Ce titre sibyllin, reflet des contrées normandes qui sont ma région d’adoption depuis une dizaine d’années, pose la question essentielle que tout le monde du sumo est appelé à se poser au terme de cette neuvième journée du Natsu basho 2013 : Kisenosato, désormais seul lutteur au contact avec l’ogre Hakuho, peut-il le faire et devenir le premier Japonais à remporter un yusho de makuuchi depuis la dernière bonne fortune nippone, qui remonte – on l’aura oublié tant ça devient antique – au succès de l’ozeki Tochiazuma au Hatsu 2006, une paille…
Il existe des raisons de croire en un succès final de Kisenosato. Hors le fait que l’ozeki ne s’est jamais retrouvé dans une telle situation, avec neuf journées complétées d’entrée sur un score parfait, celui-ci est particulièrement régulier à haut niveau, enchaînant les scores à deux chiffres depuis un an maintenant. Son combat du jour face à Toyonoshima, où il prend le temps et a la lucidité de travailler efficacement pour le crucial placement des bras face au nain de makuuchi, la patience de travailler au corps et la puissance pour terminer le job. Les adversaires qui lui restent à affronter sont Kotooshu, qui cherche à échapper au kadoban mais aussi surtout à une blessure qui serait pour lui tout aussi funeste qu’à Baruto ; Kakuryu, qu’il domine assez largement en général ; Kotoshogiku, un adversaire qu’il redoute mais dont il a pris la mesure depuis un an ; possiblement Aran ou Aoiyama, deux rikishi contre qui il n’a pas de soucis majeurs ; et les deux yokozuna. Ceux-ci sont ses écueils majeurs sur la route de la gloire, mais Harumafuji sera peut-être démobilisé en fin de basho s’il ne peut recoller, et Kisenosato a prouvé l’an dernier qu’il avait les solutions pour contrarier Hakuho. Alors ?...
Jusqu’où ira-t-il ?
Il n’hésitera pas à appuyer sur le buzzer de « Qui veut gagner des yusho »…
Kakuryu quitte le sommet après le premier affrontement inter-ozeki.
La valise est un peu lourde, mais le yokozuna excelle en porteur…
Kotooshu continue lui aussi sa route vers la libération, avec un succès quelque peu à l’arrache et en recul sur Kitataiki. N’en doutons pas, à l’inverse de son do-beya, dès lors qu’il aura atteint les huit magiques, il ne faudra plus beaucoup compter sur lui pour animer la fin de tournoi.
Myogiryu est la grande révélation de ces derniers basho. Malgré le coup de tête de Tochiozan au tachiai il a la vivacité et la lucidité pour planter une esquive magistrale qui lui ouvre la voie de l’okuridashi, le kimarite humiliant par excellence. Myogiryu en quitte plus les sanyaku et leurs abords depuis qu’il y est arrivé. Sauf blessure, il est là pour un bout de temps. Goeido n’est plus le seul espoir japonais pour le grade d’ozeki. Aminishiki, en sangsue tactique qu’il est, tire sur Okinoumi pour rapprocher la distance, et ainsi affermir sa prise de mawashi qu’il convertit sans attendre en yorikiri. Tochinoshin se met dans l’embarras en concédant à Takarafuji une prise de mawashi assez basse qui permet à son adversaire d’élever son centre de gravité, et de le sortir en poussée après une tentative de tsuri. Aran, après quelques très beaux combats dont son affrontement yokozunesque, revient à ses classiques pour battre Takekaze avec un sumo de recul. Par la grâce d’un tachiai un poil plus vif, Shohozan a l’initiative du combat sur Toyohibiki qu’il finit par repousser si violemment hors du cercle que celui-ci met près d’une minute pour se relever. Yoshikaze fait feu de sa panoplie habituelle de hargne et de mouvement pour sortir Shotenro Dépassé sur son combat. En poids lourd bon teint, Fujiazuma passe sa puissance sur Chiyootori qui ne peut résister à ses assauts. Tokitenku alterne avec une régularité de métronome des basho médiocres et d’autres excellents. Il semble que le crocheteur fou soit sur une belle dynamique, même si sa victoire du jour sur Chiyonokuni ne restera pas dans les annales. Daikiho est décidément dans une drôle de béchamel, lui qu’on voyait débouler en boulet de canon en makuuchi. Le champion universitaire, dominé et balancé hors du cercle par Sadanofuji pourtant en petite forme, va devoir refaire ses gammes en juryo. Sort en revanche un peu meilleur pour Jokoryu qui s’en sort face à Takayasu qui le dominait en sortant une projection de dernière minute. Combat de piliers de la makuuchi avec l’affiche Kyokutenho-Wakanosato. C’est cette fois Wakanosato, pourtant en nette perte de vitesse, qui domine son compère en enserrant ses bras après l’atari, le futur Oshima-oyakata cédant alors bien vite.
Un classique de chez classique…
Zéro changement en tête de la juryo où le leader et ses trois poursuivants observent un statu quo parfait en remportant tous leurs combats. Oniarashi ne fait pas le poids face au Mongol Tokushoryu, quasiment en transe depuis le début du tournoi. Le leader trace sa route imperturbablement, son adversaire du jour étant repoussé sans peine de quelques tsuppari surpuissants. Derrière lui, le trio reste constitué. Le grand Tochinowaka a l’avantage sur Tamaasuka après l’atari, mais la souplesse et la malignité de ce dernier lui permettent de contourner les grands compas de son adversaire pour retourner la situation et l’emporter. Kotoyuki domine outrageusement son affrontement avec Satoyama, qui ne doit de le faire durer qu’à son sumo de recul et son extraordinaire mobilité. Ne parvenant pas à sortir son adversaire, Kotoyuki change au final de portage pour l’attirer au sol, tactique payante. Kagamio ne lâche rien, même si ce jour il est clairement dominé par Tochihiryu, ce dernier commettant l’erreur de placer ses dernières poussées avec la tête trop baissée, laissant le Mongol placer un hatakikomi vainqueur.
Uwatenage anecdotique de Tenkaiho au terme d’un combat sans saveur. Superbe combat de Mongols entre Asasekiryu et Takanoiwa, le vétéran étant dominé la majeure partie du combat mais offrant une magnifique résistance qui lui permet au final d’emporter un succès inespéré autant qu’important sur un adversaire au bord de l’épuisement. Tanzo paraît mieux placé après l’assaut, mais c’est bien Oiwato qui fait la différence au final en l’attirant au sol. Nionoumi en veut visiblement mais manque quelque peu de puissance malgré son avantage de poids, le léger Sotairyu en profitant pour lui imposer sa mobilité et le faire choir au final. Pas photo pour Kimurayama qui joue avec Sagatsukasa comme un gros chat avec sa petite souris. Wakakoyu retrouve un peu de sa hargne tsupparesque sur son combat, mais trop de précipitation permettent à Kizenryu de placer une esquive et de terminer l’affaire sur un rare sokubiotoshi. Plus petit que l’imposant Tokushinho, Chiyoarashi se place néanmoins bien mieux après l’atari et l’emporte en oshidashi. Torikumi bourrin entre Akiseyama et Takanoyama, qui tourne rapidement à l’affrontement frontal de baffes puissantes d’un côté, précises de l’autre. Après deux rétablissements qui tiennent du miracle à la tawara, le Tchèque finit par céder face à un adversaire qui termine la lutte tout aussi épuisé que lui. Un combat d’hommes. Pour une fois, la vivacité et la hargne de Kitaharima sont récompensées, le léger lutteur renversant Chiyoo au terme d’un combat enlevé. Déséquilibré un temps par le visiteur de makushita Kotomisen, Homasho se rétablit par miracle pour finalement faire prévaloir son physique. L’Apache est cependant clairement dans un état très moyen et limite juste la casse en vue du prochain tournoi.
Osunaarashi est décidément très costaud physiquement : l’Egyptien se débarrasse en force de son adversaire sans doute le plus dangereux, le Mongol Wakamisho, au terme d’un combat prolongé où il a le bon goût de parvenir à bien repositionner sa position sur le mawashi adverse, mal engagée au départ. Il aura sur sa route Taiga, un Mongol inconnu qui après douze années au Japon n’a jamais dépassé le milieu de makushita (et l’emporte sur Kotokobai en reculant sous sa charge), le très solide Sasanoyama, qui anéantit en force Wakanoshima, et peut-être Wakakeisho, qui combat demain. Le final de la division pourrait donc peut-être bien être un Osunaarashi-Sasanoyama, un combat qui fleure bon la dentelle technique… Tosayutaka remporte son kachi-koshi en ramant étonnamment face à Nankairiki, Masutoo se fait lui crocheter par le léger Hakunishiki malgré une grosse position de kimedashi.
En sandanme, surprise de taille où le leader et ultra favori de la division Amuru est battu… par Amuru, le Russe commettant apparemment la même erreur que Kaisei hier et sortant le pied avant son adversaire dans un combat de poussée qu’il dominait outrageusement. Son revers laisse la place aux outsiders, Sasakiyama se plaçant à mon sens en tête des favoris de cette division.
En jonokuchi, le vainqueur de Daishoho, Shineiyama, est désormais seul en tête du basho, et ne devra pas commettre d’erreur s’il ne veut pas voir la (maigre) meute lui fondre dessus.
En jonidan, Terunosato est seul aux commandes, mais un paquet de huit invaincus attend demain pour le rejoindre.