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Afficher la version complète : Hommage à un rikishi de l'ombre : Ichinoya



toonoryu
09/10/2005, 22h32
Allez hop, un autre texte issu de SFM, un compte-rendu sur les minarai d'il y a deux tournois. J'aime bien ce texte pour l'hommage rendu au doyen des rikishi, Ichinoya. Enjoy !


Bon, bon, bon, comment résumer tout le déroulement des divisions inférieures, rendre compte des moindres petits secrets de celui qui s’est distingué particulièrement dans la masse de ses congénères rikishi ? Comment traiter de celui que vous avez tous observé et faire naître en vous le désir d’en lire encore plus à son compte ? Hmmmmm ? (Essayez de m’imaginer en train de me gratter la tête). Hmmmmmm encore.

Baruto.

Voilà…

Je veux dire, allez, qu’y a-t-il de plus à dire ce coup-ci ? D’accord, Sawai a fait partie de ceux qui ont attiré le regard et son sumo a paru encore plus impressionnant qu’en mai. Oui, il paraît être assuré de devenir sekitori l’an prochain à la même époque – si ce n’est plus tôt. Shibuya de la Tamanoi, favori de notre éditeur en chef, s’est assuré un bon kachi-kochi lui permettant de gravir un cran de plus sur l’échelle des makushita. Quelques bons rikishi étrangers qui gravissent les échelons ont paru bien se débrouiller – quelques Mongols en particulier. Le hongrois Masutoo de la Chinagoura-beya est apparu un peu faible et a fini sur un make-kochi, devenant kyujo après son cinquième combat ; c’était peut-être joué d’avance, étant donné de toute manière qu’il a fait son entrée dans le tournoi avec une hanche mal en point, me suis-je laissé dire.

Mais on doit lui laisser ça, Baruto, le viking estonien, doit faire son entrée dans le monde des sekitori en septembre, et ceux qui se trouveront sur son chemin devraient rapidement avoir à rendre les armes (le jeu de mot est volontaire !).

Après avoir survolé le banzuke au cours de la dernière année et demi, il est désormais parvenu dans les rangs des juryo inférieurs, et devrait sans doute s’installer pour un moment dans les rangs pro. Beaucoup le voient débarquer en makuuchi très prochainement, et ce sera peut-être le cas. Cependant, alors que tous les fans et même la Kyokai débattent sur l’attitude à avoir vis à vis de sa couleur de cheveux hors norme, alors que la réputée maison de fabrication de mawashi du quartier Senju de Tokyo fabrique son kesho mawashi aux motifs vikings, la question reste entière : quand va-t-il trouver ses limites ? Quand, vraiment ? Plus tôt que pour Hakuho ? Au niveau d’Ama ? Jamais ? Ces questions restent sans fin, mais souhaitons bonne chance au jeune homme, qu’il ravage et pille les échelons tout au long de sa progression vers les sommets.

Cela dit, franchement, que s’est-il passé dans les quatre divisions non-professionnelles que les masses (gigantesques) de lecteurs de SFM voudraient entendre de quelqu’un comme moi ? A la vérité, les divisions inférieures sont un monde fascinant, avec leurs centaines de rikishi appliqués, et méritent les observations et commentaires d’une personne telle que Mikko. Je suis capable d’écrire sur le sujet, mais les mots ne viennent pas du cœur, l’endroit d’où ils doivent venir.

Cependant, cette opportunité m’étant offerte du fait de l’absence de mon collègue, je voudrais vous emmener dans les tréfonds du banzuke, dans la seconde division depuis la base, où la lumière est plus sombre et la nourriture tout juste tiède. Le pays où l’eau du bain est noire de crasse. Où le sumo est dur et les tâches annexes à peine moins. Où allons-nous ? En division jonidan, bien sûr. Contrée des petits nouveaux, de ceux qui sont montés et sont redescendus pour une raison ou une autre. Et, bien sûr, la contrée quasi définitive du plus connu des jonidaniens – Ichinoya – un homme, une légende, un mode de vie.

Imaginez ceci : quand l’actuel yokozuna, Asashoryu, avait tout juste trois ans, Ichinoya faisait son entrée dans le sumo ! Comme professionnel !

Alors que le futur yokozuna se mettait à peine sur ses jambes et babillait des sons que peu pouvaient comprendre, cet homme était professionnel dans l’un des sports les plus exigeants au monde, physiquement et mentalement – et il l’est toujours !

Né à Kagoshima fin décembre 1960, tout juste quinze ans après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, l’homme qui apparaît sur les listes de la Nihon Sumo Kyokai du haut de son petit 1,655 m grandit sur l’île de Tokunoshima. A l’écart des émeutes politiques des années 60, le jeune Ichinoya trouve sans doute un intérêt dans le sumo de par la combinaison, d’une part de l’absence d’autres activités sur l’île, d’autre part dans l’étude de la vie du fils chéri de l’île, le 46° yokozuna, Asahio (qui se trouve être également l’ancien shikona de son actuel maître d’écurie, Takasago oyakata).

Alors qu’il s’apprête à passer son bac et à aller en université, le sumo coule déjà dans ses veines – et n’est pas prêt d’en sortir. Pour des motifs personnels, Ichinoya choisit l’université des Ruykyu, après avoir délaissé les plus célèbres « usines à sumo » de l’archipel.

Entrant en faculté de sciences physiques, Ichinoya passe les quatre années suivantes en compagnie de livres sur Einstein et d’autres étudiants sur le dohyo. Science et shitatenage sont son pain quotidien.

Puis, une fois l’université achevée, Ichinoya entre en sumo lors du Kyushu Basho de 1983 ; Quelques années après que Charles a épousé Diana, quelques-unes unes avant que Tchernobyl n’explose, et à une époque où Takanosato n’est encore qu’un jeune yokozuna, promu tout juste deux basho avant.
Grimper dans le banzuke ne sera jamais une tâche aisée pour le natif de Kagoshima, et au début de 2005, pour sa 22° année de carrière, il est classé en jonidan 39, à une division du bas de l’échelle et quatre du sommet.

Alors, qu’est-ce qui fait de cet homme, qui a réussi si peu de choses, un homme si spécial ?

En dehors de ses deux titres en jonidan, c’est tout simplement sa longévité qui donne sa cote de popularité à Ichinoya. Dans un sport où l’accession au rang supérieur est synonyme d’améliorations considérables du mode de vie, on trouve énormément de raisons dans notre monde moderne de faire ses valises pour trouver de plus verts pâturages quand cela ne va pas comme on veut. Ichinoya n’a jamais déserté, lui. Dans une époque où l’appât du gain triomphe sur les valeurs éprouvées d’éthique et de sens de l’honneur, Ichinoya n’a pas bougé. Ichinoya a poursuivi son labeur quotidien au sein de la heya, continué à s’acharner et à apprendre et, alors que des hommes dix, quinze, vingt et même vingt-cinq ans plus jeunes que lui atteignaient les divisions supérieures de son sport, de son style de vie, Ichinoya est resté dans l’ombre ; patient, modeste et silencieux.

Voilà les qualités de tant de ces athlètes, joueurs ou compétiteurs dont on se souvient des années encore après leur départ. Tout n’est pas que victoire et trophées – raison principale pour laquelle j’évite de mentionner le ratio victoire/défaite d’Ichinoya et de m’étendre plus avant sur sa carrière d’un point de vue purement technique.

Cet homme a atteint une aura, de par sa longévité, désormais sans égale dans l’histoire du sumo moderne (le précédent record pour une durée de carrière depuis le début de l’ère Showa en 1926 était détenu par le juryo Genbuyama) et l’on se souviendra de lui au moins aussi longtemps qu’a duré sa carrière, ce qui n’est pas un mince exploit quand on sait la difficulté de répondre à une question sur un vainqueur de yusho en makuuchi – l’élite : « Qui a remporté la Kyushu Basho de 1983 ? » (celui qui a vu Ichinoya au bas d’une très longue échelle).

Sans chercher, je parie que vous ne pouvez pas répondre !

Asafan
10/10/2005, 00h33
Vraiment, j'adore ce texte. Il est superbement écrit et non moins superbement traduit.

J'ai l'impression de me répéter à l'infini, mais...

Merci, Toon :D

Simaldeff
10/10/2005, 00h46
merci encore. c le genre de gars sur lequel les japonnains font des doramas ... non?

Kaiowaka
10/10/2005, 12h12
Super boulôt Toonoryu ! Il ne manque que les chiffres de sa carrière et c'est parfait !!!!!!

toonoryu
10/10/2005, 14h00
Impossible de mettre la main sur ses chiffres en carrière... je ne dois pas être aussi bon qu'Hoshi en recherche web :oops:

Azumashida
10/10/2005, 15h25
Impossible de mettre la main sur ses chiffres en carrière... je ne dois pas être aussi bon qu'Hoshi en recherche web :oops:

442-472-3
Cf. http://sumo.goo.ne.jp/eng/ozumo_meikan/rikishi_joho/rikishi.php?A=1471

Terarno
10/10/2005, 19h23
Il n'a été forfait que trois combats ???????
Ca c'est la stat qui tue 8O