Le Retour du Mawashi Doré.
Hakuho n’est pas un homme superstitieux. Il l’avait déjà montré en choisissant comme style de dohyo-iri le Shiranui, emblème de la Tatsunami mais réputé maudit et raccourcir les carrières des yokozona qui l’arboraient (Futahaguro, Wakanohana III, etc.). Il a remis le couvert en cette quatorzième journée, alors même qu’il a déjà le yusho en poche, en exhumant des archives de l’histoire récente le Mawashi Doré. Porté pour la première fois par le M14 Tamanoumi en 1957, il avait porté chance à celui-ci qui, sur le point d’être intai, avait remporté un zensho-yusho. Wajima l’avait ensuite choisi, lui le flambeur, durant une carrière qui l’avait vu conquérir 14 yusho. On peut penser que Hakuho le fait en hommage à celui-ci (il vient de décrocher son yusho 14 lui aussi), même si le dernier homme à l’avoir arboré n’était autre que son senpai, le dai-yokozuna Asashoryu, qui l’avait porté durant le basho de mars 2005 avant de l’abandonner suite à un revers concédé à l’ozeki Tochiazuma. Il ne l’avait plus jamais remis ensuite.
Et force est de constater que la malédiction qui avait frappé cette couleur portée par Asashoryu en 2005 a failli frapper à nouveau, tant le succès du jour de Hakuho n’a semblé tenir qu’à quelques fils face au Bulgare Kotooshu, semblant transcendé et non pas pétrifié pour une fois par l’enjeu. Auteur d’une prise de mawashi remarquable sur le mawashi du Mongol, Kotooshu contrôle l’essentiel du combat avant que le physique, le centre de gravité plus bas de Hakuho notamment, ne lui permette de se dégager et d’expulser son adversaire du dohyo. Kotooshu n’a certainement pas à rougir d’une défaite qui était prévisible, mais que l’on n’imaginait pas si serrée. Hakuho remporte son 31ème succès et poursuit son implacable domination sur le sumo de 2010.
Sont-ce les mânes de Wajima ou d’Asashoryu qui sont invoquées ?
Juste avant ce musubi-no-ichiban de rêve, les combats impliquant des ozeki ont donné lieu à des scénarios divers. Gros tachiai entre les ozeki Kotomitsuki et Harumafuji. Le premier parvient à passer sous l’aisselle et donc la garde du Mongol qu’il sort sans peine. Harumafuji se plaint quelques instants plus tard de son tachiai, pensant qu’il aurait dû demander un matta. Combat superbe de Kitataiki qui attaque de front l’ozeki Baruto avec un tachiai énorme, le déstabilisant et manquant de le sortir à plusieurs reprises grâce à une belle prise sur le mawashi du Balte, dont la puissance finit toutefois par parler, en l’espèce un solide uwatenage main gauche. Kitataiki a montré sa valeur sur ce combat et peut sortir la tête haute. Kaio continue sa série bien scénarisée pour parvenir aux 1000 victoires, en disposant d’Aminishiki physiquement diminué sur le basho et mal inspiré sur ce combat en allant au carton face au toréro du Kokugikan. On voit mal comment la barre mythique pourrait échapper à Kaio demain face à Kotooshu, dont la seule motivation pourra être de prendre à Harumafuji la place de sei-ozeki.
« Olé ». Il ne manque plus qu’une muleta à Kaio sur ce Natsu basho…
Un peu avant, Aran avait conquis sa onzième victoire du tournoi, à cent lieues de l’aberration de son 1-14 du dernier tournoi, en produisant pour l’essentiel un sumo de qualité sur ce basho. Les défaites combinées de Harumafuji et Kotooshu lui permettent d’envisager de conquérir l’accessit du jun-yusho seul, que seul Baruto peut désormais lui disputer. Gros tachiai et nodowa surpuissant pour le Russe, Okinoumi n’aura pas existé sur ce combat.
Derrière le Russe et l’Estonien, on retrouve, outre les deux sei-ozeki précédemment cités, Kotoshogiku, Wakakoyu, Hakuba et Shimotori. Dès l’instant où Kotoshogiku échappe à un tsuppari de Miyabiyama, les jeux sont faits. Le gaburi-yori qui suit est toujours une merveille à regarder. Tamanoshima n’y est décidément plus, victime de Shimotori qui met fin à une série de trois revers d’affilée. Choc de pousseurs entre Yoshikaze et Wakakoyu, ce dernier se montrant plus solide dans ses tsuppari pour lui soulever le centre de gravité et le sortir sans coup férir. Bon tachiai de Tochiozan, qui décroche une prise extérieure droite avant de se stabiliser longuement en position défensive face à Asasekiryu. C’est ce dernier qui reprend l’initiative mais se fait contrer après avoir raté sa projection et finit sorti en okuridashi. Succès à sens unique en oshidashi pour Kisenosato qui anéantit Hakuba en moins d’une seconde et deux poussées.
Tokusegawa termine son basho en trombe après un départ à 1-4. Grosse lutte en yostu-zumo face à Mokonami, au cours de laquelle les deux hommes gagnent et perdent leurs prises de mawashi. Le choc de puissance se poursuit une bonne minute, avant que Mokonami ne place une attaque finale sur Tokusegawa épuisé. Très beau combat des deux Mongols. Contrôle du combat en permanence, Tosayutaka montre la patience nécessaire pour épuiser les forces de Tochinonada et le sortir en force. Choc violent à l’atari pour Hokutoriki qui se déstabilise tout seul, Goeido n’ayant plus qu’à le laisser tomber comme un fruit mûr pour récolter son kachi-koshi. On l’attendait plus tôt de sa part à son rang. Motivé comme jamais, Kimurayama sauve son score et peut encore espérer le kachi-koshi demain. Tachiai énorme de Toyohibiki qui sait qu’en yotsu il n’a aucune chance face à Takamisakari. En deux poussées, il règle donc le problème et décroche son kachi-koshi. Grosse henka de Koryu qui plombe encore plus un basho à oublier pour Tamawashi. Koryu descendra tout de même en juryo. La poussée de Takekaze est subtilement détournée d’un tirage de nuque par Kyokutenho, qui décroche ainsi son kachi-koshi. Un basho à oublier aussi pour Wakanosato et Kokkai, le premier l’emportant par la grâce d’un tachiai plus puissant que celui du Géorgien, toujours handicapé par sa blessure au cou. L’ouverture suite au tachiai de Tokitenku lui permet de déstabiliser suffisamment Tochinoshin pour rendre toute résistance ultérieure du Géorgien bien vaine. Fin de basho pénible pour Tochinoshin qui devra batailler pour son kachi-koshi demain. Nodowa puissants et hatakikomi pour Kakuryu qui limite la casse.
Suspense à tous les étages en juryo comme de rigueur. Il ne reste plus qu’un leader à dix succès, poursuivi par une meute de cinq enragés qui peuvent espérer un tomoe-sen massif. Gros tachiai de Matsutani qui prend Bushuyama à la gorge. Mais l’ancien parvient à se dégager à la tawara, se dégage et retourne son adversaire, pour réussir ce que celui-ci n’a pu achever une demi-seconde plus tôt. Son oshidashi le place seul en tête.
Derrière lui, outre Matsutani, on retrouve Tamaasuka et Daido, vainqueurs aujourd’hui. Assaut vif en hidari-yotsu pour Tamaasuka qui sort Sakaizawa prestement malgré les tentatives de kakenage de ce dernier. Il faut reconnaître un mérite à Kyoseumi, sa capacité à proposer des manœuvres d’évasion eu égard à son gabarit est proprement étonnante. Elle ne suffit pas aujourd’hui toutefois, car au moment où Daido parvient à se saisir de son mawashi, les jeux sont faits. Uwatenage net et sans bavures qui égalise le score des deux rikishi. Compplète ce quintette Gagamaru, qui lui aussi rate le coche aujourd’hui. Mystifié par Masatsukasa d’un uwatenage bien amené, Gagamaru doit céder la tête du tournoi et n’a plus le destin du yusho entre ses mains.
Nouveau revers embarrassant pour Yamamotoyama, contourné une fois de plus imparablement par Toyozakura, qui n’avait pourtant en quatre confrontations précédentes jamais trouvé la recette pour le battre. Le kachi-koshi n’est pas assuré pour le SPL, qui aura un basho pénible en juillet dans la fournaise de Nagoya. Asofuji remporte un succès aisé contre Kirinowaka complètement démobilisé, qui va plonger loin en makushita. Sokokurai décroche de belle manière son kachi-koshi en encaissant la charge d’ours de Tosanoumi, et en montrant une solidité de bras impressionnante pour déplacer ce dernier sur le côté et le faire chuter. Tosanoumi est make-koshi, Sokokurai peut éventuellement espérer la makuuchi en cas de neuvième succès et de circonstances favorables. Kotenage solide de Kasugao face à un Kaiho qui ne semble pas démobilisé pour autant, juste complètement diminué physiquement. Sumo solide de Chiyohakuho qui balade Kyokunankai en oshi avant de placer une ouverture qui lui permet de passer dans le dos de son adversaire et de se rendre la tâche facile. Shotenro domine copieusement Hoshikaze, achevé en oshitaoshi. Uwatenage sauve-qui-peut pour Kotokasuga qui réussit à placer sa projection tout en chutant sous l’impact d’une charge de Kasuganishiki. Oshidashi sans souci pour Tokushinho, qui fait parler son gabarit face au minuscule Sagatsukasa.
Dans le premier combat d’échange makushita-juryo, Kanbayashi tente pas mal de choses, dont de violents harite au visage de Hochiyama, mais il doit au final s’incliner face à la résistance de ce dernier qui le contre en oshizumo avant d’achever pour l’heure sa carrière en juryo d’un hatakikomi assassin. Sadanofuji est visiblement plus motivé que Futeno sur leur combat, ayant sa place en jeu. Futeno se laisse quasiment entraîner tout seul dans sa chute. Sadanofuji jouera à quitte ou double demain. Masuraumi aura affronté quatre sekitori, pas moins, sur ce basho. C’est dire s’il mérite son retour chez les salariés, après son succès probant sur Wakatenro qui ne peut placer le hatakikomi qu’il recherche. Wakatenro aura un combat crucial demain pour sans doute sauver sa place chez les sekitori.
Sur le plan des montées/descentes, Kaiho et Kirinowaka ont leur ticket vers la makushita (les rumeurs sont insistantes sur un intai de Kaiho au senshuraku), Kanbayashi devrait sans doute les accompagner, même en cas de victoire, Futeno n’est pas sauvé s’il concède une défaite de plus, tout comme Wakatenro. Sur le plan des montées, Masuraumi et Hochiyama ont leur ticket assuré, Kaisei doit attendre les résultats de juryo de demain, tout comme Tsurugidake, Sadanofuji et même Takanoyama qui peuvent encore nourrir de minces espoirs.
Pour le reste de la makushita, tentatives diverses de poussées et tirages, mais Kotootori se fait contrer et sortir en puissance par Wakaryusei. Kachi-koshi pour ce dernier. Henka énorme pour Naoe qui décroche ainsi lui aussi le précieux sésame aux dépens du Brésilien Kaishin, à son meilleur rang en carrière. Dépassé en puissance dès l’atari, Hoshizakura le Mongol doit concéder le make-koshi aux mains de Hidenofuji. Quatre matta pour l’irritant lutteur poids plume Furuichi, qui ne trompe pas toutefois Taika, un autre Mongol qui décroche le kachi-koshi à son plus haut en carrière. Déficit de gabarit en revanche pour Daionami, qui ne parvient pas à réaliser le même exploit dans la même situation, face à Nakano. Un gros tachiai et un hatakikomi bien placé permet à Sakaguchi de décrocher son septième kachi-koshi en autant de basho. Il plafonne un peu mais poursuit son ascension. Toyonokuni l’ancien sekitori se fait copieusement dominer par Chokozan et doit concéder une kuroboshi, même s’il était déjà kachi-koshi. Le mince Chiyonokuni sera à son plus haut en juillet, couronnement d’une progression récente tout à fait remarquable. Sumo très intéressant proposé par Hoshihikari contre l’ancien hiramaku Hamanishiki. En position très basse, le Mongol contre toutes les manœuvres de son adversaire et finit par le faire chuter d’un tirage subtil dans un parfait timing. Progression impressionnante pour Tochihiryu qui n’en finit plus d’avancer depuis son retour de blessure il y a un peu moins d’un an. Il dispose aujourd’hui de l’ancien tsukedashi Hakiai en montrant sens tactique et opportunisme. Vilaine henka au tachiai qui permet à Tochinowaka d’enregistrer sur Nionoumi sa sixième victoire et se retrouver en makushita-joi au prochain basho. Le Russe Amuru est peut-être inspiré par Takanoyama, car le frêle mais musculeux lutteur ne se laisse pas effrayer par le gros tachiai de l’espoir Aoki qu’il contre pour lui infliger le make-koshi. Amuru sera à son plus haut en juillet. Aoiyama profite lui d’une certaine naïveté du pourtant expérimenté Kitazono pour lui infliger un joli uwatenage. La chute sera quand même lourde pour le Bulgare. Arawashi conclut un combat vif et engagé contre Ryuho en plaçant un uwatenage qui limite son make-koshi.
Retour en makushita rapide pour le Hongrois Masutoo, qui devrait même avec son 5-2 se retrouver au niveau de son meilleur rang en carrière. En revanche, Kimenryu, make-koshi sur cette dernière journée, restera en quatrième division.
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