Natsu Basho 2013 - 8ème journée (nakabi)

Le mouvement dans l'immobilité

Pas de changement en tête lors de ce nakabi au Ryogoku Kokugikan. Le trio composé du Maître et des deux ozeki en forme reste solidement aux commandes, avec des victoires nettes qui ne souffrent aucune contestation. Le mouvement en cette journée est à chercher dans le paquet pléthorique des poursuivants, qui fond comme neige au soleil sous les cerisiers en fleurs.
A tout seigneur tout honneur, on commence comme souvent avec le dai-yokozuna, opposé aujourd’hui au Russe Aran, l’un des (innombrables) lutteurs qui lui réussissent bien, le Mongol ayant avant le torikumi du jour une fiche parfaite de 11-0 à son encontre. Aran se montre toutefois étonnant. Beau combat de l’Ossète qui est plaisant à voir quand il offre un sumo tel que celui-là face au yokozuna, frontal, placé, avec une belle prise de mawashi main droite tout en déniant celle de son adversaire. Aran pourrait battre bien des adversaires avec cela, mais c’est Hakuho en face. Le Mongol soutient la pression physique et quand il met la main sur l’étoffe, les jeux sont faits pour Aran, défait en yoritaoshi.


Je parlais « d’ozeki en forme » dans le paragraphe d’introduction, c’est un doux euphémisme pour décrire les situations de Kisenosato et Kakuryu. Le combat phare de la journée est sans aucun doute celui qui oppose l’unique ozeki japonais à celui qu’on présente comme le futur du grade. Kisenosato prévaut sans problème en yorikiri, réduisant sérieusement les espoirs d’ozeki-run pour le sekiwake Goeido, impuissant et manquant trop de jus face à son adversaire.


Solide prise intérieure entre Kakuryu et Okinoumi, l’ozeki tentant dans un combat prolongé un kake, puis des projections. Les deux lutteurs se replacent au centre et reprennent leur souffle, puis suit un autre kake de Kakuryu, puis d’autres projections, avant que l’ozeki remporte finalement un combat haletant sur Okinoumi épuisé.


Ces succès conjugués attribuent le kachi-koshi aux deux ozeki dès le nakabi, une performance réalisée par Kakuryu une seule et unique fois en carrière, il y a près de trois ans et alors qu’il ne pointait qu’au rang de maegashira 6 et était en chemin vers son premier jun-yusho. Kisenosato est symétrique de son compère, avec une seule performance de ce type également avant ce basho, c’était lors du deuxième basho de son ozeki-run victorieux, qu’il avait terminé… avec son premier jun-yusho.

Derrière les trois leaders, parmi lesquels on peut légitimement penser que se trouve le vainqueur final, cinq hommes restent au (lointain) contact. Harumafuji ne fait pas dans la mesure aujourd’hui. Face à la petite boule Toyonoshima, il fonce bille en tête, repoussant le petit gabarit adverse avant de l’envoyer très violemment en bas du dohyo d’un énorme nodowa final.


Kotoshogiku a retrouvé sur ce basho ses vieilles recettes à base de tachiai fulgurant. Il emploie en sus contre Tochinoshin son vieux gaburi-yori, imparable même pour le Géorgien qui est pourtant l’un des lutteurs les plus puissants du plateau au niveau des cuisses. Victoire claire et nette de l’ozeki. Shohozan aura tout essayé, poussée magistrale, projection qui ne l’est pas moins, mais Tokitenku est singulièrement solide ce basho, et il contre au final le jeune espoir qui n’aura pas démérité. Défaite stupide ô combien pour Kaisei qui surclasse Ikioi en poussée frontale mais sort bêtement son pied gauche dans le mouvement. Isamiashi, sortie involontaire, pour le Brésilien. Brillant succès de Toyohibiki qui annihile tout effort de Chiyootori et se montre diablement efficace dans ses tsuppari. Un petit cierge brûlé sur les mânes de l’ex-Chiyotaikai ?

Solide sumo de Kotooshu qui n’a plus trop d’alternatives et doit assurer face aux moins gradés. Tochiozan est envoyé loin dans les sunakaburi après un léger écart pour se mettre en position favorable. Myogiryu remporte lui un succès facile, puisque profitant du kyujo de l’Estonien Baruto, hélas prévisible. Les ligaments du genou gauche maudit de l’ex-ozeki sont touchés, en fonction de la gravité on pourrait bien ne pas revoir Baruto avant un moment – voire plus du tout…


Aminishiki est toujours impressionnant de versatilité technique comme de force, surtout à son âge relativement avancé. Il manipule vivement Kitataiki en lui prenant le bras avant de le tourner pour le sortir. Takarafuji est d’ores et déjà make-koshi en ce nakabi, copieusement dominé qu’il est par Takayasu. Etrange revers d’Aoiyama qui chute juste après l’atari sur une poussée pas franchement mortelle de Takekaze. Pousse et tire, recette simple et efficace du succès de Chiyotairyu sur Yoshikaze. La leçon d’expérience sur ce basho est difficile pour Daikiho, mais ça commence peut-être à rentrer, avec cette première victoire aux dépens de Shotenro, en reculant toutefois. Le réveil des parias du basho ? Après Daikiho, c’est son compère universitaire qui surclasse, d’une meilleure manière, le vétéran Wakanosato. Succès probant à base de tsuppari pour Homarefuji qui enfonce un peu plus Sadanofuji. Le combat est analogue pour Fujiazuma aux dépens de Daido. L’expérience prévaut pour Kyokutenho, pourtant en mauvaise posture sur des tentatives de projection d’Azumaryu. Le Papy est toujours aussi vert. Stable et placé, Gagamaru ne l’est cependant pas assez pour contenir un brusque décalage de Kyokushuho qui l’envoie dans l’argile. Allé jusqu’au bout de lui-même dans un combat échevelé, Masunoyama n’est pas payé de ses efforts, son trébuchement valant une victoire heureuse à Chiyonokuni.

Encore moins de mouvement en juryo qu’en makuuchi, le peloton des poursuivants de l’imperturbable Tokushoryu restant au contact. Combat très vif pour Tokushoryu face à un adversaire qui privilégie ce type de situation, Kitaharima. Le Mongol est en équilibre instable mais parvient à prévaloir par la grâce d’un placement correct et d’une puissance supérieure, pour conserver la tête des opérations.

Le Mongol reste poursuivi à un succès par le même trio qu’hier. Centimètre par centimètre, Tamaasuka repousse après l’atari Nionoumi touché physiquement, pour l’achever sur une projection. Asasekiryu semble tout proche de son crépuscule, façon Miyabiyama : le Mongol vétéran se fait balader sur tout le pourtour du dohyo avant de sortir piteusement sur la dernière poussée de Kotoyuki, fringant en ce mois de mai. Tokushinho est fidèle à sa (quasi) tactique immuable, c’est à dire puissants nodowa pour se mettre en position de kimedashi et contraindre l’adversaire à la sortie. Mais là, il se heurte à un os, en l’occurrence une résistance farouche de Kagamio, résistance pas vaine puisque le Mongol parvient en plus à revenir au centre du dohyo et profite de la récupération du poids-lourd pour lui placer un petit bijou d’uwatenage.

Gros échange de tsuppari entre Asahisho et Satoyama, le premier l’aurait sans doute emporté sur hansoku pour tirage de mage s’il n’avait réussi dans l’intervalle à balancer son adversaire. Succès tranquille pour Tamawashi qui manque d’étrangler Sotairyu de ses nodowa avant de lui faire mordre violemment la poussière. Grosse henka de Takanoiwa qui blouse Oiwato, efficace à défaut d’être chevaleresque. Très belle lutte tout en puissance entre Tenkaiho et Kizenryu, le premier sortant au final son adversaire grâce à sa masse clairement supérieure. Tochihiryu a le mérite de rester toujours dans l’axe de l’imprévisible Takanoyama, le différentiel de poids faisant alors nettement la différence. Par deux fois, Sagatsukasa a l’initiative du combat mais manque la cible face à Chiyoarashi, l’élève de Kokonoe en profitant pour placer alors une poussée gagnante. Victoire toute simple pour Homasho qu’on a connu plus fringant : atari suivi d’une claque de côté qui envoie Tanzo et son épaule bandée dans la poussière. Pas très lucide au départ, Tochinowaka est mal embarqué avec Chiyoo détenteur d’une solide prise sur son côté droit, mais le grand gabarit doit à son physique très solide de pouvoir résister puis contrer pour la victoire. Trois tentatives de projection n’y peuvent rien aujourd’hui : Akiseyama est trop lourd et réactif sur ses appuis pour Oniarashi. Difficile de comprendre pourquoi Wakakoyu raccourcit la distance face à Kimurayama, toujours est-il que l’allonge trop courte du puncheur le laisse vulnérable à un sumo de poussée pour lequel Kimurayama a encore des restes de puissance.

En makushita, peu de mouvements pour la tête du basho. C’est Wakamisho qui remporte un combat de favoris aux dépens de Takatoshi, et accompagne Wakakeisho dans le peloton des lutteurs kachi-koshi et prétendants au titre, au nombre de sept individus. La lutte pour la promotion est très indécise pour l’heure dans un haut de division que l’on a rarement vu aussi sélectif avec nombre de lutteurs à leur plus haut en carrière, le reste étant constitué de mas mal d’anciens sekitori (pour être précis, seize lutteurs sur les quinze premiers rangs de makushita sont à leur plus haut, auxquels il faut rajouter six anciens sekitori…).

En sandanme, la voie semble royale pour Amuru dont l’autorité sur ses combats montre qu’il a bien fait de prendre son temps pour revenir en pleine possession de ses moyens physiques. Le Russe est kachi-koshi sans peine, et son principal adversaire pourrait bien être l’ancien juryo Hitenryu, lui aussi de retour de blessure.

En jonidan et en jonokuchi, rien à signaler aujourd’hui.