. Il est actuellement en soins

    skydiver Aujourd'hui, 19h13 Voir le dernier message
    skydiver

    [ Terao ] Présentation générale.

    Il avait beaucoup de prestance selon moi et je le trouvais serein.

    skydiver Aujourd'hui, 03h49 Voir le dernier message
    Konosato

    [ Terao ] Présentation générale.

    Fin des annèes 90, quand je regardais le Sumo sur Eurosport le commentateur allemand (j’habite en Suisse allémanique) se répétait toujours quand Terao

    Konosato Hier, 21h23 Voir le dernier message
    liclic

    [ Terao ] Présentation générale.

    Je me souviens très bien de Terao... Il avait un physique presque 'normal' si différent de la plupart des rikishi... Et bien paix à son âme.

    liclic Hier, 12h34 Voir le dernier message
    skydiver

    Osaka basho 2024

    Et d’accord sur le fait qu’une promotion au grade d’Ozeki est loin d’être évidente. La concurrence se fait rude et il lui faudra

    skydiver 26/03/2024, 15h32 Voir le dernier message
    skydiver

    Osaka basho 2024

    Je pense aussi pour Asanoyama, oui, mais l’article que j’ai lu ne le mentionnait pas.

    skydiver 26/03/2024, 15h29 Voir le dernier message
    nandoula

    Osaka basho 2024

    Retour d'Asanoyama en sanyaku je présume.
    Curieux de voir s'il arrivera encore à retrouver son grade d'ozeki vu les nouveaux clients qui ont l'air

    nandoula 26/03/2024, 11h09 Voir le dernier message
    skydiver

    Osaka basho 2024

    Oui, plutôt d’accord. Au vu de leurs performances respectives lors de ce tournoi ça semble assez logique. Néanmoins la NSK nous a habitué à des

    skydiver 25/03/2024, 18h08 Voir le dernier message
    jj

    Osaka basho 2024

    Il semblerait logique de voir Wakamotoharu Se, Abi So, Asanoyama Ke et Onosato Ko. Donc Atamifuji et Daieisho M1. À votre avis?

    jj 25/03/2024, 14h58 Voir le dernier message
    skydiver

    Osaka basho 2024

    Kotonowaka change de shikona à l’issue de ce tournoi et s’appellera désormais Kotozakura, nom choisi par son grand-père, Oyakata de la Sadogatakebeya.

    skydiver 25/03/2024, 11h58 Voir le dernier message