• Nagoya basho 2010 : 15e journée (senshûraku)

    Un basho de transition ?


    Le senshuraku de ce Nagoya basho n’a pas accouché de surprises majeures, comme d’habitude pourrait-on dire. Le yokozuna Hakuho avait déjà le yusho en poche depuis la veille, et la seule inconnue résidait dans le fait de savoir si le nouveau monstre mongol, digne successeur de son compatriote aujourd’hui joyeux retraité, allait poursuivre sa série victorieuse de victoires en honbasho. Ayant d’ores et déjà dépassé le dai-yokozuna Taiho (également depuis hier), Munkhbat a comme attendu vaincu l’actuel sei-ozeki (ozeki le mieux classé) Baruto, même si le combat a donné lieu a un affrontement de très belle intensité, sous les regards de la foule qui scandait avant l’entame du combat ordonnée par Kimura Shonosuke le nom de l’outsider. Dans ce senshuraku musubi no ichiban, Baruto semble transcendé par la foule et démontre une fois de plus l’énorme puissance qu’il possède en stabilisant ses appuis et en repoussant à trois reprises le yokozuna. Mais Hakuho est sur une autre planète et repousse les assauts de l’Estonien avant de l’achever sur une aérienne et splendide projection. Encore une fois une belle résistance, mais insuffisante. Hakuho est seul au monde, comme Asashoryu lorsqu’il enfilait les yusho comme des perles au milieu des années 2000. On peut désormais conjecturer que le record de Chiyonofuji de 53 succès de rang est très menacé, et la perspective encore impensable il y a un an de voir tomber le mythique chiffre de 69 shiroboshi consécutives de Futabayama est de plus en plus crédible. Seule une saute de concentration peut faire tomber le yokozuna qui est son propre et unique adversaire à l’heure actuelle.





    Belle résistance de l'Estonien, mais ils ne combattent pas sur la même planète...




    Remise d'une Coupe invisible, comme un symbole d'un basho tronqué à tous les niveaux





    Émotion palpable chez le dai-yokozuna




    Derrière le Mongol, c’est un véritable désert. Ils sont trois à se partager les honneurs du jun-yusho. Les deux poursuivants immédiats de Hakuho pendant une bonne partie du basho, soit Kakuryu et Homasho, tout d’abord. Le Mongol se débarrasse de Kisenosato une fois de plus décevant, battu six fois dans ses sept dernières confrontations, et qui se trouve seul en makuuchi à concéder le make-koshi dans cette dernière journée. Homasho, lui, perd l’opportunité de rafler seul l’honorifique jun-yusho, en tombant les armes à la main face au troisième larron, l’impressionnant Russe Aran, bien mal parti avec un seul succès en quatre rencontres à l’orée du basho, mais qui a su se reprendre, rester concentré et montrer son savant cocktail de puissance et de ruse (d’aucuns parleront de roublardise). Aran montre dans son combat du jour plus de stabilité que son adversaire et l’emporte au terme d’une mêlée furieuse et quelque peu désordonnée. Wakanoho a peut-être trouvé son successeur en termes de style de sumo.



    Le combat des ozeki du jour opposait le Bulgare Kotooshu au Mongol Harumafuji. Archi-dominé dès l’atari, Kotooshu ne peut échapper à Harumafuji qui le combat le couteau entre les dents et sera sei-ozeki en septembre.



    Trois ozeki et un yokozuna combattaient en ce senshuraku, tous gaijin ; la division makuuchi s’est par ailleurs achevée avec plus de lutteurs étrangers que de Japonais à Nagoya. C’est une première historique. Parmi les rares consolations des Nippons, outre l’excellent basho (attendu à son niveau de classement) de Homasho, la belle performance de Tochiozan, qui termine à neuf victoires. Dans son combat du jour, Tochiozan saisit le mawashi de Tokitenku dès l’atari et au jeu du rapport de force, il est clairement au-dessus. Un atari vif et une prise sous l’aisselle de Takamisakari permet à Shimotori de limiter la casse en l’emportant sans trembler. Takamisakari termine toutefois lui aussi à neuf victoires, de quoi se donner de l’air et espérer le retour des kensho en septembre. Dernier lutteur à neuf victoires, le vétéran Wakanosato, opposé à un Kotoshogiku puissant (retour des gaburi-yori) mais pas très lucide dans son sumo aujourd’hui, ce dont profite le premier dominé mais roublard.



    Décrochent leur kachi koshi aujourd’hui tous les lutteurs à 7-7 (à l’exception de Kisenosato déjà mentionné) : Combat maîtrisé pour Mokonami qui décroche au final une profonde prise sur le mawashi de Takekaze et le sort sans coup férir. Grosse henka de Kimurayama qui décroche son kachi-koshi et plonge Kakizoe dans le doute quant à son maintien en makuuchi. Dans un combat d’artistes de la finesse, Gagamaru se voit dominé en puissance par Bushuyama qui décroche un kachi-koshi in extremis. Hokutoriki maîtrise de bout en bout son combat grâce à un bras ferme et à son allonge, empêchant toute prise de mawashi et tentant deux hatakikomi avant de conclure sur un virevoltant sukuinage.



    Manque de puissance pour Tamanoshima, qui va désormais flirter avec le bas des juryo. Plus que son score, son sumo, comme le montre sa performance triste face à Shotenro, ne laisse pas d’inquiéter les observateurs quant à son avenir. Assaut brutal de Koryu qui ne laisse pas un dixième de seconde de respiration à Tamaasuka qui se retrouve en moins d’une seconde au-delà de la tawara. Tosayutaka termine piteusement son basho en subissant la loi de Tamawashi qui l’expulse d’un puissant oshidashi. Kokkai perd une fois de plus à cause d’un sumo tout brouillon, le Géorgien donne trop souvent le sentiment de gâcher son sumo. Son absence de volonté d’aller au corps à corps est peut-être due à une blessure chronique. Dans le combat pour le jun-yusho, Aran se montre plus stable que Homasho et il l’emporte au terme d’une furieuse mêlée. Kyokutenho retrouve de la puissance pour ne concéder qu’un faible make-koshi chez les joi-jin, basho pas mauvais pour le vétéran. Tochinoshin, déjà make-koshi, montre engagement et puissance pour se débarrasser de Kitataiki. Hakuba manœuvre intelligemment Tokusegawa qu’il fait tournoyer avant de le projeter à terre.



    Au bilan de ce basho, on notera en outre les sansho, attribués à Aran et Homasho pour le kanto-sho (deuxième et quatrième respectivement) et à Kakuryu pour le gino-sho (son cinquième). L’autre bilan à faire sera celui des promotions et rétrogradations en makuuchi, qui risque d’être extrêmement délicat pour le comité du banzuke, dont la tâche sera plus que compliquée par les kyujo et autres assignations qui ont émasculé ce tournoi de Nagoya, bien triste en termes de fréquentations, y compris sur le dohyo. Les dohyo-iri semblaient comiques en fin de basho au vu du nombre réduit de lutteurs qui paradaient.






    Les heureux élus des sansho





    En juryo, Masatsukasa achève un basho ultra-dominé à l’image de celui de makuuchi.

    Masatsukasa, sur un nuage tout au long du basho, maîtrise la charge du Brésilien Kaisei et passe sous sa garde pour le faire brillamment chuter. Un tournoi de rêve pour Masatsukasa qui va faire un bond historique dans le banzuke. Sokokurai manque l’opportunité de sceller avec certitude une promotion en juryo, en se laissant surprendre par Kyokunankai, qui a partie gagnée avec une clé sur le bras de son adversaire sino-mongol. Ce dernier devrait tout de même être promu. Kyokunankai termine sur un score à deux chiffres.



    Nakanokuni scelle un peu plus le sort de Kanbayashi rétrogradé et intègre le peloton de promouvables, bien nombreux en ce Nagoya basho. Tsurugidake, lui, est plus malheureux, alors qu’il tient une chance historique pour lui. Il devra remettre ça en septembre en espérant un peu plus de réussite. Lutte au couteau entre Sadanofuji et Hoshikaze, ce dernier combattant férocement pour ne pas concéder le make-koshi, mais contraint de s’incliner face à Sadanofuji qui composte son billet pour les juryo. La stratégie de l’effacement juste après le tachiai est payante pour Sadanoumi, qui va se dégager de la zone dangereuse pour septembre et se donner un peu d’air. Lutte entre rikishi au couteau à 7-7 qui oppose Tokushinho et Tosanoumi : le vétéran se montre plus roublard en déviant légèrement de son axe pour prendre son adversaire de côté et le sortir en oshitaoshi. Masuraumi surprend son monde en infligeant le make-koshi à Sakaizawa dans un combat bien mené, après plusieurs tentatives de crochetages achevées par un sukuinage. Gros atari de Kasugao qui plonge loin la main dans le mawashi de Tochinonada mais se laisse déborder par le contre du vétéran. Charge de mule d’Asofuji qui projette Sagatsukasa loin dans les spectateurs. Le lutteur de poche aura connu un basho en dérive complète.




    Le kettei-sen de jonidan voit les deux combattants s’écrouler de concert après un bref affrontement, et Tateno sort vainqueur de la chute indécise face au favori Ryuonami. Les vainqueurs des autres yusho sont Aratoshi, revenant mongol qui remporte sans trembler le jonokuchi et devrait en faire de même au prochain basho en jonidan, Takatoshi, bien revenu de sa déconvenue de makushita pour le sandanme yusho, et Jumonji en makushita, qui décroche une repromotion surprise en juryo.



    Devraient être rétrogradés en septembre en makushita : Kanbayashi (5-10), Masuraumi (3-12), Kasuganishiki (0-0-15), Yamamotoyama (5-7-2), Chiyohakuho (0-0-15). Il faut ajouter pour les promotions l’intai de Kotomitsuki et peut-être celui d’Iwakiyama.



    On aura donc six ou sept promotions qui seront : Jumonji, Sadanofuji, Nakanokuni, Shironoryu, Tochinowaka, Takarafuji, puis une dernière éventuelle à décider entre Ryuho et Yoshiazuma.


    Toutes les vidéos de cette journée ici: http://www.lesumo.fr