PDA

Afficher la version complète : Article de Doreen Simmons : les yobidashi



toonoryu
10/01/2005, 23h05
Nouvelle production made in "Hoshi's discoveries", sur les yobidashi. Enjoy !


Les Hommes Invisibles

Par Doreen Simmons

Les yobidashi sont de plus en plus respectés de nos jours, et ce n’est que justice. Le sumo professionnel ne peut exister sans eux, et pourtant jusqu’en juillet 1994, leur nom n’apparaissait même pas sur le banzuke, ce grand palmares manuscrit publié treize jours avant chaque tournoi. Il liste tous les lutteurs en activité, tous les retraités qui sont devenus doyens et tous les arbitres. Mais jusqu’à une époque très récente, il ne mentionnait même pas les yobidashi de haut rang.

Alors, tandis que Takanohana n’en finit plus de gagner des tournois, et que les aspirants ozeki continuent à faire deux pas en avant, un pas en arrière, arrêtons nous un instant pour mettre en lumière quelques uns des hommes les plus intéressants et travailleurs du sumo.

Ils tirent leur nom de leur travail le plus visible : « yobi » veut dire « l’appel », « dashi » signifie « clamer » ; ils sont ceux qui s’avancent avant un combat et, tout en dépliant lentement un éventail blanc de leur main droite, chantent les noms des adversaires, à l’ouest comme à l’est, sur un ton mélodique. Ceux qui découvrent le sumo ne peuvent bien souvent discerner les noms, psalmodiés qu’ils sont avec de petits tremblements et ornements vocaux ; mais cette première annonce, si elle est accomplie de belle manière, procure aux spectateurs la première montée d’adrénaline de l’élaboration du combat.

Pourquoi le gyoji est-il supérieur au yobidashi, dans la hiérarchie du sumo ? Eh bien, parce qu’il faut être intelligent pour être recruté comme gyoji, alors que les qualités premières demandées au yobidashi sont la force physique et la volonté. Cela ne signifie pas que tous les gyoji soient plus intelligents que les yobidashi ; mais que les priorités sont différentes. Les gyoji doivent être suffisamment en forme pour bondir autour du dohyo pendant un combat, mais ils doievtn surtout mémoriser non seulement l’ensemble des techniques utilisées, mais aussi la calligraphie de tous les idéogrammes stylisés et la manière parfois complexe de les lire. Les yobidashi doivent être capables de lire les mêmes caractères pour pouvoir appeler les lutteurs, mais leur travail comporte aussi un aspect purement physique particulièrement ardu. Car ce sont les yobidashi qui construisent le dohyo proprement dit, ce tertre d’argile sur lequel se déroulent les combats de sumo. Ce sont également le yobidashi qui, avec l’aide de quelques ouvriers, construisent les dohyo d’entraînement de chaque écurie de sumo. Les yobidashi entretiennent le dohyo, mais aussi maintiennent l’ordre autour du dohyo. On oublie souvent qu’ils sont aussi la mémoire du sumo. Si l’on a l’occasion d’en aborder au cours d’une pause, ils se montrent fascinant tant ils sont une mine d’informations (ndla : un peu comme certains sur ce forum… :wink: ).

Si l’on se rend à un basho en début de journée, on ne voit que des jeunes sur le dohyo : des jeunes lutteurs, des jeunes gyoji et des jeunes yobidashi. Mais, assis quelques rangées en arrière, on voit des yobidashi de rang intermédiaire qui surveillent les jeunes. Ce sont eux qui peuvent répondre à vos questions. Certains que j’ai connus il y a une vingtaine d’années en arrivant au début des journées m’ont appris une foule de chose sur le dohyo et ses à-côtés. Le truc réside dans le choix du moment : n’interrompez jamais l’un de ces hommes quand il travaille.

Dans son uniforme de tattsuke-bakama (ndla : quelqu’un peut développer ?), les pantalons fuseaux s’amincissant en dessous des genoux, le yobidashi a de la classe. Du moins jusqu’à ce qu’il tourne les talons, pour laisser apparaître ce qui le chagrine le plus : son kimono porte une grosse marque publicitaire – pour des beignets de poisson, une assurance vie, une marque de bière – c’est un véritable homme-sandwich. Les plus anciens des yobidashi s’enorgueillissent de déambuler en yukata, un kimono de travail en coton qu’ils se choisissent eux-même, jusqu’à ce qu’arrive pour eux le moment de s’apprêter en tenue de cérémonie.

Le nombre maximum de yobidashi, 45 à l’heure actuelle, était de 38 jusqu’en avril 1993. la raison invoquée en fut que comme il y avait 45 écuries de sumo (49 aujourd’hui), chacune possédant un dohyo d’entraînement nécessitant une réfection trois fois par an, il manquait de yobidashi pour accomplir cette tâche. Bien sûr, chaque écurie a un grand nombre de travailleurs bénévoles, en l’occurrence les apprentis lutteurs. Mais la direction du travail, en particulier pour la confection des cordes de paille qui forment le dohyo lui-même, est la specialité des yobidashi.

C’est un spectacle très plaisant, peu avant un tournoi à Tokyo, que de se balader autour du Ryogoku et de voir, assis dans la rue en dehors d’une écurie (heya), quelques jeunes yobidashi agrippant les bottes de paille, les emplir de sable, les lier avec des cordes de paille et les frapper avec des bouteilles de bière vides pour les mettre en forme. C’est un travail simple et, au soleil éclatant qu’ils attendent, également chaud et humide. Mais ils sont des hommes vigoureux et sains. Ceux qui ne sont pas faits pour cette tâche ont démissionné bien avant (le taux d’attrition est élevé la première année, mais quasiment nul après dix ans car alors l’homme est un expert dans son domaine mais ne connaît à peu près rien d’autre.

Mis à part la construction du dohyo et l’appel des combats, quelles sont leurs responsabilités ? quand il est l’heure de combattre pour les deux divisions majeures, de jeunes yobidashisont assis aux coins du dohyo et sont chargés des seaux d’eau en cèdre et des paniers de sel ; le yobidashi à droite de votre écran est aussi chargé des enveloppes de primes offertes au cours des combats. Les bannières des annonceurs qui offrent les primes sont aussi portées par de jeunes yobidashi autour du dohyo avant chaque combat. Le modeste pourboire pour cette activité représente un complément non négligeable à leurs revenus ; pendant leurs trois premières années, ils ne perçoivent rien d’autre que leur nourriture. Si un lutteur est blessé et doit être porté hors du dohyo, un yobidashi prend une poignée de sel et la répand à l’endroit où il est tombé, pour le purifier. Si une goutte de sang tombe sur le sol sacré, un yobidashi prend un morceau de papier et la récure, avant d’ajouter une généreuse pincée de sel.

Dans les premières heures de la journée, pas mal de trublions sont assis aux six premiers rangs, qui en réalité appartiennent aux plus importants personnages. Personne n’y voit à redire, tant que ces intrus se comportent correctement. Sur ces sièges, il est interdit de manger, de boire, de fumer, de s’avachir ou de tourner le dos au dohyo. Les enfants, même accompagnés d’un adulte, ne peuvent être assis aux deux premiers rangs, pour leur propre sécurité. Si l’une de ces règles est enfreinte, un yobidashi est dépêché pour avertir le contrevenant.

Le tambour est la plus frappante de leurs activités, si vous me pardonnez le jeu de mot. Chaque jour lors du basho, de 8h00 à 8h30, un jeune yobidashi monte à la tour du tambour et joue. A l’origine, cela était fait pour alerter la populace qu’une belle journée s’annonçait et qu’en conséquence du sumo aurait lieu. Aujourd’hui, c’est simplement fait pour remonter le moral de ceux qui ont fait la queue, souvent bien inutilement, et s’apprêtent à acheter leurs tickets. A la fin de la journée, deux yobidashi montent et jouent pour raccompagner les locaux chez eux.

Hoshifransu
11/01/2005, 00h07
Remarquable : tu es à la traduction ce que Tôki est aux tsuppari et aux nodowa : un travailleur acharné ! Bravo. :wink:

toonoryu
11/01/2005, 11h26
... d'ailleurs, je crois qu'il va me falloir me cantonner aux traductions et laisser les pronostics de côté, vu mon 0-3 à sekitoritoto :oops: ! un conseil, regardez mes pronos et faites l'inverse, le KK est alors assuré... :wink:

Ce soir ou demain, un autre article...

musakeshiki
11/01/2005, 15h14
Ouai super sympa cette traduction. Merci de nous mettre à disposition des textes comme ca. J'en apprends tous les jours sur ce site ! j'adore !!!.
Et comme je parle pas japonais je rate plein de truc sur les à cotés du sumo. C pas avec eurosport et ces deux mois de retard dans les diffusions que je vais apprendre grand chose de plus ;) Merci encore et vive hakuho. Je vois bien 2 mongols yokozuna... Ca va être la guerre. Je compte sur eux pour relancer l'intérêt du sumo. Quoi de mieux pour ça qu'un grand duel de yokozunas ;)
Ps : Akebono ne brille toujours pas en k1 !! Mais on y croit :) Il me semble qu'il a mené un combat jusqu'à son terme. C une première :))))