• Kyushu Basho 2013 - 15e journée (senshuraku)

    Haru-ho jidai

    La conclusion de ce Kyushu basho ne restera pas dans les mémoires pour le combat du jour, quelque peu frustrant pour les amateurs de sensations fortes. Mais l’année 2013 est celle d’une vérité qui se manifeste de plus en plus : Hakuho est certes le yokozuna de cette décennie, incontestablement dominateur (les statistiques dont je repais ces chroniques assez régulièrement le disent suffisamment), mais Harumafuji s’impose tout aussi incontestablement comme une bonne contrepartie à sa mainmise. Certes, l’ancien Ama n’est pas de l’étoffe des Asashoryu, Chiyonofuji, Taiho ou Kitanoumi (liste non exhaustive), mais il n’en reste pas moins un lutteur d’exception, capable quand il est en grande forme de donner la monnaie de sa pièce à l’ogre mongol. La dimension psychologique est chez lui capitale : s’il enchaine dès le départ, c’est tout bon. Au risque de me répéter, les six fois où il a enchaîné parfaitement jusqu’au nakabi, Harumafuji a soulevé la Coupe. Hakuho n’a pas les mêmes soucis au niveau du mental, le Mongol ayant par exemple remporté ses yusho numéro 4, 5 et 9 en ayant concédé un revers au shonichi. Mais les deux hommes sont complémentaires comme l’étaient Taiho et Kashiwado, les deux protagonistes du premier « âge d’or » du sumo, nommé Hakuho-jidai. Peut-être sommes-nous en train de vivre une Haru-ho jidai. L’Histoire le dira.


    Sixième Coupe pour Harumafuji.


    Un paravent pour l’émotion ?


    (presque) le moment de vérité.


    Le combat de feu attendu entre les deux yokozuna accouche, sinon d’une souris, au mieux d’un ragondin. Harumafuji, parfaitement conscient de ses lacunes et des ses limites comme de ses qualités, refuse rapidement le contact et parvient (ce n’est pas une mince affaire, il faut le souligner) à surprendre Hakuho avec l’une de ses marques de fabrique, un décalage sur sa droite rapide avec profonde saisie du mawashi du bras gauche, le décalage étant là pour déstabiliser autant que pour rendre inopérante l’arme fatale de Hakuho, son bras gauche. Après un tour quasi complet qui pétarde la défense de Hakuho, Harumafuji prolonge son avantage à la tawara, et doit avoir une seconde de doute après le rétablissement miraculeux de Hakuho sur la corde. Mais le gyoji pointe alors son gunbai : dans son rétablissement, le pied droit de Hakuho, resté en arrière, a mordu la janome, l’extérieur du cercle. Le combat- se termine, à la frustration de ceux qui attendaient de l’épique, de l’homérique, du légendaire, comme les deux hommes ont su maintes fois nous offrir. Harumafuji revient de loin, mais il a fait l’essentiel : décrocher un sixième yusho, pas un mince exploit dans une époque dominée par un yokozuna aussi écrasant que peut l’être Hakuho. D’aucuns feront donc la comparaison avec Taiho et Kashiwado, elle est parfaitement légitime.

    Kakuryu n’est pas décidé à jouer les faire-valoir pour le chouchou de la foule aujourd’hui, et il offre au mawashi une solide résistance à Kisenosato, mais celui-ci, toujours sur son nuage, montre la solidité de son bras droit qui envoie Kakuryu hors du cercle. Je me répète, mais que de regrets sur ces deux combats à sa portée et perdus… En tout état de cause, s’il parvient à ceindre la tsuna coincé entre les deux Mongols, Kisenosato l’aura vraiment méritée.

    Solide combat de Chiytotairyu qui conclut un basho de toute beauté par une victoire sans appel sur Kyokushuho, pris au mawashi et dépassé physiquement. Un sansho est à prévoir pour la Kokonoe. Le premier assaut d’Ikioi, vif et puissant, voit le lutteur s’écrouler en même temps que Toyonoshima est expulsé. Le mono-ii logiquement convoqué conclut au torinaoshi. Le deuxième combat voit Toyonoshima repartir au front avec la même envie, mais Ikioi conclut comme Chiyotairyu un basho de rêve par une projection magistrale qui devrait lui valoir un sansho mérité.

    Sept lutteurs à 7-7 à l’abord du senshuraku, seulement trois kachi-koshi à l’arrivée, l’ère n’est plus tant que cela aux compromissions. Dur combat pour Takarafuji malgré le moindre enjeu du combat pour Kitataiki, son adversaire du jour. Takarafuji parvient finalement au bout d’une minute d’efforts à trouver la faille pour forcer la sortie. La grosse henka d’Osunaarashi surprend presque Kaisei, mais le Brésilien s’en sort et commence alors une lutte féroce au mawashi, perdue au terme d’un combat homérique par l’Egyptien. Un combat d’hommes. Le 7-7 n’est plus une garantie de succès en ces années post-yaocho. Takekaze, allumé dès l’atari par Tamawashi, en fait la douloureuse expérience. En même temps, ce revers le sortira de la dangereuse ligne de feu des joi-jin. Yoshikaze, lui, échappe à une correction après un premier combat échevelé contre Takayasu, faits d’avalanches de baffes, poussées et tirages. Le mono-ii décide d’un torinaoshi. Le deuxième combat part sur des bases identiques, mais Takayasu commet la glissade de trop. Torikumi cruel pour Gagamaru qui doit se coltiner, lui M13, un M1, Myogiryu, en quête de kachi-koshi. Verdict sans appel avec une sortie rapide en yorikiri.

    Basho bien planté pour Goeido qui n’aura que sauvé l’essentiel, à savoir le kachi-koshi. Tochiozan le domine à l’impact, et après un sauvetage miraculeux à la tawara, le sekiwake ne peut cette fois éviter le mouvement de contournement de Tochiozan qui l’ pourchasse alors dans son dos, scellant son sort. Tout est à refaire pour le sekiwake qui reste en place, l’autre sekiwake restera, lui, en sanyaku. Shohozan n’aurait pas du laisser Tochinowaka mettre la main sur son mawashi. En contrôle, le grand gabarit est plus dur à battre et le futur ex-komusubi en fait les frais malgré ses tentatives de désaxement en sortant son pied prématurément. Aoiyama conclut de fort belle manière, les bras puissants et en avant, un basho très convaincant. Okinoumi, impuissant, concède le make-koshi au Bulgare qui enregistre un dixième succès important dans l’optique des promotions. Aminishiki est toujours au très haut niveau en dépit de son âge et de sa longue carrière, mais aujourd’hui il ne peut rien contre le sumo de poussée de Toyohibiki. Le Renard va quitter la zone dangereuse en janvier, il faudra compter avec lui. Tokitenku tente un petit décalage en mode « Isegahama » mais Kyokutenho vient au mawashi. Étonnement, c’est toutefois Tokitenku qui remporte une épreuve de force dont il n’était pas favori. Homasho et Tamaasuka cumulent à peine un kachi-koshi à eux deux, mais la lutte n’en est pas moins féroce. A la surprise de beaucoup, c’est Tamaasuka qui en sort vainqueur en puissance d’un Homasho pas dans le combat. Jolie performance d’Endo qui, pris à la gorge par Fujiazuma, résiste aux poussées pour se saisir du mawashi et reconduire en force le poids lourd vers la sortie. Quoi qu’on pense de l’attitude du jeune espoir par rapport à sa blessure, il force quand même le respect. Plus vif à l’atari, Tokushoryu saisit directement le bras de Tenkaiho pour le tomber sur un lent tottari. Bilan catastrophe pour le poids lourd qui quitte la makuuchi alors qu’il était dans une zone relativement confortable. Shotenro inflige un make-koshi de dernière minute à Sadanofuji, qui n’a pas trouvé encore la solution face à son adversaire du jour. Shotenro va mieux asseoir sa position pour janvier. Surmotivé, Takanoiwa prend à la gorge, littéralement, et au mawashi dans les faits, Jokoryu qu’il domine totalement en dépit de la grosse résistance de l’ex-universitaire. Takanoiwa sera le premier hiramaku de l’ancien yokozuna Takanohana.

    En juryo, programmé avant le combat de son frère aîné, Chiyootori ne laisse pas place au suspense en concluant un basho de toute beauté sur Terunofuji, pourtant motivé par la perspective d’une possible montée en makuuchi. Kagamio, en disposant de son frère Chiyomaru sur un net yorikiri, met Chiyootori à deux longueurs devant tout le monde.
    Le feu aux fesses, Tanzo doit faire face à un Asasekiryu qui lui offre plus qu’une résistance symbolique, le sortant au final assez nettement, mais avec une erreur de rookie et sortant son pied droit dans le mouvement de poussée finale. Isamiashi qui pourrait bien au final revêtir une importance capitale pour Tanzo. Ultra-motivé par la perspective du kachi-koshi, Daikiho en mode dragster explose littéralement Asahisho avec une touche de Chiyotaikai dans le combat et un zeste d’Asashoryu dans la poussée finale non nécessaire. Dans un autre combat à 7-7, c’est Homarefuji qui décroche la timbale en battant nettement Kimurayama qui ne peut rien face aux bras tendus de son adversaire. Gros mérite pour Sokokurai qui en dépit de son manque de préparation physique encore flagrant parvient à résister à Tokushinho, puis, encore mieux, à le faire bouger en tournant, avant de réussir à le sortir au terme d’un gros effort. La saisie du mawashi en extérieur gauche par Sotairyu est faite très vivement, mais après quelques ritournelles qu’il mène, Yoshiazuma parvient à figer le combat dans un immobilisme qui lui est propre, attendant patiemment d’amoindrir l’impact physique de son adversaire qu’il termine en yorikiri. L’araignée a tissé sa toile. Sorti au mawashi alors qu’il avait la situation en mains sur Akiseyama, Chiyoo termine un peu en roue libre un très bon basho. Wakakoyu sauve un basho médiocre avec une freebie obtenue par Kotomisen, qui lui fait un petit tour et s’en va. Oshi pur à peine maîtrisé pour Wakakoyu, qui ne va pas pouvoir tenir bien longtemps avec un tel sumo. Les pontes de la Kyokai ont de quoi se réjouir, si le sumo européen est à la peine, le plus spectaculaire de ses membres revient chez les salariés, Takanoyama blousant à sa manière coutumière Higonojo qu’il relègue, par la grâce d’un bras saisi en clé et terminé sur tottari. Dans un combat de promotion vital, le lourd Kawanari échoue encore aux portes du paradis, s’effondrant bizarrement alors qu’il avait bien tenu le choc face à Tochihiryu. Ce dernier revient chez les salariés.

    Hochiyama, de retour fracassant de blessure comme tous les vainqueurs des yusho en divisions inférieures, conclut son basho par une nette victoire sur le minuscule Baraki. Tosayutaka, Hochiyama, Keitenkai, Kotoninsei : ce n’est pas un palmarès, c’est une infirmerie sur le retour…

    La situation des promotions et relégations est complexe sur certains plans. Pour les rangs sanyaku, si Kotooshu et Goeido sont assurés de leurs places comme sekiwake, pour les komusubi, la frustration va régner chez certains lutteurs dont les performances pouvaient leur laisser espérer un strapontin. Tochiozan, en l’emportant, assure sans doute une place de komusubi malgré son make-koshi. Myogiryu, kachi-koshi au premier rang joi-jin, ne peut se voir dénier une promotion. Aoiyama, Chiyotairyu et Toyonoshima échoueront dans une quête qui paraissait abordable.

    Plus bas dans la division, Aran intai laisse une place, Tamaasuka, Jokoryu et Tenkaiho descendant également réviser leurs bases. Au plan des montées, les tickets de Kagamio, Chiyootori et Takanoiwa sont certains. Satoyama, avec sa dixième victoire, sera sans doute le quatrième larron, battant un record de lenteur pour un retour en makuuchi, lui qui l’avait quittée après un 2-13 au Nagoya 2007 ( !).

    Pour les descentes en makushita, outre la place libérée par Aran et le forfait fatal de Tochinoshin, Oiwato, Tanzo et Kotomisen devraient faire partie de la charrette. Le manque de candidats viables à la promotion devrait sauver Higonojo et Seiro. Pour la montée, Arawashi, Tochihiryu et Takanoyama sont promus, et Sakigake devrait être l’heureux bénéficiaire des intai, blessures et contreperformances en division supérieure.
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    skydiver

    [ Akebono ] Présentation générale

    D’après divers médias japonais aujourd’hui, la cause du décès est bien une défaillance cardiaque, à l’hôpital où l’ex Yokozuna était traité.

    skydiver 16/04/2024, 18h45 Voir le dernier message
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    Les médias japonais donnent un large écho à cette disparition. Akebono Yokozuna, après ses prouesses sur le dohyo, restait une figure populaire au Japon.

    skydiver 12/04/2024, 00h44 Voir le dernier message
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    Le site de CNN propose un article consacré au Yokozuna depuis quelques minutes.

    skydiver 11/04/2024, 15h34 Voir le dernier message
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    Le 64eme Yokozuna a gagné 11 basho. Il laisse derrière lui son épouse, deux filles et un garçon. Hospitalisé depuis le début du mois, il est décédé d’une

    skydiver 11/04/2024, 15h28 Voir le dernier message
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    Je suis au Japon et la télévision publique NHK vient d’annoncer le décès d’Akebono, à l’âge de 54 ans.

    skydiver 11/04/2024, 12h31 Voir le dernier message
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    Osaka basho 2024

    Si vous avez accès à la chaîne NHK International, à compter de dimanche prochain, vous pourrez revoir les meilleurs moments de ce basho. Plusieurs rediffusions,

    skydiver 11/04/2024, 07h19 Voir le dernier message
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    Osaka basho 2024

    En effet. Information à confirmer mais, à ce jour, je ne trouve toujours pas de liste sur le site de la NSK ou ailleurs.

    skydiver 09/04/2024, 03h14 Voir le dernier message
    lolo

    Osaka basho 2024

    Si c'est le cas, ça fait un sacrée renouvellement.

    lolo 08/04/2024, 21h21 Voir le dernier message
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    Osaka basho 2024

    Petite exposition sympathique qui ne prend qu’une trentaine de minutes. Beaucoup de photos couvrant plusieurs générations de rikishi, des tegata

    skydiver 08/04/2024, 10h45 Voir le dernier message
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    Osaka basho 2024

    La salle où se déroule le basho d’Osaka reste ouverte jusqu’à la fin du mois pour une exposition sur le sumo. Photos, mawashi, tegata et vidéos

    skydiver 04/04/2024, 23h38 Voir le dernier message