Kisenosato se positionne décidément comme une bête noire (relative, bien sûr) du yokozuna Hakuho. Après les deux victoires de fin 2010-début 2011 sur son adversaire, on pense juste avant cet affrontement que le Mongol, qui vient de voir son unique poursuivant Gagamaru défait par Kotoshogiku, ne va faire qu'une bouchée de pain de l'aspirant ozeki face auquel il a un gros appétit de vengeance. Mais si le yokozuna est jusqu'ici parvenu, lors des rares occasions au cours desquelles il a été mis en difficultés, à retourner la situation, il n'en est rien aujourd'hui. Kisenosato engage merveilleusement son combat en imprimant après l'atari un imperceptible décalage sur sa gauche tout en bloquant le bras droit meurtrier du yokozuna. Il ne reste plus alors au Japonais qu'à tourner sur lui-même tout en accentuant sa prise de bras pour infliger un superbe kotenage, l'une des prises les plus dangereuses du sumo (Toyonoshima en sait quelque chose), dont Hakuho se sort sans mal en abandonnant très vite toute velléité de résistance pour concéder son premier revers du basho. On aime les fin de basho à enjeu, le résultat de ce torikumi ne décevra pas les amateurs de suspense, on le voit à l'animation du forum qui reprend une vigueur qu'on ne lui avait pas connue depuis quelques temps.
Sensation au Kokugikan
Car derrière le yokozuna, toujours seul en tête, c'est désormais une meute de trois poursuivant qui va être dans l'attente du moindre faux-pas du géant mongol. A commencer par Kotoshogiku, opposé dans le deuxième choc de la journée à la surprise du basho, le Géorgien gargantuesque Gagamaru. Si ce dernier a su profiter à plein de son double quintal pour engranger dix succès de rang, il ne peut rien ce jour contre l'élève de Sadogatake bien décidé à rattraper sa bévue de la veille. Après avoir absorbé la charge de Gagamaru, Kotoshogiku met directement les deux mains sur le mawashi de son adversaire et enchaîne ses traditionnels gaburi-yori, une fois de plus imparables. Kotoshogiku sera demain opposé au yokozuna Hakuho, un choc qui pourrait presque lui assurer une promotion comme ozeki en cas de victoire (improbable en toute logique, mais qu'est-ce que la logique dans le sumo ?).
Jean qui rit, Jean qui pleure. Kotoshogiku se relance avant un combat primordial.
Le troisième larron du groupe de poursuite est un lutteur dont on n'a que peu évoqué les performances jusque là : Kitataiki. Ayant connu ses deux seules défaites un peu plus tôt dans le tournoi que Gagamaru, il n'a pas eu à subir pour l'heure un torikumi rendu plus compliqué. Opposé à Wakakoyu qui lui réussit traditionnellement bien, il doit dans un premier temps s'employer pour encaisser les tsuppari de son adversaire, mais une fois la garde de celui-ci pénétrée, les jeux sont faits. Il aura toutefois à s'employer plus demain, rencontrant un Homasho en forme et bien décidé à décrocher le kachi-koshi pour devenir sanyaku.
Après un début de basho décevant et deux revers en trois journées, Baruto a assuré l'essentiel avec sept shiroboshi consécutives qui lui ont attribué le kachi-koshi. Le Balte est désormais en roue libre et n'a plus rien à gagner. Ce qui fait les affaires du roublard Kakuryu, le Mongol devant repartir de zéro pour son ozeki-run. Peu regardant sur les moyens, Kakuryu se sort de l'affrontement en plaçant une henka pleine de timing. On imagine qu'il n'a pour l'heure cure de la « qualité » de son sumo, qui importera quand il sera à nouveau en position de briguer le grade supérieur. L'ex-aspirant à la tsuna Harumafuji, quant à lui, dispose au terme d'un combat solide de Tochiozan, très accrocheur et en position favorable après l'atari, mais qui cède progressivement et se voit mis sur le reculoir par la puissance du Mongol. Harumafuji assure l'essentiel après un basho raté, le kachi-koshi.
Baruto pris au piège de sa naïveté.
Aran prend cher sur ce basho, mais sur son combat du jour face à Takekaze, il montre une belle lucidité qui lui permet de voir au moment opportun le déséquilibre de son adversaire et de placer le décalage meurtrier qui lui permet d'adoucir la facture. L'autre komusubi, Toyonoshima, est aussi victime de la forme des sekiwake et ozeki, mais il n'a pas encore abandonné tout espoir de conserver son rang. Face à Yoshikaze, il parvient avec justesse à placer la lutte sur le terrain du yotsu-zumo qui lui est plus favorable, venant à bout de l'acharnée résistance de son adversaire par la grâce d'un aérien sukuinage. Du très beau sumo pour le lutteur de poche.
Toyonoshima n'est pas encore mort.
Beau basho pour Okinoumi, qui engrange dans un positionnement difficile du banzuke un cinquième succès en montrant plus de puissance que Wakanosato, pas vraiment au niveau joi-jin sur ce tournoi. Goeido engrange le kachi-koshi face à Homasho qui fait pourtant le tournoi de sa vie. La puissance de Goeido est trop forte en dépit de la résistance « takamisakaresque » de l'Indien, qui peut encore caresser l'espoir d'intégrer les rangs sanyaku.
Tokitenku dispose sans mal de Fujiazuma dont le tachiai mou et mal placé permet au Mongol de l'attirer sans peine au sol. Tochinoshin, dans son élément à la frontière des joi-jin, acquiert dès l'atari une solide prise de mawashi sur le Brésilien Kaisei, que le Géorgien convertit sans trop de difficultés en un uwatenage à la frontière d'un yorikiri. Pour un combat, face à Sagatsukasa, Miyabiyama retrouve ce qui a fait par le passé sa force, un assaut de tsuppari violents que n'eussent pas renié Chiyotaikai ou Akebono dans ses vertes années (à un niveau de puissance et de rapidité moindre, cela dit). Ses frappes sont suffisantes pour disposer sans heurts de son adversaire. Le talent d'Aminishiki est de toujours être là où on ne l'attend pas. Cette fois-ci, le Renard ne place pas d'Isegahama-spécial, mais charge bille en tête, puis abaisse violemment les bras de Takayasu, laissant son adversaire sans défenses et à la merci d'une simple poussée. Kachi-koshi logique pour Aminishiki que l'on aurait pu toutefois espérer plus tôt au regard de son rang. Kokkai a assuré l'essentiel hier avec son maintien en makuuchi. C'est logiquement qu'il est battu ce jour par Tochinowaka, plus puissant et dont l'allonge lui permet de passer sous la garde du Géorgien pour le repousser hors du cercle.
Basho très décevant pour Toyohibiki, que l'on attendait bien mieux. Il concède logiquement le make-koshi, dépassé qu'il est en puissance par Shotenro en dépit d'un assaut bille en tête. Toyohibiki devra montrer autre chose pour rester en makuuchi en 2012. Le Tchèque Takanoyama a bien du mérite de figurer en makuuchi, au vu de son gabarit. Les foules du Kokugikan (clairsemées, vu le typhon) l'ont bien compris et en ont fait leur chouchou. Mais cela ne suffit pas face à toute l'expérience de Kyokutenho, qui ne passe pas loin de la correctionnelle toutefois en contrant un crochetage avant d'échapper de peu à l'utchari en fin de combat. Make-koshi pour le poids léger qui repart en juryo. Combat à sens unique pour Tamawashi qui explose littéralement Tosayutaka totalement impuissant. Ce dernier sera en juryo comme Takanoyama.
Pas ridicule, Takanoyama. Juste trop léger.
Asasekiryu met à mal un Tamaasuka complètement dépassé sur ce basho, manquant de puissance surtout, et subissant l'excellent placement de son adversaire. Bien qu'ayant décroché à l'atari la meilleure prise de mawashi, Yoshiazuma ne peut convertir celle-ci en dépit de son gabarit plus important et se fait sortir par Hochiyama après un ballet de trois tours de dohyo. Enfin, plus puissant et placé, Daido sort sans difficultés Kimurayama, sauvant quasiment sa place en makuuchi en mettant dans le même temps son adversaire du jour en sérieuses difficultés.
En juryo, pas de changement notables puisque Matsutani et Myogiryu, les deux leaders, l'ont emporté face à des adversaires déjà kachi-koshi. Nionoumi et Hokutokuni, les deux lutteurs en question, suivent donc à deux victoires du duo de tête et sont rejoints par Aoiyama, méritoire kachi-koshi si l'on tient compte qu'il a été kyujo deux journées, le Mongol Kyokushuho, décidément sur une belle trajectoire ascendante, et Chiyoarashi, qui condamne Hitenryu à la relégation.
Car pour les descentes et montées en juryo, les jeux sont (quasiment) faits, le suspense résidant dans la possibilité pour le leader de makushita Asahisho de faire un zensho-yusho qui compliquerait la situation. Actuellement, sont assurés ou quasiment de la rétrogradation : Hamanishiki, catastrophique sur ce tournoi, Kaonishiki et ses deux kyujo, Hitenryu et Hishofuji. Satoyama est le seul lutteur encore véritablement menacé. Pour la montée, ont déjà validé leurs tickets de montée : les lead-makushita Tokushoryu et Oiwato, Ikioi et peut-être Kitazono. Ce dernier pourrait faire les frais d'un zensho éventuel de Asahisho, si Satoyama se sauvait, zensho fort possible puisque Asahisho affrontera un Bugonishiki tout à fait à sa portée.
En sandanme, Karatsuumi s'inscrit comme un favori pour le yusho, et affronte demain Shoho, l'autre favori, le Chinois Hanasegawa, dernier lutteur à 6-0, devant avoir le redoutable honneur de combattre le très solide espoir Sakumayama, de la division jonidan. Enfin, en jonokuchi, l'unique shindeshi Wakayama ne déçoit pas et est désormais seul en tête de la division.
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