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Afficher la version complète : Entrainement au sein de la Heya



kedevash
09/06/2010, 11h09
Comme vous le savez peut être, j'étais au Japon durant le Natsu basho et j'ai assisté à pas mal de journée du basho et aussi à pas mal de Keiko pre-basho.

De ces Keiko, j'en est retiré une impression mitigé. Je m'explique.

J'ai assisté à 2 Keiko à la Tokitsukaze, 1 à al Kasugano, 1 à la Satogatake et 1 à la Onoe Beya.Dans chaque heya je susi arrivé très tôt pour l'entrainement ( vers 7 h du amtin ) et j'ai donc pu assisté à l'entrainement de certain Jonidan voir Jonokuchi. Et j'ai été très surpris du manque de pris en main des jeunes rikishi durant le Keiko.

Une séance type pour un rikishi de rang inférieur, consiste en premier lieu à des étirements, puis à une phase de combats où le vainqueur reste tant qu'il n'est pas battu. Ensuite il passe un à un pour une séance de Butsukari Keiko et ensuite durant l'entrainement de plus hauts gradés, ils restent à les regarder ou à pratiquer le Teppô, des pompes ou des étirements.

Pendant leurs combats qui se déroulent très tôt et entre rikishi de la même division ( en gros ), il y a souvent aucun oyokata présent pour leur donner des conseils ect... Généralement les oyokata arrivent quand les Sandanme - Makushita combattent. De toute façon, même pendant la séance des Sandanme - Makushita, les oyokata ne leur donnent pas beaucoup de conseils.

Au délà des conseils, aucun cours "technique" ne leur est enseignés. Après avoir vu cela, je ne suis plus étonné de voir certains rikishi durant le basho, avoir du mal à exécuter un simple shiko. Et plus généralement je comprends maintenant d'où vient le manque de technique des jeunes japonais rentrant dans le Sumo sans un bagage de combattant amateur ( Sumo , Judo ou autre ).

La différence entre par exemple certain jeune étranger ou Japonais arrivant dans le Sumoa avec déjà une certaine technique et les jeune Japonais est plus que frappante.

De toute les Heya que j'ai visité, je n'ai vu qu'une seule un rikishi ou un oyokata leur enseigné quelque chose de technique. C'était Kotoshogiku qui enseigné à 3 Jonidan comment casser un grip sur le mawashi. Et je peux vous dire que les rikishi était tout content de cette séance. Pour le reste la quasi totalité des oyokata restent assis à regarder l'entrainement sans dire un mot.

J'ai parlé plusieurs fois avec des personnes proches de Heya et j'ai été choqué des propos d'une personne proche de la Naruto Beya. Il me disait que l'oyokata ( ancien Takanosato je crois ) était très rude avec ces rikishi. Une fois Takonoyama le tchèque a eu le malheur de répondre parlal négative à une remarque de son oyokata durant le keiko et la remontrance ne c'est pas faite attendre. Il c'est fait battre jusqu'à tomber inconscient devant quelques spectateurs médusés.

Les jeunes rikishi n'ont pas leur mots à dire pendant un Keiko et je trouve cela un peu bête car si ils pouvaient poser certaines questions, cela leur permettraient de pouvoir progresser plus vite.

Voilà j'en ai fini. Je tiens à rajouter que par ailleurs, voir un Keiko est quelque chose d'unique. On peut y sentir la douleur et le dévouement de beaucoup de rikishi. Et je peux l'affirmer ! Si notre équipe de France de Football s'entrainait aussi dur que certain rikishi, on serait déjà champion du monde !!!

asakusa
09/06/2010, 18h27
La différence entre par exemple certain jeune étranger ou Japonais arrivant dans le Sumo avec déjà une certaine technique et les jeune Japonais est plus que frappante.
Point de vue extrêmement intéressant et qui peut expliquer la supériorité actuelle des lutteurs étrangers, notamment Mongols.
On pardonne donc à Kedevash de nous rendre jaloux de son voyage ! :wink:

pereboulon
09/06/2010, 20h39
Témoignage fort intéressant (surtout la partie Takanoyama, dont je suis fan). Par contre, je nuancerai concernant l'effet de ce genre d'entrainement sur les rikishi Japonais. L'apprentissage au Japon se fait souvent par imitation plus que par explication magistrale. Tu viens d'en donner un témoignage éloquent. Ce n'est sans doute pas toujours adapté mais les étrangers comme les Japonais sont à même enseigne puisqu'ils sont dans les même heya et subissent donc les mêmes méthodes. Beaucoup de Japonais commencent tard leur carrière professionnelle après un beau parcours amateur et possèdent donc eux aussi un bagage technique et physique déjà intéressant. Sans compter qu'avant d'entamer une carrière professionnelle, les jeunes recrues recoivent un enseignement minimum sur les différents aspects du sumo. Bref, je ne pense pas que cela soit l'explication de la différence de niveau et de progression entre les étrangers et les Japonais.

Je crois au contraire que les rikishi étrangers sont encore plus pénalisés par ce mode d'enseignemenjt très éloigné de leur culture. Il y a des passages fort instructifs sur le sujet dans la bio d'Akebono (consultez les liens fournis par Toonoryu dans sa signature, je vous en recommande la lecture). Lui aussi a été sérieusement désorienté à son arrivée dans le monde du sumo. Et puis, il s'est débrouillé, a été voir un entraineur extérieur, appris avec ses ainés, notamment les autres hawaïens et est devenu yokozuna. Mais il avait la rage, l'envie de réussir (c'est très clair dans la bio). Je pense que c'est ça qui fait la différence.

Tadanobu
09/06/2010, 22h05
Le sumo professionnel n'a pas pour but de rationnaliser le sport et de créer des champions toujours plus fort... Il a pour but de conserver tout le traditionalisme de cette activité culturelle, que ce soit dans l'artisanat, les outils, l'alimentation. La forme générale de l'enseignemlent et le déroulement de l'entrainement ne font pas dérogation: on fait des shiko, du teppo, des pompes, du butsukari, du combat... le maitre parle très peu et observe beaucoup, ce qui doit donner plus de poids à sa parole. Qu'un lutteur lui fasse un reproche ou n'obtempere pas ou lui pose une question technique est en effet inhabituel.

Satori
09/06/2010, 22h44
Père Boulon souligne en effet une différence fondamentale dans l'état d'esprit avec lequel les arts martiaux en particulier sont culturellement transmis au Japon (notez que je n'utilise pas le mot "enseignés" - et que les japonais utilisent le terme sensei, "maître" et pas un équivalent de "professeur" ou "enseignant") : le sensei montre une fois la technique, et l'élève cherche à l'imiter, en répétant le geste, encore et encore. Puis il cherche à imiter ses camarades, ou les anciens. Le professeur se contente en effet traditionnellement d'observer, de pointer (voire de fouetter) les défauts qu'il considère trop importants, et explique rarement. L'apprentissage se fait donc par imitation et par répétition, essentiellement.

Les occidentaux ont une approche tout à fait opposée, et sont donc bien souvent complètement largués face à l'approche traditionnelle : ils ont besoin d'intellectualiser. Ils ont besoin d'explications, pour comprendre. Le gros problème c'est que la plupart des choses relatives à l'apprentissage du corps humain ne s'acquièrent que par la répétition, le travail aux limites de la résistance, voire une fois que le corps est totalement vidé, des choses qu'aucune explication, aucune intellectualisation, ne peut compenser. Et dans ce domaine, l'apprentissage de techniques physiques complexes, toute tentative d'intellectualisation de la part d'un élève dont le niveau ne permet pas la compréhension de la technique a exécuter, est absolument parasite et contre productive. L'élève a tellement de données physiques à assimiler que s'il se rajoute une couche intellectuelle, il ne produit qu'un immense cafouillage sur lequel il ne pourra jamais rien construire.

Mais expliquer (encore!) ce genre de choses à un occidental est pratiquement peine perdue. Lui demander de répéter 1000 fois, jours après jours, avec de vagues repères, la même technique encore et encore, sans chercher à comprendre, sans se poser de question, c'est presque de la science fiction, et encore plus à notre époque du tout, tout de suite, et le plus facilement possible. Sauf que pour progresser en combat, il n'y a aucune autre voie...

C'est en répétant, encore et encore, que le corps après de lui même la meilleure manière de produire le geste, et finit par éliminer les parasites. Et petit à petit, le cerveau assimile ce que le corps a appris, et comprend les notions sous-jacentes. L'inverse, des explications détaillées d'abord et la pratique ensuite, ça ne fonctionne tout simplement pas. Il y a trop d'informations en même temps, et puis l'apprentissage physique se fait par paliers, et les paliers divergent en fonction des personnes. Bref intellectualiser, c'est perdre son temps.

C'est pour ça qu'un occidental face à un enseignement traditionnel (et désormais, même un japonais moderne face à ce genre d'enseignement), produit une immense incompréhension et un sentiment de temps perdu prodigieux. C'est une erreur, mais comment expliquer ça?...

Personnellement, j'ai eu la chance de recevoir un enseignement "mixte". Un professeur ayant connu les deux modèles d'enseignements, et ayant compris qu'il fallait imposer le travail de répétition et la dépose du cerveau pendant certaines périodes, puis ici et là, après que l'élève ait suffisamment progressé, l'explication de quelques notions que l'élève a fini par découvrir par lui même, et la divulgation des notions à rechercher lors des prochaines étapes. Parfois... Il avait compris qu'imposer la méthode traditionnelle à des occidentaux était peine perdue, mais qu'un équilibre était possible, et je dirais moi même, nécessaire.

Voilà pour l'enseignement traditionnel face à l'esprit occidental, j'espère que cela aura fait évoluer ta vision des entrainements auquel tu as assisté.

Satori

konishiki
10/06/2010, 08h18
Je ne suis pas surpris par ce type d'enseignement.
Beaucoup de pays où la Lutte est présente se pratique ainsi.
C'est un peu le cas dans mon club .
Il y a des lutteurs venant de l'Europe de l'Est , de Mongolie , d'Arménie etc..
Nous ne travaillons pas beaucoup en répétitions mais beaucoup en combats.
Le lutteur se forme ainsi, et les anciens, le corrige quelque fois.
A force de combattre constamment les uns contre les autres et en retenant les conseils des anciens sur une situation précise.
On développe un style qui lui est propre.
On travaille sur ses qualités.
Si on est fort, rapide etc.
En fonction , on choisit certains types de techniques, plutôt que d'autres.
Cette méthode est efficace car il n'y a que des combattants dans mon club.
Il y produit des champions départementaux , régionaux et des podiums aux France.

J'évoque aussi Kotoôshû à l'époque où il pratiquait la lutte en Bulgarie, avant de devenir Rikishi chez les amateurs.
Il pratiquait les combats d'entraînements jusqu'à l'épuisement ( voir le magazine : le monde du Sumô..)
A force, on s'adapte , on réfléchit et on finit par se défendre.

Pour ma part, j'en ai tiré certains bénéfice même dans une discipline différente comme le Sumô amateur.
Je m'en suis rendu compte en affrontant le champion d'Italie dans ma catégorie ou encore le champion d'Europe en titre.

On combat encore et toujours sans arrêt à l'entrainement.
Au début cela va si vite que si tu penses , t'es foutu.
On laisse le corps agir et réagir.
Même si le cerveau fonctionne, on ne s'en rend pas compte.
On ne se dit pas en plein combat , je vais faire ceci ou cela , on n'a pas le temps, cela va trop vite face à des adversaires de haut niveau.

Au club, il n'est pas rare qu'un gars dispute entre 30 et 40 combats par entrainement.
Le niveau est bon et on progresse sur ses qualités naturelles.



Je cite aussi la bio d'Akebono, ou quand il était chez les Minarai et qu'il partait en De-geiko à la Fujishima-beya , il disputait parfois une centaine de combats.
Là encore , l'Oyakata n'intervenait pas souvent , hormis pour faire cesser l'entrainement.On connait la carrière du 64ème Yokozuna et des deux autres qui ont suivit.

Mais il existe aussi d'autre type d'Oyakata comme Naruto Oyakata , ce dernier ayant vu le potentiel de Kisenosato , à l'époque Hagiwara , lui donnait quotidiennement des conseils pour progresser ( là aussi lire , le monde du Sumô ).

kedevash
10/06/2010, 14h58
Oui je comprends tout à fait ce que vous voulez dire. La façon de faire des Japonais est différente des méthodes que l'on connait.

Par contre on entends souvent les Japonais dire qu'ils s'intérresseraient plus au Sumo si des rikishi Japonais atteignaient le rang d'Ozeki par exemple.

Les rikishi venant de l'étranger malgré le fait qu'ils n'ont pas forcément pratiqué le Sumo par le passé arrive tous avec un gros bagage en lutte ou en Judo. Ce qui leur confère un avantage énorme sur les Japonais débutant dans les sports de combats.

Et c'est là que je trouve que le manque d'enseignement technique est flagrant.

A la Satogatake, j'ai passé un moment à regarder les combats d'un Jonidan très très combatif, Kotosaito. De part son petit gabarit ( 1m75 / 90 kg ), il essaye de pratiquer un Sumo technique. Mais j'ai été assez surpris de voir ses lacunes en Judo.J'ai pratiqué ce sport pendant 9 ans et je voyais dans sa technique des manques de repères dans le placement des hanches et aussi dans le manque de déséquilibre chez son adversaire au moment de lancer un nage.

Je ne dis pas que je suis un énorme technicien de ce sport mais ces lacunes m'ont sauté au yeux et personnes ne lui disait rien pour corriger ses défaults. Dommage car au vue de son combativité, si on lui enseignait quelques rudiments techniques, ils serait depuis longtemps en Sandanme

Pour finir voilà une photo de moi et Takanoyma a sa sortie de Keiko à la Naruto Beya. Ben en vrai, il est pas si petit !

http://sphotos.ak.fbcdn.net/hphotos-ak-ash1/hs533.ash1/31284_424736360637_678645637_5946101_507901_n.jpg

konishiki
10/06/2010, 15h57
Merci pour la photo !
Excellent . :wink:

X-Philohana
11/06/2010, 10h19
Pour finir voilà une photo de moi et Takanoyma a sa sortie de Keiko à la Naruto Beya. Ben en vrai, il est pas si petit !Assurément. Au-dessus de 90kg pour 1m85, ça reste une "crevette" dans le sumo, mais le genre de gars à qui tu n'as pas de scrupule à demander un coup de main pour déménager ton frigo.
Bon, maintenant, si il fait la même photo avec Satori, relativisme oblige...

Satori
11/06/2010, 11h25
Bon, maintenant, si il fait la même photo avec Satori, relativisme oblige...
Hein? Qu'est ce que je viens faire là dedans moi? 8O :lol:

Satori

Tadanobu
11/06/2010, 20h18
C'est clair, Takanoyama est un beau gosse musclé "dans le monde réel", mais physiquement n'a pas grand chose d'un lutteur de sumo: il en a tout de même les épaules, les trapezes et les mollets, mais ça s'arrête là.
Malgré tout, il arrive à se débrouiller honnetement, et peut être ? peut être ? le verra on passer en Juryo un jour prochain.

pereboulon
11/06/2010, 22h43
Il va passer en juryo, c'est sûr. Merci pour la photo, ce sont mes potes de l'ambassade tchèque qui vont être contents.