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Afficher la version complète : Les gaijin dans le sumo : état des lieux et perspectives



asakusa
04/12/2010, 12h38
C'est peu dire que le sumo - sport national s'il en fût - s'est ouvert à l'étranger au cours de la dernière décennie. Il sufit pour s'en convaincre de rappeler que la dernière victoire nippone dans un honbasho remonte à janvier 2006 (5 ans !), ou que les autochtones n'ont remporté que 12 des 60 tournois de la décennie qui s'achève. Un constat inimaginable à la fin de l'ère Showa, lorsque le règne de Chiyonofuji s'achevait par l'avènement des frères Hanada.

Je me suis livré à un état des lieux statistique sur le banzuke du Kyushu 2010 pour mieux objectiver l'ampleur de cette présence étrangère. Dans ce qui suit, je considère comme étranger les lutteurs naturalisés après leur arrivée au Japon (comme Kyokutenho par exemple). Je tire l'ensemble des informations présentées du site Sumo Reference.

De manière globale, seuls 55 des 686 lutteurs présents sur le banzuke sont de nationalité étrangère, soit 8% des sumotori. Concrètement, cela veut dire que les Japonais représentent toujours l'écrasante majorité des lutteurs (92%) et que cette situation n'est pas près de changer étant données la proportion considérée et les restrictions au recrutement d'allogènes imposées dans les heyas.

En fait, notre appréciation du poids des étrangers dans le sumo est biaisée par la surmédiatisation - bien naturelle - des résultats de la makuuchi. Or, c'est au sein de la division reine que les étrangers sont le plus présents. A peu de choses près, on peut même dire que plus on monte dans la hiérarchie, plus les étrangers sont nombreux :
- makuuchi : 48% (20 lutteurs)
- juryo : 11% (3 lutteurs)
- makushita : 16% (19 lutteurs)
- sandanme : 6% (11 lutteurs)
- jonidan : 0% (1 lutteur)
- jonokuchi : 2%(1 lutteur)
Au sein même de la makuuchi, les gaijin forment l'essentiel de "l'élite" du sumo (7 sanyaku sur 9, soit 78% !)

Les étrangers sont donc très peu nombreux dans le sumo, mais ils monopolisent les premières places (36% des étrangers du banzuke sont classés en makuuchi). Les raisons de cette prééminence ont été maintes fois débattues et mon objectif n'est pas de relancer ici le débat.

Mais on peut interpréter ces chiffres de manière légèrement différente et estimer que la relève des gaijin est rien moins qu'assurée. Le "fond du banzuke" compte en effet très peu d'étrangers (moins de 3% au total dans les divisions jonokuchi à sandanme) Si on considère que les minarai d'aujourd'hui sont les sekitori de demain, on peut imaginer qu'à moyen terme la part des Japonais dans le "sommet de banzuke" devrait mécaniquement remonter. Ce qui n'empêchera pas un gaijin d'exception, Mongol, Slave ou bien d'ailleurs, d'écraser tout sur son passage à l'instar d'Asashoryu et Hakuho !

Je termine avec une répartition géographique des étrangers. Les 55 sumotori gaijin viennent de :
- Mongolie : 33
- Chine : 6
- Georgie : 3
- Russie : 3
- Bulgarie : 2
- Corée : 2
- Brésil : 2
- Estonie : 1
- Rép. Tchèque : 1
- Hongrie : 1
- Kazakhstan : 1

On constate vraiment un "phénomène mongol" puisque les émules de Kyokushuzan constituent 60% du contingent étranger ; à eux seuls ils occupent 29% de la makuuchi ! On s'aperçoit également de la discrète montée en puissance de la Chine, qui représente la deuxième colonie avec 6 lutteurs. La légion est-Européenne est forte et variée. Sur le continent américain, les USA ont complètement disparus tandis qu'émerge le Brésil. Pas de lutteur ouest-Européen, et toujours pas d'Africain.

Voili voilou. J'espère que ces quelques informations vont susciter des échanges.

Tadanobu
04/12/2010, 13h16
Il y a beaucoup moins d'étranger dans les minarai... Parce qu'ils ne restent pas bloqués dans ces divisions et "montent" en flèche en divisions salariées, c'est aussi simple que ça.

La moyenne d'age des étrangers est pas si élevée dans les divisions salariées, je pense qu'elle est moins élevée que celle des japonais.

En conséquence, je pense qu'il ne faut pas se poser de questions sur la relève des étrangers... ceux qui n'ont pas encore fait leur mae-zumo seront sekitori avant la plupart des japonais luttant déjà depuis 2 ou 3 ans.

Quel est le "moyen terme" ou tu vois un creux possible ? J'avoue ne pas avoir fait d'étude précise du sujet, mais je ne vois pas de "creux" possible dans les 2 ou 3 prochaines années (court terme pour moi), et vu que c'est la vitesse à laquelle beaucoup de gaijin se retrouvent en zone de promotion, le moyen terme est également peinard.
Les Japonais ne restent pas en makushita parce qu'ils sont jeunes... mais parce qu'ils ne sont pas assez forts. Il faut également dire qu'il y a des étrangers qui restent minarai toute leur carrière, mais ça reste rare.

gotonin
04/12/2010, 15h07
Il ne faut pas oublier que les places pour les étrangers sont chères (vu qu'elles sont limitées) alors c'est normal d'en trouver peu en bas. Car les étrangers sont très vite en haut du tableau. 1 qui part, 1 le remplace et montera très vite, etc.

liclic
04/12/2010, 19h43
Je pense aussi que les non japonais qui intègrent une heya sont généralement bien plus rompu aux sports de combat que ne le sont les japonais à leur intégration. En Europe de l'Est, c'est surtout les luttes libres et gréco-romaines qui dominent et en plus elles ne sont pas professionnelles ! Le sumo est ce qu'il y a de plus proche il me semble. Pour la Mongolie et la Chine, il y a aussi des types de luttes spécifiques. Il me semble que bien des rikishi mongols ont d'abord commencé .par la lutte mongole et probablement le constat est le même pour les chinois avec leurs nombreux sports de combat et de lutte. Je demanderai à mes collègues chinois lundi plus de précisions là-dessus.

Avec beaucoup de bagage en termes de luttes (diverses et variées) il n'y a pas photos. Si déjà, jeune, tu es bon en lutte et qu'en plus tu as l'avantage de combattre contre des rikishi qui ne font que commencer ou qui ne sont pas de grands sportifs... les japonais et le système sumoïstique japonais ne peut pas lutter dans la même catégorie si je puis m'exprimer ainsi.

toonoryu
04/12/2010, 20h28
Il est illusoire et trompeur de comparer le parcours de la plupart des gaijin, peu noçmbreux en raison du quota d'un étranger par heya, et donc nécessairement choisis avec soin (même s'il y a des échecs aussi) avec celui du jeune Japonais moyen qui intègre le sumo au terme de ses études au collège. Si l'on veut véritablement faire un comparatif de parcours, d'âge et d'expérience, il faudrait comparer les gaijin avec les universitaires nippons qui font le choix de l'Ozumo (qu'ils soient gakusei yokozune ou non, d'ailleurs). Là, déjà, les choses s'équilibrent, et objectivement, le choix des gaijin se faisant de manière très sélectionnée, dans des pays du monde entier (mis à part la Polynésie, pour ainsi dire boycottée pour des raisons historiques) et qui généralement son suffisamment pauvres pour produire des "morts de faim" (Mongolie, Géorgie), au final la présence japonaise n'est pas si ridicule si l'on renverse le point de vue (même si compte-tenu de la place du sumo dans le système éducatif, on serait en droit d'en espérer plus, mais le sumo a perdu beaucoup de son aura et de sa place dans le coeur des Japonais).

Tadanobu
04/12/2010, 21h34
Bon, je vais regarder un peu quelques chiffres :) Les chiffres suivants ne concernent que les lutteurs étrangers (comprendre: né hors Japon) EN ACTIVITE, et ne tiennent pas en compte les étrangers ayant abandonné.

La moyenne d'age des étrangers est de 25 ans.
Il n'y a que 4 trentenaires dans les étrangers, Kyokutenho, Kasugao, Tokitenku, et Taika.

Les lutteurs sont nés majoritairement en 83 (14 lutteurs) , 84 (10 lutteurs) et 86 (7 lutteurs).

Si l'on note 1986 comme l'année de naissance "normale" pour un japonais universitaire rejoignant l'ozumo cette année, il faut noter que le tiers des étrangers est né en 86 ou après.

En moyenne, les étrangers font leur début en ozumo l'année de leurs 18 ans, quelques lutteurs à 16 ans à peine (Kasugao, Koryu, Hakuo, Koryu...), quelques uns à 23 ans (type Aran, Aoiyama, Tokitenku)... ca fait une moyenne.

Heu... Quoi d'autre... l'année moyenne de début est en 2003. Ce qui est finalement logique au vu des notes précédentes.

Bon, j'avoue ne pas être assez performant en statistiques pour regarder l'ensemble des lutteurs, mais ça donne déjà quelque grains à moudre.

skydiver
04/12/2010, 21h34
Concernant les lutteurs Chinois, une émission de la télévision japonaise expliquait, au début de cette année, qu'ils ont pratiqué le shuaijio (lutte locale) avant de se lancer dans le sumô. Avantage semble-t-il indéniable, comme pour les européens avec les luttes traditionnelles.

Asafan
05/12/2010, 08h58
Les Japonais aussi ont l'occasion de pratiquer toutes sortes de luttes. La principale étant le judo, tout de même assez proche du sumo, qu'ils doivent certainement pratiquer depuis leur plus jeune âge.

Certains Mongols n'ont pas pratiqué la lutte mongole avant d'entrer dans le sumo. Ils ont été choisis pour leurs qualités physiques et leur grande envie, et non pour leur expérience de la lutte.

Je pense qu'il serait erroné de ne voir la domination des gaijin qu'à cause de leur expérience de la lutte. Comme le disait Toon, leurs conditions de vie plus difficiles les a endurcis et leur donne la motivation qui manque parfois aux jeunes japonais qui entrent dans le sumo plus pour faire plaisir à papa que par réelle envie. Il faudrait connaître leurs différents parcours, mais je suis quasi certaine qu'il y a plus d'origines modestes parmi les ténors japonais du sumo que d'enfants gâtés (si l'on excepte évidemment les fils de rikishi).

Konosato
05/12/2010, 14h38
Pour nous européens il est difficile de reconnaître un mongole ou un coréen d’un japonais, c’est d’ailleurs la même chose pour un nippon de différencier un français ou un anglais d’un américain. Je veux dire par là que dans notre subconscient d’homme blanc, tout ce qui a des yeux bridés c’est du pareil au même. C’est sûrement pour cette raison et aussi parce que je suis très accro du Sumô que j’ai remarqué que je ne faisais pratiquement aucune différence de nationalité entre japonais et autres asiatiques, car pour moi avant tout c’est pour le SUMÔ et non le pays d’origine des protagonistes à qui je prête la plus grande attention. Quand je vois Hakuho je ne pense pas un seul instant en premier lieu à la Mongolie , mais au Sumô. Même les européens sont sans que je pense spécialement un seul moment à leur couleur de peau, intégrés dans tout ce monde Sumoïstique. A part les plus connus, je ne saurais dire à brûle pourpoint le nom de tous les lutteurs mongoles de la division Makuuchi..Je dois avouer qu’il y a eu une exception pour moi, ce fût Asaschoryu. Car on nous a rabaché et rerabaché des centaines de fois ses origines mongoles , ses voyages et ses frasques en Mongolie que ne pouvais pas m’empêcher de penser en premier lieu à ce pays en le voyant ou en lisant son nom.

Charliki
05/12/2010, 20h48
c’est pour le SUMÔ et non le pays d’origine des protagonistes à qui je prête la plus grande attention. Quand je vois Hakuho je ne pense pas un seul instant en premier lieu à la Mongolie , mais au Sumô. Même les européens sont sans que je pense spécialement un seul moment à leur couleur de peau, intégrés dans tout ce monde Sumoïstique.

Je suis d'accord. C'est pareil pour moi.

skydiver
05/12/2010, 22h24
En fait, rares sont les rikishi Japonais ayant derrière eux une longue pratique du jûdô, seule forme de "lutte" locale se rapprochant du sumô. Je n'en vois pas d'autre.

Satori
06/12/2010, 13h58
C'est juste. Je pense qu'une bonne partie des lutteurs japonais ont fait du Sumo, point.

Et le problème du Sumo, c'est son histoire. Le Sumo n'est pas à proprement parler un art martial, ce n'est pas une discipline sophistiquée comme le sont la plupart des arts martiaux japonais, c'est une discipline populaire, simple.

Les arts martiaux ont évolué dans la sophistication soit par obligation (par exemple, les okinawaiens envahis devant résister à l'envahisseur et par conséquent extraire les techniques les plus efficaces d'un ensemble de disciplines bien plus vastes), soit par souci de préservation de la tradition guerrière (par exemple, les samourai n'ayant plus rien d'autre à faire de leur temps, le Japon unifié, que bosser leurs bases pour les préserver).

Au contraire, le Sumo a toujours été une discipline simple, populaire, basée sur la répétition à l'infini d'exercices basiques et d'interactions, l'imitation et le simple renforcement musculaire et cardiaque, basé sur un ensemble de techniques restreint qu'on restreint encore plus selon le physique du lutteur. Il n'y a ainsi que les meilleurs, les plus pugnaces qui parviennent à s'extraire du lot, à force, mais ça peut prendre vraiment du temps. On ne leur explique rien.

Beaucoup de disciplines de lutte, de combat, et en particulier la lutte mongole sont plus riches, plus variées, plus sophistiquées. Je pense que ce facteur là joue aussi beaucoup dans la différence qu'on constate entre un japonais s'étant formé au Sumo uniquement, et des lutteurs ayant eu une formation plus riche. Du jour où certains lutteurs japonais se sont mis à rationaliser leur entrainement, comme Kirishima, ils se sont d'un coup réellement détaché en avant du peloton. Je pense qu'on a un phénomène identique à l'heure actuelle, et je pense que tant que la formation des lutteurs au sein des heyas n'évoluera pas vers une plus grande sophistication, les japonais resteront en retard.

Je pense aussi à l'instar de Toon que la raison essentielle de la prédominance des étrangers dans le Sumo vient du fait qu'il n'y a qu'un étranger par heya, et que ceux qui sont choisis sont donc la crème de la crème, les meilleurs potentiels ou ceux qui ont déjà fait leur preuves dans un autre système, ceci à un niveau national voire continental. Mécaniquement, ils sont donc statistiquement bien plus forts qu'une recrue japonaise moyenne.

Enfin quant à la nationalité, je pense qu'il ne faut pas oublier que le Sumo c'est le Shinto, et que le Shinto est une religion nationale, basée sur le mythe fondateur du Japon. La question de la nationalité, si elle peut ne pas être évidente pour nous occidentaux, me parait essentielle dans les yeux d'un japonais.

Désolé pour le style un peu télégraphique, j'ai peu de temps. N'hésitez pas à me demander de préciser telle ou telle pensée, s'il y a lieu, je répondrai un peu plus tard.

Satori

skydiver
06/12/2010, 14h15
Analyses pertinentes, particulièrement celle évoquant la prédominance des étrangers. Potentiels plus facilement détectés et candidats poussés arrivant logiquement vers les hautes sphères.

Zarak
06/12/2010, 20h05
Mais est-ce que la force des gaijins ne viendrait pas plutôt d'une façon différente de s'entraîner? Quand on voit le système japonais, l'élève regarde ses aînés, puis il essaie de mettre en pratique... Le Maître trône sans rien apprendre personnellement à ses élèves la plupart du temps... C'est peut-être une bonne technique pour des Japonais, mais elle ne satisfait pas les gaijins. Nous, nous attendons de nos maîtres qu'ils s'impliquent personnellement dans notre parcours, nous avons des sparing-partners personnels, nous avons des entraîneurs qui ne s'occupent que de nous... Nombre d'étrangers ont leur propres entraîneurs quand ils ne sont pas à la heya... Dans ces conditions, comment s'étonner aussi qu'ils progressent plus vite que leurs condisciples japonais?

Asafan
06/12/2010, 20h23
Faudrait-il en conclure que si les Japonais veulent regagner les rangs les plus prestigieux du sumo, ils doivent soit en interdire l'accès à tous les étrangers, ce qui ne me choquerait pas du tout, je m'empresse de le dire, car c'est tout de même LEUR lutte traditionnelle, mais ce qui serait tout de même un aveu d'impuissance, soit élever le niveau de leurs critères de sélection et n'accepter que les jeunes Japonais qui auront un background en judo ou dans une autre forme de lutte ?

Sinon, je ne vois pas ce que la lutte mongole a de plus sophistiqué que le sumo. Faudra que tu m'expliques, Sat'.

Je rappelle également que personne ne voulait de Hakuho. Si Kyokushuzan ne s'était pas soûlé avec son oyakata, la crevette Hakuho ne serait jamais entrée dans ce monde-là. Donc, la crème de la crème des gaijin, ça ne le concernait pas vraiment. A moins que l'on considère que l'hérédité est prédominante. Si c'était le cas, on aurait eu tous les frères d'Asashoryu dans le sumo :wink:

gotonin
06/12/2010, 21h16
Tiens en parlant de ça, quelqu'un à une photo d'Hakuho jeune (d'avant)?

Satori
06/12/2010, 22h21
Faudrait-il en conclure que si les Japonais veulent regagner les rangs les plus prestigieux du sumo, ils doivent soit en interdire l'accès à tous les étrangers, ce qui ne me choquerait pas du tout, je m'empresse de le dire, car c'est tout de même LEUR lutte traditionnelle, mais ce qui serait tout de même un aveu d'impuissance, soit élever le niveau de leurs critères de sélection et n'accepter que les jeunes Japonais qui auront un background en judo ou dans une autre forme de lutte ?
Je ne vois pas bien où tu prends ce raccourci. Mon propos en tous cas est de dire que les heya doivent modifier, adapter et enrichir leur entrainement, comme certains anciens avaient commencé à le faire. C'est mon point de vue et il est de plus en plus ferme.

J'en ai de plus en plus la conviction à travers ma pratique, mon parcours dans les arts martiaux et les autres formes de pratiques que j'observe autour de moi, en Sumo ou ailleurs. Par exemple, je connais une méthode rationalisée d'apprentissage des bases de la stabilité, des positions et des déplacements. J'ai pratiqué le Karate mais notre professeur a été chercher cette méthode dans le Tai Chi. Je trouve extraordinaire de ne pas retrouver cette méthode comme base de toute pratique du Sumo. On peut gagner des années et d'énormes avantages rien qu'en apprenant ces bases. Mais je ne le vois pas enseigné. Personnellement je trouve ça bizarre, ça devrait être déjà fait.

En Sumo dans les heya on apprend à la dure, par la répétition, mais de manière un peu simple. "Regarde, essaie, endure et sors toi les doigts". Les élèves doivent pratiquement tout réinventer à chaque fois. Je considère que cette méthode a ses limites, surtout si tu n'as pas 20 ans pour tout apprendre et devenir bon. C'est sûr que si tu traverses ce pare feu et que tu gagnes, tu es un type exceptionnel... mais que de déchets et de perte de temps.

Je pense que les japonais auraient beaucoup à gagner à s'écarter un peu de leur entrainement traditionnel pour regarder et prendre ailleurs. Un bon nombre de disciplines y ont gagné, surtout par le passé. Kirishima a montré la voie, d'une certaine manière.

Je pense de toute manière que ça se fera, tôt ou tard, de manière mécanique : à force de prendre des baffes, ou parce qu'on est moins fort que les autres, on réfléchit et on se demande comment reconquérir un avantage. Je pense que tôt ou tard un prof de heya fera ce constat et se demandera comment améliorer le truc. Ca n'est qu'une question de temps.

Quant à interdire l'accès aux étrangers, je pense que je ne suis pas visé par ce commentaire. Je n'ai jamais exprimé une telle idée, et je trouverais même ça franchement dommage. A mon avis, les japonais et le Sumo ont tout intérêt à se mettre un peu en danger, justement pour éviter la sclérose...


Sinon, je ne vois pas ce que la lutte mongole a de plus sophistiqué que le sumo. Faudra que tu m'expliques, Sat'.
Encore une fois, c'est mécanique. Les conditions de combat et de victoire de la lutte mongole font qu'il y a beaucoup plus de latitude quant aux techniques utilisées, parce qu'il est beaucoup moins simple de l'emporter. Il n'y a pas de limite ni de temps, ni d'espace, il s'agit grosso modo d'envoyer au sol l'adversaire, l'obliger à un appui significatif (coude, genou, dos, ...).

Un lutteur hyper lourd n'aura donc a priori que peu d'avantage, voire plutôt un désavantage parce qu'il devra lutter contre sa propre masse du point de vue de la résistance.

Vu qu'il n'y a aucune limite de temps et d'espace, la plage tactique, les qualités d'improvisation et la technicité deviennent essentielles. On ne retrouve ces nécessités en Sumo que chez les lutteurs les plus légers. En lutte mongole, c'est un prérequis obligatoire.

Donc pour moi les lutteurs mongols ont beaucoup plus d'expérience, en moyenne, dans la tactique, l'improvisation, la mécanique corporelle et une bien meilleure technicité. Et ils savent avant tout rester debout quoi qu'il arrive. Ce sont des avantages essentiels en Sumo.

C'est ça qu'on a retrouvé, brut de fonderie, chez Asashoryu et ce qui, d'après moi, l'a propulsé au sommet. Les japonais ne savaient rien faire face à ce lutteur hyper technique et toujours en train de transformer le combat pour trouver la faille, improviser. Ils se faisaient dévorer tout cru, engoncés dans leurs routines relativement limitées. Je parle surtout du Asashoryu pré Yokozuna, après ça on lui a demandé (reproché?) et il a appris à devenir un lutteur de Sumo "classique", bien (plus) sage. Et moins sympa à regarder, enfin pour moi du moins.

Voilà pour la "sophistication" de la lutte mongole vis à vis du Sumo.

Tout ceci dit, je me sens obligé de dire que malgré ces arguments en faveur de la lutte mongole, je préfère toujours regarder du Sumo que de la lutte mongole, même si j'ai pour cette dernière un véritable respect. J'aime cette limite d'espace. Elle permet à des morphologies et des styles très différents de coexister à des niveaux d'efficacité équivalents, et renforce la tension, l'obligation de perfection. Tu ne peux pas te permettre le moindre instant de faiblesse, sinon tu es déjà dehors, ou par terre, même si tu es le meilleur du monde.

C'est cet état de corde raide permanente que j'aime le plus dans le Sumo. C'est un tout petit peu moins vrai en lutte mongole, je trouve, où l'option de se dégager d'un mauvais pas en reculant existe pratiquement toujours.

Satori

Zarak
06/12/2010, 22h49
Finalement, c'est peut-être ça le problème des Japonais, Asa : le manque de discernement... Et sans aller jusqu'à n'accepter que des jeunes ayant déjà pratiqué une forme de lutte, ils feraient quand même bien de mieux sélectionner leurs disciples. C'est quand même assez navrant de voir des jeunes qui se lancent dans le sumo et s'arrête après un ou deux bashos... Ce n'est pas en si peu de temps que l'on peut présumer si l'on possède ou non les qualités voulues, on aurait plutôt envie de dire que ceux qui se laissent décourager aussi vite n'avaient vraiment pas beaucoup de motivation... Je me trompe?

asakusa
06/12/2010, 22h52
Merci à toi Satori pour ces développements diablement intéressants.
Je suis moi aussi frappé par la rusticité des conditions d'entraînement dans les heyas (une seule aire de combat assez étroite, quelques haltères antédiluviennes, pas de suivi médical rapproché...) et surtout par l'absence quasi-totale d'évolution en la matière depuis des décennies, alors que tous les sports sont passés l'un après l'autre dans l'ère de la rationalisation.
L'oyakata qui aura la lucidité et le courage de briser la routine et d'imposer des méthodes "modernes" produira de sekitori à la pelle (ou peu s'en faut...)

Satori
06/12/2010, 23h25
Merci à toi Satori pour ces développements diablement intéressants.
Je suis moi aussi frappé par la rusticité des conditions d'entraînement dans les heyas (une seule aire de combat assez étroite, quelques haltères antédiluviennes, pas de suivi médical rapproché...) et surtout par l'absence quasi-totale d'évolution en la matière depuis des décennies, alors que tous les sports sont passés l'un après l'autre dans l'ère de la rationalisation.
L'oyakata qui aura la lucidité et le courage de briser la routine et d'imposer des méthodes "modernes" produira de sekitori à la pelle (ou peu s'en faut...)
C'est gentil. :) Mais je n'irai pas non plus forcément jusque là. Je suis convaincu de l'avantage que procurerait une certaine dose de rationalisation des entrainements, l'ouverture à certaines techniques, certaines méthodes, mais ça ne suffit pas. Comme ça a déjà été souligné il faut aussi deux autres choses au moins pour fabriquer des champions : de la matière (des talents, physique et intellect réunis) et la volonté farouche de se faire mal de la part des jeunes. L'expression "Mort de faim" convient parfaitement.

Or dans la société moderne et les pays disons "confortables", la tendance est plus à la playstation, au téléphone portable et aux plats surgelés qu'aux 20 bornes par jour pour rejoindre l'école, disons. Le goût de l'effort a passé et aujourd'hui, on t'apprend que même un blaireau a une chance de devenir une star en poussant des petits cris distordus dans un micro. Alors pourquoi se faire ch..., le message est que ça te tombe tout cuit. Comparativement, une vie cloisonnée à prendre des baffes parait difficilement attractive.

Bref, même si un professeur se décide à tout casser, comprend ce qu'il faut faire et l'applique, je doute qu'il se mette brutalement a fabriquer à la chaine des bêtes de combats. Il lui faudra pas mal de chance aussi et ça sera pas mal s'il "produit" quelques lutteurs intéressants. A partir de là on verra peut être un effet d'entrainement. Peut être.

La résistance est lourde dans le Sumo. Ils ont même fini par trouver une excuse pour virer l'un des meilleurs combattants qu'ils ont jamais eu simplement parce qu'il n'entrait pas bien dans le cadre de leur photo de famille, alors... Les polynésiens ont été tout aussi viré de leur sélections, pour des raisons identiques. C'est tellement stupide, et un tel gâchis... M'enfin remplacer les polynésiens par des mongols, je ne suis pas certain qu'ils aient percuté qu'ils n'y ont pas forcément gagné au change. Enfin bref. De mon coté, j'espère donc un changement mais je n'attends aucun miracle.

Satori

X-Philohana
07/12/2010, 01h54
Je pense aussi à l'instar de Toon que la raison essentielle de la prédominance des étrangers dans le Sumo vient du fait qu'il n'y a qu'un étranger par heya, et que ceux qui sont choisis sont donc la crème de la crème, les meilleurs potentiels ou ceux qui ont déjà fait leur preuves dans un autre système, ceci à un niveau national voire continental. Mécaniquement, ils sont donc statistiquement bien plus forts qu'une recrue japonaise moyenne.Moui... C'est un argument qui justifie bien le fait qu'ils sont sur-représentés dans les hautes sphères, en effet, ou sous-représentés dans les plus basses divisions. Mais c'est un argument qui se justifie "inter-gaijin", ou leur classement moyen plus élevé. Ca ne justifie pas une prédominance de la crème gaijin sur la crème japonaise. Car les meilleurs lutteurs japonais, ceux qui ont le meilleur potentiel etc, sont également présents dans les heya...

Asafan
07/12/2010, 07h21
Faudrait-il en conclure que si les Japonais veulent regagner les rangs les plus prestigieux du sumo, ils doivent soit en interdire l'accès à tous les étrangers, ce qui ne me choquerait pas du tout, je m'empresse de le dire, car c'est tout de même LEUR lutte traditionnelle, mais ce qui serait tout de même un aveu d'impuissance, soit élever le niveau de leurs critères de sélection et n'accepter que les jeunes Japonais qui auront un background en judo ou dans une autre forme de lutte ?
Je ne vois pas bien où tu prends ce raccourci. Mon propos en tous cas est de dire que les heya doivent modifier, adapter et enrichir leur entrainement, comme certains anciens avaient commencé à le faire. C'est mon point de vue et il est de plus en plus ferme.[...]Quant à interdire l'accès aux étrangers, je pense que je ne suis pas visé par ce commentaire. Je n'ai jamais exprimé une telle idée, et je trouverais même ça franchement dommage. A mon avis, les japonais et le Sumo ont tout intérêt à se mettre un peu en danger, justement pour éviter la sclérose...
Non, non, rassure-toi, je n'ai rien tiré de ton post. Ce sont mes pauvres petites conclusions personnelles. J'essayais simplement de voir comment les Japonais pourraient mettre à mal cette suprématie des gaijin et retrouver leur lustre d'antan. Mes deux solutions sont ce qu'elles sont, peut-être un peu radicales, mais ce sont des solutions possibles. Il y a un élément nouveau que tu rajoutes, et qui est évidemment très intéressant, c'est de revoir leur entraînement, de l'ouvrir et de le moderniser. Mais les gaijin dans le sumo ont exactement le même entraînement que les Japonais. Donc pour moi ce n'est pas encore une façon d'expliquer la suprématie des gaijin ni d'inverser la tendance puisque les gaijin bénéficieraient eux aussi de cette modernisation de l'entraînement.


Sinon, je ne vois pas ce que la lutte mongole a de plus sophistiqué que le sumo. Faudra que tu m'expliques, Sat'.

Encore une fois, c'est mécanique. Les conditions de combat et de victoire de la lutte mongole font qu'il y a beaucoup plus de latitude quant aux techniques utilisées, parce qu'il est beaucoup moins simple de l'emporter. Il n'y a pas de limite ni de temps, ni d'espace, il s'agit grosso modo d'envoyer au sol l'adversaire, l'obliger à un appui significatif (coude, genou, dos, ...).
Y a-t-il une limite de temps dans le sumo ? Alors ça je l'ignorais. Je pensais simplement que les combats de sumo étaient plus courts parce qu'il y avait cette limite de l'espace, justement.


Tout ceci dit, je me sens obligé de dire que malgré ces arguments en faveur de la lutte mongole, je préfère toujours regarder du Sumo que de la lutte mongole, même si j'ai pour cette dernière un véritable respect. J'aime cette limite d'espace. Elle permet à des morphologies et des styles très différents de coexister à des niveaux d'efficacité équivalents, et renforce la tension, l'obligation de perfection. Tu ne peux pas te permettre le moindre instant de faiblesse, sinon tu es déjà dehors, ou par terre, même si tu es le meilleur du monde.

C'est cet état de corde raide permanente que j'aime le plus dans le Sumo. C'est un tout petit peu moins vrai en lutte mongole, je trouve, où l'option de se dégager d'un mauvais pas en reculant existe pratiquement toujours.
Moi aussi je préfère le sumo à la lutte mongole, pour les mêmes raisons que toi. Principalement à cause de la limite de l'espace. Et en plus il y a aussi une bête question de visibilité. Les lutteurs de bökh commencent tous ensemble et on ne sait jamais où regarder. Je me souviens qu'au Naadam, j'entendais soudain les cris de la foule, je me disais "ah, là, il se passe quelque chose d'intéressant, mais où?" Et quand enfin je trouvais les deux lutteurs qui avaient eu une passe décisive, je voyais l'un des deux exécuter le devekh, la danse de l'aigle, qui indiquait le vainqueur. Ca ne devenait vraiment lisible que vers les quarts de finale, en tout cas pour une novice comme moi. Evidemment si on arrive à repérer des lutteurs qu'on connait, on ne suit que ceux-là, c'est plus facile. Mais moi je n'en connaissais qu'un que j'arrivais vaguement à repérer parmi les autres : Sumiyabazar, le frère d'Asashoryu.

Tadanobu
07/12/2010, 09h31
L'ozumo est à mes yeux avant tout une activité culturelle, avant d'être sportive, et perpétue tout un artisanat traditionnel, autant dans l'objet que dans la méthode de fabrication.

Il serait plus efficace de coudre à la machine les kesho-mawashi, d'utiliser une commande numérique pour fabriquer les hyoshi-gi, plus facile d'arbitrer en coupant les cheveux des lutteurs. Tout ceci améliorerait objectivement la prestation finale en créant un sport plus efficace.

Les lutteurs sont la matière première, l'oyakata est l'artisan, la méthode de fabrication en soi est plus importante que le produit fini. On peut blamer l'artisan, ou la matière première, ce sont des données "variables" dans l'équation.

Après, chacun peut penser que l'enseignement des Dix-Huit Positions Célestes du Grand Gourou Skippy serait bénéfique à l'ozumô... Mais personellement, je ne suis pas trop gêné si les lutteurs de sumo font du sumo et les karateka font du karate.

Pour autant, je ne pense pas être rétrograde ou plus réactionnaire que nécessaire: si les étrangers sont meilleurs "sportivement" dans le sumo actuel, celà signifie juste que la matière première est meilleure, ou mieux adaptée aux artisans actuels, dans l'échelle de temps actuelle.

Après, pour le sumo "sportif", chacun est libre de s'organiser comme il veut, de s'enrtainer dans la structure qu'il veut, d'utiliser l'enseignement qui lui plaît, d'organiser une rencontre sur un dohyo carré "pour voir"... tant que les valeurs convoyées sont celles du sport, tout va bien.

Fuseigou
07/12/2010, 09h33
Le fonds du débat est finalement toujours le même... Doit-on aujourd'hui considérer le sumo principalement comme une pratique sportive, auquel cas il apparaît surprenant de ne pas faire évoluer plus vite les méthodes d'entrainement (cf. Satori), ou alors le sumo est-il bien encore un équilibre entre sport et tradition et sa pratique ne peut être appréhendée qu'avec sa part d'héritage, même si elle présente des limites du point de vue sportif... A priori, les rares exemples d'évolution des pratiques d'entrainement (Kirishima et autres lutteurs) sont venus des rikishis et non des structures les accueillant. Aujourd'hui, le choix semble avoir été fait, le système ne se révolutionne pas de l'intérieur, l'organisation privilégie l'équilibre entre pratique sportive, tradition et rituels. C'est ainsi...

sumofr
07/12/2010, 12h22
Le système ne se révolutionne pas de l'intérieur, et effectivement, c'est probablement là le problème.
Il ne faut pas oublier que TOUS les oyakatas, qu'ils soient entraîneurs ou patrons de heya, sont des anciens lutteurs qui ont subi la formation interne traditionnelle sans avoir eu la possibilité ou la volonté de voir d'autres techniques d'apprentissage durant leur vie de lutteur ou même après. Chiyonofuji et Kirishima font figure d'extra-terrestre dans ce monde. Si les anciens ne se sont pas intéressé d'eux-même à autre chose à l'extérieur du monde du sumô, ils répétent à l'envie les mêmes choix que leurs ainés et le système s'ankylose tranquillement jusqu'à ce qu'un étranger au monde du sumô arrive avec des techniques aprises en dehors. Si cet étranger a une chance de devenir oyakata, peut être pourra-t-il aussi changer le système de l'intérieur... En attendant, c'est le règne du conformisme traditionnel...

Satori
07/12/2010, 15h02
L'ozumo est à mes yeux avant tout une activité culturelle, avant d'être sportive, et perpétue tout un artisanat traditionnel, autant dans l'objet que dans la méthode de fabrication.
(...)
Mais personellement, je ne suis pas trop gêné si les lutteurs de sumo font du sumo et les karateka font du karate.
Je suis sensible à cet argument, même si j'en ai en même temps très peur. Potentiellement, les dérives sont assez sérieuses. Comme tu le soulignes en t'en dédouanant, c'est le premier pas vers la sclérose, voire les "chacun chez soi et les cochons seront bien gardés". J'avoue que j'aime pas bien... Bref. Quoi qu'il en soit, je suis moi aussi sensible à la préservation de la tradition dans le Sumo.

Malgré cela, je ne pense pas que ça interdise l'évolution, bien au contraire. Entre le 17ème siècle et nos jours, les arts du sabre japonais ont évolué, se sont développés et infiniment raffinés justement dans l'esprit initial de préserver la tradition. Plusieurs disciplines ont même été créées à partir de cet ensemble de techniques guerrières brutes. L'origine du karate est comparable. Mais donc, quand on trouve un raffinement, une amélioration, un perfectionnement du geste, de la méthode, doit on se l'interdire? Je ne le pense pas. Il n'y a qu'en Sumo, dans les arts du combats, que je vois une telle résistance à l'évolution.

Et c'est là mon deuxième point : je ne vois pas le Sumo comme une discipline purement sportive, et je voudrais que cette confusion et ce mélange soient évités. A mes yeux en tous cas, le Sumo est une discipline de combat, un art du combat, conventionné certes mais un art de combat. Ca n'a rien à voir avec un simple sport (même si certain lutteurs ne font plus la différence, probablement, mais c'est un autre débat).

Pour moi, les notions de vie et de mort, d'engagement absolu dans le combat, sont des notions fondatrices en Sumo. Et pour moi, il n'y a pas d'art de combat sans une recherche constante d'amélioration, de perfectionnement. J'ai du mal à croire qu'on puisse justifier de rester bloqué à un certain palier de progression, dans une discipline de combat, simplement pour respecter une tradition figée. M'enfin je comprends que ça puisse se discuter et ouvrir des opinions différentes, pas de souci de ce coté là.

Satori

toonoryu
07/12/2010, 16h22
Tiens en parlant de ça, quelqu'un à une photo d'Hakuho jeune (d'avant)?

http://www.japanprobe.com/wp-content/uploads/2010/10/hakuho-first-match.jpg

konishiki
07/12/2010, 21h56
C'est la photo de son premier combat en Mae-zumô non ? Victoire sur un Uwatenage magistral face à un gars bien plus gaillard que lui.

toonoryu
10/12/2010, 15h40
Mais est-ce que la force des gaijins ne viendrait pas plutôt d'une façon différente de s'entraîner? Quand on voit le système japonais, l'élève regarde ses aînés, puis il essaie de mettre en pratique... Le Maître trône sans rien apprendre personnellement à ses élèves la plupart du temps... C'est peut-être une bonne technique pour des Japonais, mais elle ne satisfait pas les gaijins. Nous, nous attendons de nos maîtres qu'ils s'impliquent personnellement dans notre parcours, nous avons des sparing-partners personnels, nous avons des entraîneurs qui ne s'occupent que de nous... Nombre d'étrangers ont leur propres entraîneurs quand ils ne sont pas à la heya... Dans ces conditions, comment s'étonner aussi qu'ils progressent plus vite que leurs condisciples japonais?

L'analyse est pertinente, mais elle ne recouvre qu'une petite partie de la vérité. Les gaijin ne sont pas les seuls à adopter des méthodes d'entraînement en dehors du cadre traditionnel, les exemples de Chiyonofuji et Kirishima ont été cités à juste titre.

Ce qu'il est nécessaire d'ajouter, et qui n'a pas été mentionné, pour comprendre pourquoi les étrangers peuvent percer relativement rapidement au sein des divisions non salariées, est le fait que le sumo est également un refuge pour bon nombre de jeunes Japonais qui sont soit en rupture de ban avec le système scolaire et/ou éducatif nippon (dont certains, à l'instar de Chiyotaikai, réussissent au final), soit aux prises avec un ostracisme très présent au Japon à l'encontre de ceux qui sortent de la norme : les jeunes en surpoids sont souvent l'objet de moqueries ou de remarques incessantes, ce qui pousse un certain nombre d'entre eux vers le sumo car une fois revêtus du kimono, chaussés des geta et porteurs d'un mage, ils ne sont plus des "gros", ils sont des sumotori. Et pour eux, ça change tout dans la vision que les autres ont d'eux. Quand bien même ils feraient une carrière complète sans jamais dépasser la division jonidan.

Par ailleurs, on remarquera que dès qu'un contingent national commence à être sur-représenté, la qualité moyenne de ses membres en est abaissée (même si c'est tout relatif). Ce fut le cas avec les Hawaïens, dont quatre "troncs" (Akebono, Musashimaru, Konishiki et Takamiyama) et trois arbres (Yamato, Sunahama et Daiki brièvement) cachent la forêt de lutteurs qui végétèrent chez les toriteki sans jamais devenir salariés (en particulier toute l'armada des anciens des Azumazeki et Takasago-beya). C'est le cas aujourd'hui avec les Mongols, dont plus de la moitié ne sont pas salariés, beaucoup d'entre eux n'ayant d'ailleurs pas d'espoirs raisonnables de l'être un jour (une quinzaine de Mongols se sont d'"ailleurs retirés sans avoir été jamais salariés).

asakusa
10/12/2010, 18h40
A ce propos, pourrait-on m'indiquer pourquoi les Hawaïens ont complètement disparu du paysage ?

toonoryu
10/12/2010, 18h55
Parce qu'un boycott informel fut décidé par les pontes de la Kyokai face à l'invasion de ces gabarits hors norme qui modifiait en profondeur le visage de l'Ozumo. Ils n'avaient pas prévu à l'époque le phénomène mongol qu'Oshima oyakata a pu déclencher à son époque...

asakusa
10/12/2010, 20h50
OK.
Mais comment se fait-il qu'on n'en voit plus aujourd'hui ?
Le "boycott" est-il toujours en vigueur ?
Les jeunes américains ne sont plus intéressés ?
La filière s'est évaporée ?

Satori
11/12/2010, 02h20
Il y a juste une consigne passée/décidée entre la NSK et les oyakatas il y a quelques années de ne plus aller faire de recrutement du coté de la polynésie, il y a quelques années. Ca n'est évidemment pas une consigne officielle, mais elle est effective et comme souvent en Sumo, respectée à la lettre.

C'était en effet, a priori du moins, une question de gabarit / style de Sumo / générateur de blessures. Mouais, j'avoue que je demeure sérieusement dubitatif... J'ai plus l'impression, un peu comme en Judo, que ça agaçait franchement les japonais de voir leurs meilleurs techniciens se faire bousculer par des golgoths de 2 tonnes, et que là ils avaient un moyen d'y échapper. Ils sont tombés sur pire depuis, on peut pas tout contrôler... Bref.

Je pense en tous cas qu'on en restera là jusqu'à ce qu'un oyakata audacieux transgresse la règle silencieuse. J'espère franchement que ça arrivera, je suis vraiment pour que le maximum de styles coexistent dans le Sumo, c'est passionnant. Pi ça nous ramènerait peut être Hoshifranzu, ça serait bien, ses articles fleuves étaient excellents et me manquent.

Satori

Zarak
11/12/2010, 13h52
Il n'y a pas qu'en Sumo que les Polynésiens sont craints... Dans le catch américain - pourtant affaire de show et non de combat réel - bon nombre de lutteurs ont eu mal à partie avec les Polynésiens et ne s'en sont pas sortis sans casse. C'est un peuple qui a un passé guerrier, et encore très récemment, et on dirait bien que les instincts naturels prennent facilement le dessus chez eux, pour finalement leur faire oublier le temps d'un combat qu'ils ne se trouvent pas aux prises avec un ennemi mortel mais seulement avec un autre lutteur pacifique... Ce qui est dommage, c'est qu'ils ne sont pas tous comme ça, et comme d'habitude ce sont les innocents qui paient pour les débiles... :roll:

Satori
11/12/2010, 17h19
Ouais t'as raison Zarak, les polynésiens sont des bons gros sauvages, c'est bien connu, c'est culturel. Enfin pas tous, hein?... Mais les noirs aussi! Parce que Tyson aussi, il arrachait des oreilles le temps d'un combat. Ah, ces sauvages...

No comment, je suis atterré.

Satori

Damimonay
11/12/2010, 17h38
bon nombre de lutteurs ont eu mal à partie avec les Polynésiens
Avoir maille à partir (http://fr.wiktionary.org/wiki/avoir_maille_%C3%A0_partir)

http://www.tout-le-rallye.be/forum/images/upload/piji/926199626_191.jpg

toonoryu
11/12/2010, 19h19
Il n'y a pas qu'en Sumo que les Polynésiens sont craints... Dans le catch américain - pourtant affaire de show et non de combat réel - bon nombre de lutteurs ont eu mal à partie avec les Polynésiens et ne s'en sont pas sortis sans casse. C'est un peuple qui a un passé guerrier, et encore très récemment, et on dirait bien que les instincts naturels prennent facilement le dessus chez eux, pour finalement leur faire oublier le temps d'un combat qu'ils ne se trouvent pas aux prises avec un ennemi mortel mais seulement avec un autre lutteur pacifique... Ce qui est dommage, c'est qu'ils ne sont pas tous comme ça, et comme d'habitude ce sont les innocents qui paient pour les débiles... :roll:

Commentaire bien hors sujet mon ami... si je ne me permettrai pas de porter un quelconque jugement sur le catch américain qui m'indiffère à peu près autant que l'élevage des cormorans en Basse-Saxe, je dirai toutefois que la velléité de cataloguer les sumotori d'origine polynésienne en faisant référence à "l'instinct guerrier" desdites peuplades n'a que peu de sens. Konishiki était un battant certes, mais il n'a jamais été réputé comme un cogneur ou un casseur d'adversaire. Musashimaru, pourtant d'origine samoane (peuple guerrier s'il en est) a toujours donné l'image d'un gros nounours de 220 kilos, mais pas franchement une émule d'Asashoryu au niveau de l'agressivité de combat (le légendaire combat face à Takanohana blessé en est une illustration particulièrement prégnante). Akebono avait un "oeil du tigre", mais qui n'avait rien à voir avec un haka polynésien, c'était tout bonnement une technique de sophrologie développée avec un de ses entraîneurs (gaijin) au Japon. On est loin des clichés, très loin.

Chtite_Mousse
12/12/2010, 00h26
Hors sujet : Les polynésiens ne font pas parler d'eux que dans le combat au sens strict du terme... Je vous garantis que quand on voit 15 petits poulets polynésiens, qu'ils soient samoans ou autres, sur un terrain de rugby, on fait pas les fiers !

Bon, au delà du hors sujet, le gabarit général de ces gens là est plutôt massif/compacte... Mais franchement je doute que ce soit une raison valable pour quoi que ce soit... Ce qui fait la différence c'est pas le gabarit, c'est la vista ! Et même si le premier rentre en ligne de compte, vous ne me ferez pas gober qu'en mettant un gros grand gras au milieu d'un cercle vous mettrez une déculottée à un petit poulet de 110kg et 1m80...

Par contre, s'il y a bien une chose que je retrouve massivement chez ces gens là, et peut être que je donne dans le cliché (positif) cette fois, c'est l'envie ! Dans tous les sports où j'ai vu des polynésiens évoluer, ils m'ont toujours surprise par leur enthousiasme, parfois débordant...
Et là je comprends d'avantage que les dirigeants puissent avoir les glandes parce qu'ils se retrouvent face à des gens qui ont un gabarit plutôt avantageux et surtout qui ont une réelle envie, une vraie gniac, un vrai enthousiasme, dans le fait de combattre et par conséquent, ils bouffent les gens qui ont peut être un peu plus de technique, mais qui le prennent peut être aussi un tout petit peu plus par dessus la jambe ou qui se donnent peut être un peu moins à corps perdu...

asakusa
13/12/2010, 22h17
http://www.tout-le-rallye.be/forum/images/upload/piji/926199626_191.jpg
Quelqu'un peut-il me dire qui est ce vénérable oyakata que je ne reconnais pas ? J'imagine à sa corpulence qu'il a été un lutteur d'exception... Sans doute un adepte du grand véhicule si j'en juge par la position de ses doigts !

Satori
13/12/2010, 22h30
Quelqu'un peut-il me dire qui est ce vénérable oyakata que je ne reconnais pas ? J'imagine à sa corpulence qu'il a été un lutteur d'exception... Sans doute un adepte du grand véhicule si j'en juge par la position de ses doigts !
? Ca doit être de l'humour, mais dans le doute et vu que j'en suis de toute façon démuni : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Capelovici. C'est le fameux "maître Capello", maître es langue française...

Satori

Tadanobu
14/12/2010, 10h25
Ca doit être de l'humour, mais dans le doute et vu que j'en suis de toute façon démuni : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Capelovici. C'est le fameux "maître Capello", maître es langue française...

Satori

Maitre EN langue française. "ès" est la contraction de "en les". On dit "maitre ès langues" quand on est maitre en plusieurs langues ou maitre en linguistique.
Je picrognifule sur ce point uniquement parce que c'est pas le bon timing pour faire des fautes devant Capelovici-oyakata, pas parce que j'aime mettre les gens en face de leurs contradictions. Ou alors c'était une tentative d'Umour :P

Azumashida
14/12/2010, 15h22
Pour revenir au sujet, une vérification que je fais de temps en temps afin d'avoir une vague idée des perspectives pour l'avenir est de vérifier qui sont les meilleurs rikishi/deshi (sur la base de leur position sur le banzuke) en fonction de leur année de naissance. Evidemment c'est un indicateur qui est loin d'être parfait, mais ca peut être intéressant quoi qu'il en soit. Voilà le top 5 sur la base du banzuke de Kyushu 2010 pour toutes les années de naissance entre 1985 et 1991 inclues:

1985: Hakuho (Mongolie) Kakuryu (Mongolie) Tosayutaka Okinoumi Akiseyama
1986: Kisenosato Goeido Kaisei (Brésil) Aoki Ikioi
1987: Tochiozan Tochinoshin (Géorgie) Gagamaru (Géorgie) Takarafuji Sadanoumi
1988: Tochinowaka Masuraumi Kyokushuho (Mongolie) Kagamio (Mongolie) Seiro (Mongolie)
1989: Hishofuji Asahisho Tochinohama Asabenkei Byakko
1990: Takayasu Masunoyama Takanoiwa (Mongolie) Takatoshi Kumagai
1991: Chiyoarashi Kotoyuki Kawanari Saishin Chiyomaru

Ce qu'on peut remarquer :
- Il n'y a que 9 étrangers sur 35 rikishi/deshi
- Tous les "leaders" nés après 1985 sont japonais
- Même si la plupart des étrangers rejoignent l'ozumo avant leurs 20 ans (comme c'a été noté plus haut dans ce thread), un seul étranger figure parmi les 15 deshi/rikishi nés entre 1989 et 1991 (cf. mon "edit" ci-dessous pour une explication évidente)

Bien sûr, avant de tirer des conclusions de tout ca, il faut relativiser et rappeler que 1) de moins en moins d'étrangers rejoignent l'ozumo du fait que quasiment toutes les heya ont déjà leur quota, et que 2) il est possible de considérer (même si ca prête à discussion) que les plus gros potentiels de cette liste sont étrangers (Tochinoshin, Kyokushuho, voire Takanoiwa). J'espère pour ma part que certains des Japonais de cette liste (parmi Kisenosato, Goeido, Tochiozan, mais aussi Takayasu et Masunoyama) voire d'autres qui ne sont pas sur cette liste (Ryuden, Tatsu, etc.) vont réussir à franchir les paliers qui les séparent encore de l'élite absolue...

Edit: après vérification, il n'y a que 3 étrangers nés après 1989 actuellement dans l'ozumo, donc les résultats 1989-1991 ne sont pas bien surprenants!

asakusa
14/12/2010, 21h14
Merci Azumashida pour cet angle de vue complémentaire.

Note pour Satori : c'est effectivement de l'humour, je suis suffisamment âgé (malheureusement) pour avoir regardé les jeux de vingt heures à l'époque ! Il est vrai que je plaisante sans smiley, c'est l'équivalent du ton pince-sans-rire que j'emploie de vive voix.

Satori
14/12/2010, 21h35
Ca doit être de l'humour, mais dans le doute et vu que j'en suis de toute façon démuni : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Capelovici. C'est le fameux "maître Capello", maître es langue française...

Satori

Maitre EN langue française. "ès" est la contraction de "en les". On dit "maitre ès langues" quand on est maitre en plusieurs langues ou maitre en linguistique.
Je picrognifule sur ce point uniquement parce que c'est pas le bon timing pour faire des fautes devant Capelovici-oyakata, pas parce que j'aime mettre les gens en face de leurs contradictions. Ou alors c'était une tentative d'Umour :P
Toi, tu ne serais pas taquin? Mouarf! :D Quoi qu'il en soit j'apprends un truc tiens... merci. ;)


Merci Azumashida pour cet angle de vue complémentaire.

Note pour Satori : c'est effectivement de l'humour, je suis suffisamment âgé (malheureusement) pour avoir regardé les jeux de vingt heures à l'époque ! Il est vrai que je plaisante sans smiley, c'est l'équivalent du ton pince-sans-rire que j'emploie de vive voix.
Je prends la note et la fourre dans ma besace, pour une autre fois. :arrow:

Satori

asakusa
14/12/2010, 21h54
En même temps, j'adore prendre des bides quand je fais des blagues.
(et je ne peux pas me plaindre, ça m'arrive souvent...)