PDA

Afficher la version complète : Dora Simmons : superstitions et sumo



toonoryu
11/01/2005, 20h46
Un nouvel article pour ce soir. Certains points ont pu m'apparaître confus, donc appel à tous les spécialistes pour d'éventuelles erreurs. Enjoy !




"Shampouiner la crasse"

Cela peut paraître étrange, mais manger des yeux de poisson est censé porter chance avant un basho. Doreen Simmons nous éclaire le rôle des superstitions dans le monde du sumo.


Comme dans toutes les activités hasardeuses, les superstitions jouent un rôle important dans le sumo. Après tout, même si vous n'y croyez pas, ça ne coûte rien de mettre toutes les chances de son côté, n'est-ce pas ? Le mot-clé, ici, est gen, qui renferme un sens moins aléatoire que le mot "chance" peut avoir en français. Il signifie plutôt surfer sur la vague quand celle-ci vous est propice, et vous arranger pour retrouver le sens de la marche si les courants vous sont contraires.

Partant, gen o katsugu signifie conserver la bonne étoile, généralement en ne modifiant rien de l'organisation actuelle : il n'est pas rare de voir un rikishi dans une série victorieuse s’abstenir de se raser ou même de se laver les cheveux, et sur les gros plans télévisuels on peut le voir devenir de plus en plus hirsute.

Si, au contraire, un lutteur se trouve dans une série défavorable, il se fera un devoir de bouleverser le statu quo dans l’espoir d’amener un retournement de fortune, ou gen-naochi. Changer de trajet pour se rendre au tournoi, arborer un kimono de soie différent, une nouvelle couleur de mawashi, un rasage de près, ou une bouteille de shampooing pour se débarrasser de ses cheveux gras.

Il y a toute sorte de choses à faire avant un tournoi pour prendre un bon départ : manger des yeux de poisson est l’un des aspects les plus étranges aux yeux des étrangers, mais cela se comprend aisément si l’on pense au rond blanc, shiro-boshi, qui symbolise une victoire (par opposition au rond noir, kuro-boshi, qui signale une défaite). Les yeux de poisson cuits blanchissent, et donc un jeune lutteur plein d’espoir en avale autant qu’il peut en amasser sur ses baguettes : ils ont la bonne couleur, ils sont bon marché, et sont susceptibles d’amener à lui toutes ces marques de victoire sur sa fiche de tournoi.

Presque plus important que d’amener la bonne fortune, est d’éviter le mauvais sort, et donc beaucoup de lutteur fuient la couleur noire, et pas seulement les point noirs. Durant un basho, certains refusent poliment d’utiliser un stylo noir pour signer des autographes, et ne s’autoriseront jamais à faire une tegata dans une autre couleur d’encre qu’un vermillon porte-bonheur. Les mawashi noirs, toutefois, ne font pas partie de cette aversion, et sont assez courant de nos jours. Jusqu’ici, toutefois, il n’a jamais été donné de voir un mawashi blanc, couleur de la mort.

L’Habit fait le moine.

Les vêtements qu’un homme porte ont leur importance. Les sekitori, membres des deux divisions majeures, sont tenus de porter des kimonos de soie quand ils participent à un tournoi, mais apprécient de porter les confortables yukata de coton en d’autres occasions. L’un des privilèges des sekitori est de faire faire un kimono personnalisé, et d’en offrir des pièces aux autres sekitori. Ils sont ornés de motifs d’écume, de sarments de vigne, de motifs géométriques – en dehors de points noirs, bien entendu – et de déclinaisons de leur propre shikona. Il est de bon ton de porter de tels cadeaux ; les sekitori ne portent jamais leur propre yukata.

Le kesho-mawashi ce superbe tablier d’étoffe, autorise encore plus de possibilités de symbolisme, et la cérémonie d’entrée sur le dohyo est une véritable parade d’aigles prenant leur envol, de carpes bondissantes et de tigres féroces, mais jamais de fleurs tombantes ou de créatures plongeantes.

Kyokudozan, le beau et élégant rikishi qui a récemment stupéfait le pays en entrant au parlement, avait pas mal de petites superstitions : durant un basho il refusait poliment de prendre des photos avec ses fans, alors qu’en toute autre occasion il posait très longuement ; sur le chemin du basho, il prenait attention à suivre chaque jour le même chemin ; et il évitait de marcher sur les bouches d’égout, ces ronds noirs géants qui mènent vers le bas.

Mainoumi, le (relativement) petit bonhomme qui a réussi à faire son retour en novembre et sera en juryo ou tout proche au tournoi de janvier, fait avant tout confiance en ses capacités personnelles, mais pour attirer la chance tape parfois une combinaison spéciale sur son pager, qui signifie « emporter huit succès », le kachi-koshi qui permet de monter dans la hiérarchie.

On dit que Daishi mange du tonkatsu, les excellentes côtelettes de proc grillé, mais dont surtout le nom comporte le mot katsu, qui signifie vaincre en japonais.

Petite histoire du shikona

Certains jeux de mots sont fréquents dans la société japonaise (si vous ne possédez pas la liste des termes à prohiber au cours des mariages, procurez vous la…), mais ils sont particulièrement fréquents dans le sumo. Le nom de lutteur, le shikona, par exemple, fait l’objet d’une attention toute particulière. Beaucoup de shikona se terminent en –yama, la montagne, qui symbolise la taille, la solidité et, plus important, l’immuabilité. Une autre terminaison ordinaire, souvent au propre nom du lutteur, est le préfixe O-, « grand ». Le suffixe nobori signifie « montant », « grimpant », un autre sens propice. Toutefois un bon shikona n’est pas forcément suffisant pour emporter le succès. Si malgré tout le lutteur fait une mauvaise série, il peut abandonner ou modifier complètement celui-ci dans l’espoir d’un gen-naoshi. Une méthode peut consister à changer la manière de l’écrire ; s’il contient un –no (« de ») par exemple, il y a trois manières différentes de l’écrire, toutes très usitées au sein du sumo. Le nombre de poils au pinceau utilisé pour écrire un shikona peut aussi avoir sa signification, et il peut être fait appel à des voyants ou autres pour en avoir une prescription.

Les prières sont une affaire plus personnelle, mais dans le droit fil des croyances japonaises, beaucoup de jeunes rikishis peuvent être aperçus en prières sur les tombes de grands anciens. Cette coutume est également une bonne manière de surmonter le choc rare mais pas inconnu de la mort d’un condisciple : son esprit est considéré comme un kami-sama, qui prêtera sa propre force à ses anciens camarades qui se souviennent de lui.

Voilà quelques unes des nombreuses croyances que l’on peut trouver chez les lutteurs de sumo ; et la quantité de connaissances se rapportant au dohyo, le cercle sacré sur lequel tous les combats de sumo se pratiquent, prendrait un chapitre à elle seule.

Hoshifransu
12/01/2005, 00h29
C'est pas possible, tu es prof d'anglais, toi !? :wink:


cela se comprend aisément si l’on pense au rond blanc, shiro-boshi, qui symbolise une victoire (par opposition au rond noir, kuro-boshi, qui signale une défaite).

C'est énorme ! S'ils mangent des yeux de poisson frit pour attirer les ronds blancs des victoires, là c'est plus que de la superstition !

http://tokitoki.free.fr/loss.jpghttp://tokitoki.free.fr/win.jpghttp://tokitoki.free.fr/loss.jpghttp://tokitoki.free.fr/loss.jpghttp://tokitoki.free.fr/loss.jpghttp://tokitoki.free.fr/win.jpg


L’un des privilèges des sekitori est de faire faire un kimono personnalisé, et d’en offrir des pièces aux autres sekitori.

En voici l'illustration :

http://www.szumo.hu/fotok/ASASAKARI3.JPG

Mitoizumi ayant offert un kimono personnalisé à Asashoryu.


Kyokudozan, le beau et élégant rikishi qui a récemment stupéfait le pays en entrant au parlement

Le parlement japonais, que l'on nomme le ... Kokkai ! Ca m'amusera toujours ...

D'une façon générale, on se rend compte que les sumo sont souvent superstitieux, mais c'est le fait de pas mal de sportifs en général : regardez par exemple les gardiens de but de football qui font pendre leur serviette fétiche dans leurs buts, par exemple.
Celà dit, c'est beaucoup plus exagéré chez les sumo, mais c'est aussi le fait de la culture japonaise : le sel porte-bonheur devant les restaus, la statue de chat qui lève la patte avant, pour porter chance aux commerçants, etc..

Encore merci et bravo pour cet article passionnant que tu as traduit de main de maître. :wink: