Certes, d’aucuns m’objecteront que le terme de « parias » est un peu fort pour désigner les trois rikishi-phares de cette journée. Ce à quoi je réponds qu’il faut bien arriver à trouver un titre un peu original, mais surtout que, à des niveaux ou des étapes différentes, on ne donnait pas cher de la peau des trois lutteurs du jour, Harumafuji, sous les feux d’attaques pour sa fin de basho à Kyushu, Kotooshu, donné en victime expiatoire en pâture à Hakuho ce jour, et Baruto, auteur d’un début de basho-catastrophe dans sa quête de retour au grade d’ozeki.
On ne s’attendait sans doute pas à ce que le combat Hakuho-Kotooshu soit le combat du jour, mais force est de constater que le Bulgare n’est jamais aussi bon qu’acculé et dos au mur, ce qui est le cas avec déjà cinq défaites au compteur. Le bras gauche fermement sur le mawashi du Mongol, Kotooshu empêche toute prise du yokozuna qui semble emprunté et à court de solutions. Un jour sans pour le lutteur légendaire, qui laisse filer son compatriote sur un deuxième revers consécutif face au Bulgare.
Pas concentré, Hakuho…
Car Harumafuji, opposé à l’autre élève de la Sadogatake-beya, ne manque pas le coche en soutenant l’atari de Kotoshogiku avant de se retirer pour laisser l’ozeki choir quasi seul au sol. Deux victoires d’avance, le yokozuna répond de la plus belle manière à ceux qui le voyaient déjà aux portes de l’intai.
Vers un nouveau triomphe…
Baruto n’est pas encore mort ! Depuis qu’il a l’épée de Damoclès au dessus du mage, l’Estonien semble transcendé, et montre un sumo bien plus appliqué, ce qui lui réussit. Il ne s’affole pas face au minuscule Toyonoshima dont il ne parvient pas à saisir le mawashi. Peu lui importe, il remonte ses grand bras et soulève ceux de son adversaire, employant alors sa masse pour le pousser vers la sortie. La voie est encore longue pour le sekiwake qui affronte demain Takayasu et a encore son pote Kotooshu, pas tout à fait sauvé lui-même, au programme. Mais l’espoir prévaut au vu de l’état d’esprit de celui qui mérite de redevenir ozeki, surtout s’il parvient à soigner correctement ses genoux.
On a donc, pour revenir au basho proprement dit et au tableau d’honneur, Harumafuji qui caracole en tête, avec désormais deux succès d’avance sur un trio composé de son compatriote yokozuna Hakuho, de l’ozeki Kisenosato et du hiramaku Takayasu. Kisenosato est sur une belle pente et s’affirme comme le meilleur ozeki incontestablement, pas seulement par le yorikiri puissant infligé aujourd’hui à Kakuryu, mais parce qu’il enchaîne avec cette victoire un cinquième basho de rang à dix victoires et plus. Il ne manque pas grand-chose pour franchir le cap que Harumafuji a passé l’an dernier.
Kisenosato rageur.
Rageur également, Takayasu bat un bon Tochinowaka sur une combinaison tsuppari-tirages efficace et bien coordonnée. Dixième shiroboshi pour le jeune lutteur qui profite pleinement de sa position sur le banzuke.
Un seul kachi-koshi ce jour, celui du veinard Tokitenku. Occasion bien manquée pour Takarafuji qui a victoire en poche sur Tokitenku mais sort bêtement un pied concomitamment, les shimpan ordonnant un torinaoshi dont profite habilement Tokitenku pour une projection bien exécutée.
Toujours capable du meilleur comme du pire, c’est cette deuxième option qui s’impose ce jour pour Goeido, incapable de trouver une solution face à celui qui est toujours là où on ne l’attend pas, Aminishiki. Le Renard la joue en puissance et anéantit en trois poussées bien placées les illusions d’ozeki-run, lors même que le kachi-koshi n’est pas encore acquis… Joli combat de Toyohibiki qui exploite pleinement son gabarit pour une victoire puissante et pleine d’autorité. Actif et pénétrant sans tarder dans la garde de Kyokutenho, Tochiozan parvient rapidement à se débarrasser d’une de ses bêtes noires en même temps qu’il équilibre sa fiche. Très bel affrontement entre Myogiryu et Tochinoshin, la vivacité du jeune contrant bien la puissance du Caucasien. Acculé à la tawara, Tochinoshin tente un utchari désespéré mais trop tardif.
Beau combat, belle conclusion.
Aoiyama se repose encore une fois trop sur son allonge en oshi, alors qu’il avait une bonne chance de vaincre Kaisei au mawashi. Défaite logique après un tirage manqué du Bulgare. Gagamaru nous fait du grand Gagamaru, les joues de Masunoyama devant être rougies de baffes au sortir du dohyo. Victoire puissante, c’est le moins que l’on puisse dire pour le Géorgien. Aran est tout aussi classique que Gagamaru, tenant Yoshikaze à distance avant de l’attirer au sol. Takekaze ne peut pas grand-chose sur la poussée puissante et placée d’Ikioi, juste trop fort pour son adversaire. Oshidashi en deux poussées expresses pour Chiyotairyu, Shiotenro ne voit pas le jour sur ce combat. Sadanofuji commence très bien son combat en bloquant le bras d’Okinoumi pris à la gorge par l’autre bras du poids lourd, qui manque la poussée finale et voit son adversaire se récupérer après un tour complet sur lui-même. Okinoumi manque toutefois son contre en s’écroulant un peu avant la sortie de Sadanofuji, ce que confirment les shimpan. Les poussées de Tamawashi sont mieux placées dès l’atari, en dessous de la garde de Kitataiki, ainsi dominé tout au long d’un combat qu’il perd logiquement. Pas franchement en verve et sur le fil du rasoir dans ce basho, Kotoyuki trouve les ressources pour soutenir un affrontement très musclé contre Fujiazuma, et se voit tout heureux d’être tenu pour victorieux par les shimpan, qui voient son adversaire s’écrouler avant sa propre sortie et déjugent le gyoji. Un ton en-dessous de Miyabiyama dans la décrépitude, Wakanosato n’est toutefois pas au mieux, surclassé qu’il est par Asahisho. D’un bras, Daido sort Tamaasuka dont la projection désespérée demeure vaine. Je continue encore à me demander comment Miyabiyama ne peut arrêter les frais, une défaite pitoyable, de surcroît face à Kimurayama, n’étant qu’une honte de plus qui, il ne faut pas se leurrer, se poursuivra en juryo en mars s’il n’arrête pas les frais.
En juryo, le maelström des premiers jours avec Oiwato poursuivi par une meute gigantesque s’est fort bien décanté, mais au profit d’un autre lutteur. C’est Takanoiwa qui est aux commendes, poursuivi par un seul duo encore à même d’influer sur la lutte au titre, les autres étant un peu loin à trois journées de la fin. Jolie performance de Takanoiwa qui entame par un sumo de recul avant de contrer subtilement Chiyootori au mawashi. A partir de là, les rôles s’inversent et Takanoiwa fait faire un tour complet de dohyo à son adversaire avant de l’expulser. L’élève de l’ancien yokozuna est poursuivi par le duo Homarefuji-Jokoryu. Homarefuji rentre dans le lard de Tokushinho (lol) de façon convaincante et appuyée, ce qui lui permet d’enchaîner un neuvième succès et de se poser comme l’un des rivaux de Takanoiwa pour le titre. Bras droit bloqué, Jokoryu vainc Satoyama quasiment à l’unique force du gauche, une belle performance physique aidée par un makikae de dernière minute. Déjà assuré de son retour en makuuchi, l’ancien universitaire est encore en course pour le titre lui aussi.
Combat âpre pour Daikiho qui ne parvient pas à se sortir du piège massif de Tenkaiho, qui l’emporte au final en yorikiri. L’infortuné (référence à son combat de la veille) Oiwato ne peut que s’en vouloir à lui-même pour un quatrième revers en cinq jours, tant son combat contre Sagatsukasa paraît brouillon et sans idée. Le kachi-koshi n’est pas encore en poche pour l’ancien leader. Plus vif et motivé, Chiyonokuni a raison du lymphatique Yoshiazuma à grands renforts de tsuppari. Après deux charges de l’épaule droite, Azumaryu se fait attirer au sol alors qu’il expulse Satoyama. Un mono-ii est convoqué toutefois, qui décide logiquement d’un torinaoshi. Le Mongol ne manque pas l’opportunité et remporte une deuxième confrontation durant laquelle il ballade littéralement Satoyama. Retour de flamme pour Takanoyama qui se fait blouser par Wakakoyu qu’on n’attendait pas si subtil. Le spécialiste d’oshizumo parvient à attirer juste le bout d’un bras du Tchèque au sol, suffisamment pour que la main touche l’argile. Victoire facile. Déjà make-koshi, Hochiyama n’a plus beaucoup de marge de manœuvre et cela se sent, Asasekiryu ne faisant les frais malgré de belles tentatives de projections bien compensées par Hochiyama, qui l’emporte en puissance au final. C’est presque fini pour le chouchou des foules. Takamisakari doit désormais remporter l’ensemble de ses confrontations d’ici dimanche pour sauver sa place chez les salariés, et au vu du revers du jour face à Tokushoryu, cela paraît clairement impensable.
Farewell to the shade (pour les connaisseurs…)
Victoire facile pour Tanzo qui surclasse physiquement Kotoyutaka, promis aux gémonies de makushita en mars. Kagamio manque de blouser Kyokushuho au tachiai avec un léger bond de côté, mais ce dernier ne s’en laisse pas compter et une fois la confrontation en marche, le différentiel de puissance à son avantage est flagrant. Nionoumi profite de la poussée mal contrôlée d’Akiseyama pour l’accompagner au sol en uwatenage, et ainsi assurer le kachi-koshi, salvateur en ce qui le concerne.
A l’orée du sprint final, on peut faire désormais les projections suivantes quant aux promotions/rétrogradations (avec toute la mesure et les réserves qui s’imposent).
En ce qui concerne juryo/makuuchi :
- Descendent : Miyabiyama, Tamaasuka, Homasho (qui sera peut-être sauvé) ;
- Montent : Jokoryu, Chiyonokuni;
- Menacés : Kotoyuki, Asahisho, Daido, Wakanosato ;
- En lice pour monter : Daikiho, Sagatsukasa, Sotairyu, Homarefuji
Entre juryo et makushita :
- Montent : Oniarashi, Tochihiryu, Sensho
- Descendent : Takamisakari (sans doute), Shironoryu, Kotoyutaka ;
- Menacés : Kagamio, Hochiyama
- En lice pour monter : Kitaharima.
Pour ce qui concerne les toriteki, Oniarashi est favori pour le doublé promotion-yusho en makushita, Hamaguchi devrait écraser de tout son poids la division sandanme, le duel annoncé entre Amuru et Masutoo en jonidan devrait tourner en faveur du Russe, et Tamao a partie quasi gagnée en jonokuchi.
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