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toonoryu
01/10/2005, 15h32
Dernière livraison du jour, un article didactique sur les gyoji, us et coutumes. Enjoy !



Le Petit Guide du Sumo Illustré : Le Gyoji


par Barbara Ann Klein


Ce mois-ci, nous nous intéressons à ces petits (pour la plupart) bonshommes sur le dohyo qui, dans un contraste saisissant avec les hommes à demi-nus qui s'apprêtent à combattre, sont habillés de cotons et de soies ornées, arborent un singulier chapeau noir et portent un éventail de bois chamarré et orné d'un gland (gunbai).

Ce sont les gyoji – les arbitres qui officient sur chaque combat de chaque journée d'un tournoi. En fait, tout combat de sumo est dirigé par un gyoji – que cela soit lors d'un grand tournoi, un tournoi local, une exhibition à l'étranger ou même un sumo parodique !

Penchons-nous sur ce personnage unique et sur ses traditions.

Le devoir principal en même temps que le plus visible du gyoji est de juger les combats qui opposent les rikishi. Après l'annonce par le yobidashi – le héraut – des noms et des côtés, i.e. l'Est ou l'Ouest, des deux hommes qui se font face pour le combat à venir, le gyoji répète leurs noms, appelant pour de bon les rikishi sur le dohyo. Il commence l'exercice de ses responsabilités en prenant une posture traditionnelle face à l'Est, son gunbai également pointé dans cette direction, tout en regardant les rikishi qui effectuent leurs rituels traditionnels d'avant-tachiai. Quand le shinpan connu comme le « gardien du temps » lui donne son signal, le gyoji fait face sur le devant (shomen), se tenant entre les deux rikishi, et lève son gunbai bien à plat, vers l'avant. Ceci donne aux lutteurs, tout comme aux spectateurs, le signal que le combat est sur le point d'être lancé. Il annonce « jikan desu », « katta nashi », « matta nashi » ou d'autres phrases (c'est l'heure, il faut y aller, pas de faux départ) qui annoncent le départ officiel du combat. Il doit s'assurer que le choc initial entre les rikishi est parfaitement coordonné. Toutefois, si le gyoji a le sentiment que la charge n'a pas été proprement synchronisée, ou qu'il y a eu un faux départ, il annonce « matta » (attendez) et demande aux rikishi de recommencer.

Une fois le contact établi, et le rikishi en plein combat, le gyoji les encourage par une série de cris - « hakkeyoi » lors du choc initial, qu'il répète si les combattants sont immobiles, ou « nokotta, nokotta » lorsque les deux rikishi sont en mouvement. Quand l'un des deux combattants est désigné vainqueur, le gyoji crie « shobu ari » (il y a une victoire) et lève son gunbai dans la direction du côté du vainqueur, est ou ouest. Bien entendu, si le shinpan ou même un autre sekitori attendant de combattre perçoit que le gyoji ait pu rendre un verdict erroné ou douteux, ce verdict peut être confirmé (gunbai-dori) ou infirmé (sashi-chigae), ou déclaré indécis donnant lieu à un nouveau combat (tori-naoshi) après une réunion (mono-ii) des shinpan.

Arbitrer, toutefois, n'est pas le seul devoir du gyoji. Le gyoji « écrit » le banzuke et le torikumi quotidien dans le style si particulier de la calligraphie du sumo. Ils accompagnent les Anciens en voyage sur les tournées de la Kyokai, et se retrouvent bien souvent en « éclaireurs », s'occupant des transports et tenant les comptes. Commentateurs dans l'enceinte du tournoi, ils sont aussi chargés d'annoncer les combats et kimarite employés sur les haut-parleurs. Ils confirment et enregistrent les résultats des combats quotidiens. Ils sont aussi responsables pour la majeure partie de la paperasse et l'envoi du banzuke à leurs heya respectives et, parfois, à leur ichimon (groupe de heya). En outre, le tate gyoji préside au dohyo matsuri, la bénédiction du cercle sacré.

Les gyoji entrent en sumo encore adolescents, au travers d'une candidature auprès d'un oyakata et, après des études consciencieuses – maintien du gunbai, calligraphie du sumo, proclamation des noms de lutteurs – ils commencent leur ascension des huit rangs de gyoji jusqu'à atteindre l'âge de la retraite obligatoire, à 65 ans. La progression des gyoji de grade en grade dépend de la retraite ou de la démission de gyoji de rang plus élevé comme de leur propre compétence. Les appellations de grade sont sensiblement identiques à celles des rikishi, de jonokuchi à sanyaku. Le rang le plus élevé est celui du tate gyoji, toujours appelé Kimura Shonosuke, qui n'arbitre que le dernier combat, suivi du fuku-tate gyoji, Shikimori Inosuke, qui arbitre les deux combats précédents. Tous les gyoji portent l'un des deux « noms de famille » - Kimura (ombre) ou Shikimori (soleil) – et ils peuvent en changer à de maintes reprises au gré de leur progression.

A chaque basho, la Kyokai octroie une allocation au gyoji pour ses vêtements et accessoires. Il n'est pas rare, cependant, qu'aux plus hauts échelons, les atours et le gunbai souvent offerts au gyoji par des supporters. Certains les reçoivent même en legs de la part de gyoji qui montent dans la hiérarchie !

Le gyoji porte un kimono assez particulier, appelé « shozoku » ou encore « hiratare », qui a l'aspect des courtes robes que portaient les samurai durant l'ère Kamakura, et un couvre-chef de toile laqué, ou « eboshi », qui ressemble peu ou prou à une coiffure de prêtre shinto. Il tient un éventail de bois, le « gunbai ». le rang d'un gyoji est facilement visible en fonction du type et de la qualité des ornements qu'il porte. Pour les divisions jusqu'aux makushita inclus, le shozoku est en coton et descend jusqu'aux genoux. Des cocardes ornent ses habits et le gyoji est pied nus. Les gyoji de juryo et au-dessus portent des attributs de soie plus élégants et descendant jusqu'aux cheville, l'épaisseur de la soie variant en fonction de la saison. Pour les juryo, les cocardes sont vertes et blanches et le gyoji est chaussé de tabi (chaussettes à bout fendu). Après une promotion en makuuchi, les cocardes deviennent oranges et blanches. Lorsque le gyoji atteint les rangs des sanyaku, un nouveau changement est opéré, cette fois au profit de l'orange, le gyoji pouvant porter des tabi ou des sandales de corde à ses pieds. Le gyoji fuku-tate porte des cocardes violettes et blanches, le tate gyoji arborant pour sa part des cocardes violettes richement brodées.

Le gunbai, une sorte de lourd éventail de bois qui servait à l'origine aux généraux pour diriger leurs troupes, devient également de plus en plus magnifique à mesure que le rang est élevé, de simples éventail guerriers en bois pour commencer, avec peut-être quelques kanji dessinés, jusqu'à l'utilisation de bois précieux fabuleusement sculptés, parfois incrustés de métal. L'actuel tate gyoji, Kimura Shonosuke, possède un splendide gunbai de bois précieux, subtilement sculpté, appelé Kamakura-bori. Certains gunbai, comme celui de Kimura Shonosuke, peuvent se révéler plutôt lourds. Chaque gunbai est orné de glands aux couleurs assorties aux cocardes qu'il porte sur son kimono.

En ce qui concerne le terme même de gyoji, il vient du Zen, dans lequel « gyo » signifie devoirs, action ou conduite, et « ji », qui signifie application des règles. Donc, gyoji signifie « stricte conduite et observance des règles ». Le meilleur exemple en est la tradition qui impose le port, par le tate gyoji, d'une dague, qui montre qu'il est prêt à assumer la responsabilité ultime au prix de sa vie, s'il venait à se déshonorer sur le dohyo par un jugement erroné.

toonoryu
11/10/2005, 11h29
Petites illustrations issues de la même source pour agrémenter l'article :

http://www.sumofanmag.com/content/Issue_2/story_images/sumo101/Jonidan_Gyoji.jpg

http://www.sumofanmag.com/content/Issue_2/story_images/sumo101/Hisayuki180.jpg

http://www.sumofanmag.com/content/Issue_2/story_images/sumo101/Kamakura_Bori_and_dagger.jpg

Vous aurez remarqué la finesse des gravures sur le Kamakura-bori, ainsi que la présence de la fameuse dague servant à résoudre de façon ultime une erreur d'arbitrage...

Kaiowaka
11/10/2005, 14h30
Toonoryu, que te dire de plus que c'est splendide et très enrichissant tout celà ! Le merci devient un peu trop désuet avec toi, c'est un terme plus fort qu'il faudrait utiliser s'il existait ! :P