Aki basho 2013 – 10ème journée (Toka-me)

Stupeur et tremblements

Aucun rapport entre le roman d’Amélie Nothomb et la situation vécue ce jour : Hakuho ne descendra pas dans la hiérarchie (encore moins comme dame-pipi) suite à cette journée ratée et ce combat vite plié en sa défaveur. Mais le fait est que le suspense, que l’on pensait brisé après le deuxième revers de Kisenosato, est désormais totalement relancé. Pour l’instant, s’entend.
On ne donne pas cher des chances de Goeido à l’approche de son combat face au mythe vivant du sumo : 22^ème affrontement déjà, et une seule victoire à se mettre sous la dent pour le sekiwake (en mai 2012), le tout plié en une dizaine de kimarite différents. Et ben on a tort. Goeido fait la sensation du jour, pour ne pas dire du basho, en battant, et nettement en plus, le yokozuna, pris de vitesse à l’atari et pourchassé sur tout le pourtour du dohyo sans avoir un seul instant une opportunité de se rétablir, Goeido ayant la bonne (et salutaire) idée de conserver son rythme. Une victoire de prestige (et bien utile, car le rapprochant du kachi-koshi) pour le sekiwake, et un bien fou pour le basho dont le suspense est clairement relancé. Kisenosato va brûler un cierge en l’honneur de son cadet, ce soir.


Car l’ozeki ne loupe pas l’occasion de relance qui lui est offerte. L’affiche du jour est le choc entre les deux ozeki japonais, le 46^ème du genre, excusez du peu. Un niramiai long, tout est en place pour un gros combat. Mal embarqué avec une profonde prise intérieure gauche de Kotoshogiku, Kisenosato doit faire parler des montagnes de résistance physique et de volonté et, à s’épuiser tant et plus contre le bloc de son adversaire, c’est Kotoshogiku qui finit par épuiser ses réserves énergétiques, et doit baisser pavillon quand Kisenosato reprend l’initiative.


Kisenosato reste à deux victoires du leader, avec deux compères désormais. Placé très bas, Homasho maîtrise de bout en bout son combat contre Kyokutenho, impuissant ce jour et sorti sans contestation. Homasho est bien de retour. L’autre suivant de Hakuho n’est autre que Harumafuji. Mais si le yokozuna se relance sur le plan comptable, son sumo fait à tout le moins jaser dans les travées du Kokugikan. Car le kimarite retenu est un uwatenage, il n’en reste pas moins qu’il est décroché en évitant totalement l’atari du Brésilien Kaisei, dans ce qu’il est convenu d’appeler une henka. Technique pas franchement bien vue pour un yokozuna (sauf éventuellement s’il est Mongol et qu’il l’accompagne d’un petit crochetage du pied, ce qui en fait un ketaguri… Asafan, si tu me lis, ce petit clin d’œil est pour toi…). Bref, le panache n’est pas au rendez-vous du côté Harumafuji, qui semble plutôt dans l’urgence d’enregistrer une fiche convenable, genre à deux chiffres, pour sauver ses miches. Pas sûr que la manière n’appelle pas de commentaires du côté de la Kyokai et du Comité.


En attendant, les cartes sont relancées et on peut envisager un week-end de toute beauté, si le yokozuna et l’ozeki ne subissent pas de déconvenue d’ici là, ce qui n’est pas encore gagné, quand on connaît les fissures passagères de mental de Kisenosato et la friabilité régulière de Harumafuji. Wait and see…

Derrière les quatre leaders, ce sont désormais cinq rikishi qui sont encore au (relatif) contact. Outre Kyokutenho vaincu par Homasho, et Goeido auteur du choc du jour, Kakuryu et Aminishiki complètent les rangs. Takekaze entame en trombe mais pas assez puissamment pour déstabiliser Aminishiki qui contre en passant les bras sous le petit lutteur, et le repousse avec facilité dans le mouvement.Kakuryu n’a pas de peine à contourner Chiyotairyu qui reste bien trop campé sur ses rails pour représenter un danger quelconque pour l’ozeki, dont la prise ferme de mawashi raccompagne l’impudent hors du cercle.


Grosse détermination de Myogiryu qui agonit Shohozan de tsuppari vengeurs et placés et le sort de façon express. Le sekiwake équilibre sa fiche et peut envisager un nouveau basho au troisième rang.


Choc de longue haleine entre Takayasu et Okinoumi, le komusubi enserrant tout d’abord en kimedashi son adversaire, avant du subir une poussée finale qu’il contre joliment à la tawara en tsukiotoshi. Le deuxième tirage d’Ikioi est le bon pour tomber un Tochiozan qu’on a connu plus inspiré et surtout plus placé. Trop de naïveté aujourd’hui pour le komusubi. Gros travail de bras d’Aoiyama qui contre la charge de Toyohibiki, le maintient à distance et reste dans le rythme pour un oshidashi très propre. Le Bulgare s’en tire assez bien à un rang compliqué. Yorikiri tranquille de Toyonoshima qui plombe un peu plus Takarafuji en surchauffe à ce niveau du banzuke. Gros niramiai entre Tokitenku et Kotoyuki, suivi d’un gros atari du second, le Mongol l’emportant par un sumo de recul auquel il n’est pas si habitué. Sokubiotoshi, technique assez peu commune pour le technicien mongol (son premier, et son 37^ème kimarite différent). Victoire (très) limite pour Kitataiki qui subit le combat et une projection de Wakanosato, contrée in extremis sur kubinage. Wakanosato quitte la makuuchi. La tactique élusive d’Aran est trop claire pour Tamaasuka qui passe sous les bras après une solide lutte pour sortir proprement le Russe. Belle victoire de Jokoryu qui projette lourdement Yoshikaze et le gyoji dans le même mouvement. Premier matta de Gagamaru, impatient d’en découdre. Dans le choc final, le Géorgien est à deux reprises sur le point de sortir son adversaire mais manque ses opportunités, et Sadanofuji en profite pour passer son bras gauche sous la garde, Gagamaru abandonnant au final la lutte. Bel effort du bras gauche de Tokushoryu qui contre la tentative d’uwatenage à la tawara de Tamawashi et place un joli sukuinage. Agoni de tsuppari par Masunoyama, Tochinowaka parvient à inverser la tendance en passant le bras pour faire s’écrouler lourdement son adversaire, dont le genou a du encaisser un choc sévère. Takanoiwa remporte une victoire sans peine en profitant du kyujo d’Asahisho. Endo a du mal à encaisser le premier choc de Tenkaiho, vu le gabarit de l’adversaire, mais cet instant passé et la dynamique du poids lourd cassée, son avancée irrésistible est très plaisante à voir. Victoire nette du prodige qui se rapproche du kachi-koshi.


En juryo, c’est Kagamio on fire ! Le Mongol écarte toute possibilité de relance prématurée du basho et ne conserve plus que deux adversaires potentiels après le revers d’Azumaryu et son éclatant succès en puissance et vista sur Kyokushuho. Asasekiryu tente bien comme à l’accoutumée de temporiser son combat, mais Terunofuji, en forme éblouissante, conserve un rythme élevé et s’en va sortir le Mongol en puissance sur yorikiri. Kachi-koshi pour le shin-juryo. Deux tsuppari, une première attaque puissante avortée, une deuxième décisive, le tout en (grande) puissance : du beau travail pour Osunaarashi, tout aussi en forme que Terunofuji, qui décroche lui aussi le sésame vers la montée et se rapproche de la makuuchi, une vraie perf au vu de son expérience relativement limitée.

Dominé, pour ne pas dire étranglé, par une série de nodowa mastocs de Tokushinho, Sokokurai s’écarte sans gloire du chemin et abandonne sans doute pour un moment ses ambitions de retour en makuuchi. Daido s’essaye au plongeon de haut vol après une attaque manquée sur Chiyonokuni qui s’écarte pour ne pas prendre l’ovni dans la poire. Daikiho blouse Azumaryu avec son sumo de recul, qui commence pourtant à devenir assez prévisible. Takanoyama tente (une nouvelle fois) le coup de l’écart/prise de bras/sortie, mais Chiyootori est en attente et contre d’extrême justesse la manœuvre du Tchèque, qui devient alors un pantin désarticulé dans les bras du gros matou. Les choses se compliquent pour l’Occidental. Plus prompt au démarrage, Oiwato peut entamer son combat en oshi-zumo. A partir de là, les jeux sont faits pour Seiro dont les qualités s’expriment bien mieux au mawashi. Toujours dépourvu de sa puissance maximale, Wakakoyu trouve les ressources pour tenir Homarefuji à distance, avant de placer un hikiotoshi qui fait mouche. Akiseyama rame face au mawashi rapidement défait de Satoyama et doit bloquer les hostilités dans une position d’attente. Le gyoji finit enfin par suspendre le combat qui ne peut se dérouler dans de bonnes conditions, mais chose encore plus étonnante, il ne refait que le mawashi d’Akiseyama, pourtant le moins entamé. Au bout d’un effort colossal eu égard aux circonstances, Akiseyama parvient à repousser Satoyama hors du cercle, mais on ne pourra dire qu’il aura été aidé par l’arbitrage… Yoshiazuma connaît des difficultés face au petit gabarit de Kitaharima, mais le grand échalas profite au final du côté brouillon du sumo de son adversaire pour le laisser choir quasi tout seul au sol. Victoire de raccroc, mais victoire quand même. Combat de longue haleine entre Sotairyu et Tanzo, la puissance du second faisant fi au final de la résistance acharnée du premier. Affrontement assez équilibré et à « gros » enjeu entre les poids lourds Chiyomaru et Kimurayama, à base de tsuppari comme on pourrait se douter. C’est Chiyomaru qui sauve sa place (provisoirement) en juryo et plombe possiblement le retour de Kimurayama en salarié.

Toujours aussi peu de clarté pour les éventuelles montées en juryo après la défaite de Kimurayama. Seul Arawashi demeure un candidat sérieux, mais uniquement en cas de zensho-yusho. Comme il n’y a aucune descente qui se profile, en dehors de la place laissée vacante par l’intai de Baruto, tout ceci est assez cohérent. Amuru encaisse une défaite casquette dans un combat improbable qui va ralentir son retour au sommet. En sandanme, Hitenryu, qui affronte Tenichi demain, est plus que jamais favori. En jonidan, Aokishin, seul des six invaincus à être monté jusqu’en makushita, est le possible favori d’une division en mal de leaders clairs. En jonokuchi, Keitenkai est le seul invaincu désormais de la division croupion. Musashikuni, le neveu de Musashimaru, encaisse un deuxième revers aux mains de Koike, le meilleur shindeshi.