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Afficher la version complète : Quand les poids lourds gênaient le trafic



Hoshifransu
15/05/2005, 18h11
http://www.citc.com.au/files/Heavy%20Combination%20Truck.jpg

C'est avec cette métaphore du gros truck, que l'auteur de l'article de l'Honolulu Advertiser du 2 octobre 2004, a choisi de revenir sur la carrière de Musashimaru, présenté comme "le dernier sumotori" et la fin de la présence hawaiienne dans le sumo japonais.

http://the.honoluluadvertiser.com/article/2004/Oct/02/sp/sp15a.html

Le saviez-vous ?
- Un yokozuna retraîté reçoit une prime de 90 millions de yens ($810 000, je vous laisse le soin de la conversion dans vos monnaies respectives) de la part de la Kyokai, pour le mérite de ses services.
- Le statut de yokozuna permet de rejoindre une écurie en tant qu'ancien, comme coach, et percevoir un salaire pendant 5 ans, sans avoir à acheter une part, dans l'Association de sumo.

http://www.aloha-paradise.com/fuladoll-leilani-ukulele.jpg

Adieu, Hawaii ! :cry:

toonoryu
15/05/2005, 18h31
Excellent, Hoshi ! Je m'occupe dans la semaine de la traduction pour les non-anglophones...

Hoshifransu
15/05/2005, 22h56
Ce sera avec grand plaisir ! Mais prends ton temps quand même et profite du tournoi, avant toute chose. :wink:

toonoryu
17/05/2005, 08h53
Chose promise, chose due... vous me pardonnerez les libertés stylistiques car je l'ai fait dans la soiré (et aprèqs tout, on n'est pas là pour se prendre la tête...). Enjoy !




Le dernier sumotori



Le feu est au vert, et pourtant, le chauffeur d’un énorme poids-lourd ne bouge pas, même avec une file de véhicules derrière lui dans le Tokyo encombré de la fin de matinée.

Au lieu de cela, il enlève sa casquette grise et s’incline avec révérence vers l’homme en kimono flottant, et attend qu’il traverse la route.

Chez lui, à Hawaï, l’homme du carrefour, Fiamalu Penitani, aime à penser qu’il n’eut été « qu’un de ces garçons courant sur la plage ».

Mais au Japon, où il a conquis gloire et fortune sous le nom de Musashimaru, 67° Grand Champion du sumo, le sport multi-séculaire national, cet homme d’1,90m pour 250 kgs a fait s’arrêter les voitures et bien plus encore tout au long de ses quatorze années de carrière exceptionnelles.

Des inconnus le recherchent pour qu’il étreigne leurs jeunes enfants, en vertu de la vieille croyance selon laquelle la force et l’énergie des sumotori peut être transmise ainsi. Des passants s’arrêtent net, bouche bée, lorsqu’il apparaît devant eux.

Hier soir, dans ce même Ryogoku Kokugikan où il emporta la moitié de ses Coupes de l’Empereur, symboles du gain d’un tournoi, des dizaines de ses pairs et de ses sponsors se sont relayés pour couper le chignon traditionnel dans une cérémonie qui marque symboliquement la fin de la carrière de Musashimaru dans le sumo.

Au coup de ciseaux final, retransmis sur toutes les chaînes nationales, la retraite de Musashimaru, 33 ans, marque la fin de quatre décennies de sumotori hawaïens dans le sport des empereurs.

De plus en plus, les heyas se tournent vers l’Asie et l’Europe, particulièrement la Mongolie, pour compléter l’unique place que la NSK autorise désormais pour un étranger.

Cette lignée, commencée avec Jesse Kuhaulua en 1964 et prolongée par plus de 25 aspirants, trouve une fin notable avec le départ de Musashimaru.

« Ca va être triste », observe Kuhaulua, aujourd’hui entraîneur et propriétaire d’une écurie de sumo, et qui se trouve à moins de cinq ans de la retraite statutaire à 65 ans des Anciens. « Ca fait longtemps qu’on était là ».

Ayant vu, les unes après les autres, les retraites embuées de larmes de ses prédécesseurs en makuuchi, Konishiki, Yamato et Akebono, Musashimaru nous dit « Mon heure est venue, et ça va être comme ça aussi pour moi… des larmes. J’ai envie de pleurer. Le temps s’est si vite passé ».

De fait, pour ceux qui furent les premiers à apercevoir Musashimaru lorsqu’il était une jeune recrue combinant le football appris au lycée de Wai’anae avec ses premières peu orthodoxes de techniques de sumo, son ascension a été fulgurante, et la fin de sa carrière en novembre dernier après qu’il a disputé son dernier combat, presque soudaine par contraste.

Le jeu en valait la chandelle

Les Japonais ont un dicton pour définir ceux qui aspirent au plus haut grade dans le sumo : ils parlent d’ « accrocher la corde » (tsuanri ni chosen), allusion à la corde blanche portée par les yokozuna lors des cérémonies.

Mais à Nippori, quartier de l’est de Tokyo où Musashimaru a élu domicile depuis 1989, on a parfois eu l’impression que celui-ci accrochait les cieux, d’où il en délivrait la foudre. Car quand Musashimaru se donnait à fond lors des entraînements, le son de ses victimes rebondissant sur les murs de bois qui entourent l’aire d’entraînement pouvait être perçu à l’autre bout de la rue.

Quand il frappait la bille de bois ronde, semblable à un poteau téléphonique, située dans un coin du dohyo de terre battue, avec ses grandes mains moites, le choc pouvait être ressenti sur les portes coulissantes de l’autre côté du bâtiment.

C’est là qu’il peaufinait sa charge de mule et son énergie implacable qui surpassait tous ses adversaires lors des compétitions.

Au départ, Musashimaru, né dans les Samoa et arrivé à Hawaï alors qu’il n’est qu’un écolier, est vu comme une sorte de pari.

Son maître d’écurie, l’ancien yokozuna Wakanohana II, a connu des déboires avec des recrues étrangères et déclare qu’il accepte Musashimaru pour une période d’essai de trois mois. Mais peu après son arrivée, l’application de Musashimaru aux entraînements et sa force animale lui assurent rapidement sa place dans la heya et un avenir prometteur.

En plus de l’apprentissage technique, de la langue, de la nourriture et de la culture, Musashimaru déclare que la chose la plus difficile à laquelle il ait dû s’adapter est le port de la fine bande de tissu, la mawashi.

« J’avais honte », nous dit Musashimaru de ce costume révélateur. « Je ne voulais pas que tant de gens me voient autant. Je voulais juste me fondre dans la masse pour que personne ne me remarque ».

Avec la force animale dont il fait preuve, peu de chances que cela arrive. Il est même si puissant dans ses premières mêlées que beaucoup, parmi les initiés du sumo, pensent que s’il s’adapte au style de vie spartiate du sumo, il pourrait devenir le premier yokozuna, ou grand champion, étranger.

Abebono, né Chad Rowan, autre sumotori hawaïen arrivé un an avant lui, devance Musashimaru dans l’obtention de cette distinction. Mais Musashimaru battra Akebono d’un tournoi (12-11), dans le nombre de tournois remportés par un sumotori étranger.

Musashimaru se fait un nom

Ses sourcils épais et sa forte carrure qui le font ressembler à l’une des figures historiques les plus vénérées du Japon, Saigo Takamori (1827-1877), aident Musashimaru à emporter rapidement l’adhésion et une place dans les cœurs de beaucoup de fans avant même que sa carrière ne s’envole véritablement.

De fait, que cela soit lors de visites à Kagoshima sur l’île méridionale de Kyushu ou dans le parc voisin d’Ueno à Tokyo, les membres de fan-clubs de sumo se délectent à prendre des photographies de Musashimaru, qu’ils appèlent parfois « Saio-san », le comparant avec les statues grandeur nature du samouraï de légende.

Parfois, ils agacent Musashimaru, qui est d’origine samoane et clame ne pas voir de ressemblance du tout avec le personnage historique.

Mais Musashimaru est prompt à se faire rapidement un nom grâce à une ascension météorique dans le monde quasi féodal du sumo.

Il remporte 25 de ses 27 premiers combats et, un an et demi après son premier tournoi, s’est déjà assuré une place dans la division professionnelle des juryo, chose que moins d’un tiers des lutteurs réussissent à atteindre dans toute leur carrière.

Un effort titanesque

Ses amis d’Hawaï ont l’habitude de lui apporter toutes sortes de cadeaux de son île, mais l’un de ceux qu’il révère le plus, dit-il, sont des sacs de petits pois, que ses compagnons de heya regardent au début avec une curiosité teintée d’amusement.

« Mes épinards à moi », avance ce Popeye du sumo pour toute explication.

Difficile d’aller à l’encontre d’un homme titulaire du record de 55 tournois achevés avec plus de victoires que de défaites.

Entre novembre 1990 et janvier 2000, Musashimaru gagne la majeure partie de ses combats. Tout aussi impressionnant dans ce sport du sumo, dur et violent, où les lutteurs s’entrechoquent comme des mastodontes, est la série de 838 combats et 60 tournois consécutifs sans manquer un seul combat .

Mais au bout du compte, même le titan massif se révèle être humain.

La série victorieuse de Musashimaru, puis sa carrière, finissent par se briser par une série de blessures récurrentes au poignet gauche. Atteint pour la première fois en janvier 200, l’étau que constitue sa prise de mawashi s’en trouve affaiblie et sa puissance s’émousse.

Que faire après le sumo ?

On ne trouve pas beaucoup, dans les journaux japonais, d’offres d’emploi proposées à d’ex-sumotori ; par conséquent, que peut donc bien faire un ancien lutteur quand il est âgé de 33 ans et vient de prendre sa retraite du seul emploi qu’il ait jamais vraiment occupé ?

Musashimaru, comme beaucoup de jeunes recrues du sumo, est arrivé juste après le lycée (certains Japonais intègrent des heyas juste après le brevet des collèges) sans beacoup d’autres formations professionnelles.

Akebono a l’habitude d’en rire. « je crois que je pourrais rentrer à la maison et devenir le plus grand cuisinier ».

La cuisine étant une corvée traditionnellement réservée aux lutteurs de rang inférieur dans les heyas, elle a amené un bon nombre de reconversions. Mais, tout comme Akebono, Musashimaru s’est élevé si vite dans la hiérarchie supérieure qu’il se fait rapidement servir et n’aura jamais beaucoup à s’occuper de tâches cuisinières.

Leur statut d’anciens yokozuna, de toute manière, leur donne le droit d’intégrer l’Association Japonaise de Sumo comme anciens et entraîneurs et de toucher un salaire durant cinq ans sans avoir à acheter des parts dans l’association. Ces parts peuvent coûter bien au-delà d’un millions de dollars – quand on peut les acheter – et sont nécessaires si un ancien sumotori souhaite posséder une écurie, comme c’est le cas de Takamiyama.

Akebono est demeuré au sein de l’association durant trois ans avant d’accepter une proposition très lucrative pour rejoindre le circuit du K1. Konishiki est très actif dans le monde du spectacle et possède de nombreux restaurants.

Des renseignements laissent penser que Musashimaru devrait rester au sein de la Musashigawa beya comme entraîneur, pour aider à l’instruction des quelques trente lutteurs de la heya.

Musashimaru aurait reçu une somme de 90 millions de yens (environ 810.000 dollars au taux actuel) comme prime de retraite pour services rendus, de la part de la NSK, et devrait toucher sa part , estimée à plusieurs dizaines de milliers de dollars, de la cérémonie de retraite d’hier au soir.

Perdu sans son chignon

Au début, c’était une corvée quotidienne, ces cheveux tirés en arrière et peignés pour confectionner ce chignon du 17° siècle qu’arborent les sumotori.

Quand le coiffeur de la Musashigawa étirait et peignait ses cheveux pour atteindre le mètre quasiment nécessaire pour la confection, « ça faisait un mal de chien » se rappelle Musashimaru, levant les yeux au ciel au souvenir de la douleur. « Parfois, j’avais l’impression qu’ils m’arrachaient tout ».

Mais les séances quotidiennes de peignage et d’application de l’huile à l’odeur doucereuse deviennent vite une seconde nature pour Musashimaru, qui déclare aujourd’hui que son chignon, désormais coupé et devant bientôt être placé dans un écrin de verre en souvenir de sa carrière, va lui manquer.

Comme il le dit, « Sans lui, je vais me sentir tout nu ».

Hoshifransu
23/05/2005, 01h14
Remarquable. A chaque fois, j'ai l'impression de redécouvrir l'article. :wink:

Il faudra penser à compiler toutes tes traductions et trouver un moyen de les publier quelque part. :roll:

En tout cas, merci !!!