Même lorsqu'un basho a déjà livré son verdict, le senshuraku reste une journée particulière, car elle met aux prises les deux yokozuna et permet ainsi, peut-être mieux que l'attribution du yusho, de trancher la question : "Qui est le patron du sumo ?". Si Harumafuji a empoché son cinquième titre hier, il n'y a ni dépit, ni décompression lorsque les deux demi-dieux Mongols gravissent les marches du dohyo, mais une volonté farouche de mettre à terre son adversaire. Auteur d'un attari ultra-violent, Harumafuji place Hakuho sur le reculoir et s'offre une incroyable prise en morozashi. Le dai-yokozuna, qui n'a plus été empoigné de la sorte depuis belle lurette, se débat avec courage mais sans grand espoir. Harumafuji se permet même de lâcher sa main droite pour placer la poussée finale qui lui offre la victoire (yorikiri). Avec un tournoi vierge de défaite, il emporte son troisième zensho yusho, et efface définitivement les doutes générés par son vilain Kyushu basho.
Harumafuji pousse Hakuho à l'extérieur du cercle
Trois autres sanyaku ont obtenu leur kachi-koshi en cette dernière journée. Goeido produit une grosse poussée qui accule Tochinoshin contre les ballots de paille. Le Géorgien résiste de toute la force de ses métatarses, et tente même quelques balayages désespérés. Le Japonais finit pourtant par s'écrouler de tout son poids sur son adversaire (yoritaoshi). Il sauve sa place parmi les sekiwake, mais doit recommencer de zéro son ôzeki-run. Autre ôzeki-run en perspective, celui de Baruto. On sait que le Balte à échoué à regagner sa place parmi les ôzeki ; Ikioi le défiait aujourd'hui de se maintenir parmi les sanyaku. Et que ce fut dur pour le géant Estonien ! Chutant au moment où il projette son adversaire, le gyioji le déclare vaincu, avant que les shimpan n'exigent un autre combat. Baruto ne laisse pas passer cette seconde chance et yorikirise son adversaire. Décrocher un kachi-koshi en se battant durant quinze jours sur une seule jambe contre les meilleurs lutteurs montre la puissance et la foi du colosse. Que son genou gauche se rétablisse, et il pourrait rapidement regagner les rangs supérieurs. Enfin, Tochiozan a également sauvé sa place en battant facilement Takayasu. Celui-ci se console avec son premier sansho, le kanto-sho.
Tochiozan sera rejoint en komusubi par… Aminishiki. Le stratège de l'Isegahama-beya a conclu son beau tournoi (9-6) en battant Aoiyama. Résistant aux poussées féroces de l'énorme Bulgare, dansant tel un funambule tout autour de la tawara, Aminishiki parvient, sur une ultime esquive, à déséquilibrer son adversaire et à le pousser dans le précipice. A 34 ans, il force vraiment le respect ! Tokitenku, son cadet d'un an, rend une fiche à deux chiffres (10-5) après sa victoire contre Fujiazuma. Assuré d'une prise ferme, il n'a pas besoin cette fois-ci de balayage pour amener son adversaire vers la sortie (yorikiri). L'autre imputrescible vétéran, Kyokutenho, a montré moins de chose sur ce basho en général, et sur ce senshuraku en particulier. Shohozan, son adversaire du jour, ne lui a pas laissé le temps de s'organiser, et a rapidement converti son tachi-ai ultra-rapide (oshidashi).
Au rang des déceptions, Myogiryu n'a pas réussi à sauver son basho, enregistrant une huitième défaite contre le très bon Chiyotairyu, auteur d'un (10-5) sur ce tournoi (hikiotoshi). Toyonoshima est également make-koshi. Opposé à Toyohibiki, il ne peut rien contre la violente charge de son adversaire, qui l'expulse d'un trait (oshidashi). Yoshikaze limite les dégâts grâce à une septième victoire obtenue contre Tamaasuka, sur une henka d'école. Le virevoltant lutteur n'avait pas d'autres armes sur ce basho. Placé dans la même situation et peut-être inspiré par le combat précédent, Aran exécute un drôle de tachi-ai, pas vraiment franc de collier, attirant Daido dans ses bras pour mieux l'hatakikomiser. Okinoumi fait mieux, arrachant son kachi-koshi avec la force et la volonté qui lui ont fait défaut tout au long du tournoi. La victime : Kitataiki (yorikiri).
Trois combats dramatiques se sont déroulés au bas du classement, peut-être le dernier de trois immenses lutteurs. Opposé à Asahisho, Miyabiyama a décroché une troisième victoire, sans doute la dernière de sa carrière (hatakikomi). Face à Shotenro, Wakanosato n'a pas eu le même bonheur et doit s'incliner (oshidashi). Les deux vétérans sont menacés de relégation en juryo (Wakanosato peut entretenir l'espoir d'un maintien), et vu leur pedigree, il est fort probable que les deux quittent le monde du sumo qu'ils ont magnifiquement animé dans les années 2000. En juryo, c'est officiel : Takamisakari tire sa révérence sur un ultime combat d'équilibriste, remporté par katasukashi et sous les acclamations d'une foule dont il a toujours été le favori.
Les adieux de Robocop
On notera également les victoires de Kaisei contre Masunoyama (yoritaoshi), de Tamawashi contre Gagamaru (yorikiri), de Takekaze contre Tochinowaka (hikiotoshi), de Sadanofuji contre Takarafuji (yorikiri) et de Sotairyu contre Kotoyushi (tsukidashi).
En juryo, le yusho est attribué à Takanoiwa, bien aidé par Kyokushuho qui le débarrasse de son adversaire direct Jokoryu. Voilà qui va faire plaisir à maître Takanohana !