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Afficher la version complète : Le sumo vu par Nicolas Bouvier



Asafan
01/05/2007, 16h50
Pour patienter jusqu'au Natsu basho, voici un petit texte sur le sumo du grand écrivain voyageur suisse, qui a passé plusieurs années dans l'archipel nippon dans les sixties. Ce texte ne nous apprend pas grand chose, mais nous offre la vision d'un Occidental passionné du Japon sur ce noble art.

Sumo

J'aime le sumo - la lutte japonaise. De tous les sports de combat, c'est le seul à avoir un fond paisible. Le seul vraiment débarassé de haine. Malgré leur poids, leurs muscles, leur combativité et leur vitesse, les sumotori sont de bons bourrins travailleurs qui, gagnants ou perdants, regagnent l'écurie sans rien laisser paraître et se remettent au travail. Certains - ceux de la variété plate qui n'utilisent pas le ventre comme un boutoir - ont des musculatures superbes, sans rien de noué ou de furieux. Ils font penser à des arbres plutôt, bien enracinés et qui respirent. Parfois, les têtes ont de l'allure et même une véritable beauté. Ils n'ont en tout cas pas de ces gueules vicieuses telles qu'on en voit dans les salles de karaté. Dans le sumo, pas de grimaces, pas d'hystérie, pas de ces "mauvais coups" - étranglements, manchettes à la carotide.... - qui paraissent si puérils et ubuesques depuis l'invention du revolver. Non : le plat de la main dans la figure, des prises de bras et de ceinture, de la force, de la vitesse, une prodigieuse technique de l'équilibre et de l'anticipation.

Lorsque les sumotori se blessent, c'est en tombant l'un sur l'autre en dehors de l'arène qui est très exiguë, et c'est rarement délibéré. Ils faut qu'ils soient déjà bien montés contre l'adversaire pour ne pas l'aider à se relever, et ces manifestations de mauvaise humeur ne vont jamais plus loin. Il y a dans cette autorité sur soi-même quelque chose d'admirable, parce que le choc de ces deux montagnes de muscles lancées à toute allure - et il y a beaucoup d'argent à la clé - est tout de même de nature à susciter un peu d'animosité.

Nicolas Bouvier

Extrait de "Le Vide et le Plein, carnets du Japon."

skydiver
01/05/2007, 17h35
Merci pour cet extrait Asafan.

Dommage que ce monsieur ne connaisse pas grand chose (rien?) au karatedô, surtout pratiqué au Japon. Sinon il y aurait vu de nombreuses analogies avec le sumô et n'utiliserait pas certains termes.

Sa description de l'attitude des lutteurs est standardisée et ne tient pas compte de "caractères" de plusieurs d'entre eux.
Qestion "manifestations de mauvaise humeur", "fond paisible",etc. il semble que les choses aient bien changé depuis les années 60...

Sanae
11/05/2007, 20h55
En hommage a ce grand voyageur, ecrivain et poète, photographe
Il a séjourné plus d'un an au Japon de 1964 à 1965 et y est retourné de nombreuses fois.
Une très grande sensibilité artistique, une très belle humanité.
Un ami artiste est en train de faire un travail sur lui et a rencontré sa veuve qui vit pres de Geneve actuellement dans une maison remplie d'objets de leurs voyages, extraordinaire parait il !!!
elle a peut etre des banzuke de l'epoque !!!

Extrait de Wikipedia

Nicolas Bouvier (né le 6 mars 1929 au Grand-Lancy (localité de Lancy) près de Genève, mort le 17 février 1998) était un écrivain et voyageur suisse. Il parcourut le monde toute sa vie, s'imprégnant et s'appropriant des cultures. Il fut également un photographe iconographe.

Enfance et adolescence [modifier]
Fils d'un bibliothécaire, Nicolas Bouvier passa une partie de son enfance à rêver le monde, hypnotisé par les couleurs des atlas de géographie. Des heures de lecture clandestine finirent de donner à l'enfant le goût d'aller voir ailleurs. Encouragé par son père qui voyagea, en quelque sorte, par procuration à travers son fils, Nicolas Bouvier part pour son premier voyage, solitaire, en Norvège, à 17 ans. Il est chargé de rapporter des timbres à son père, pour sa collection.


Voyages [modifier]
En 1951, il effectue un premier voyage au long cours, avec Thierry Vernet et Jacques Choisy, de Venise jusqu'à Istanbul. Puis en juin 1953 il repart en Fiat Topolino avec Thierry Vernet de Belgrade à Kaboul à travers la Yougoslavie, la Turquie, l'Iran et le Pakistan. Un an et six mois plus tard, ils se séparent après Kaboul, Nicolas Bouvier continuant seul sa route à travers l'Inde afin de gagner la Chine. La route étant fermée pour des raisons politiques, il gagne Ceylan, où malade et déprimé il reste sept mois. Il décrira ce séjour douloureux dans le Poisson Scorpion publié en 1981 près de vingt-cinq ans plus tard. En 1958 il épouse Eliane Petitpierre à Neuchâtel et ils s'installent à Cologny. De 1958 à 1963 il effectue des travaux d'iconographe pour l'OMS et la "Nouvelle Bibliothèque Illustrée des Sciences et des Inventions" des Éditions Rencontre. Au fil de ses travaux il constitue d'abondantes archives personnelles constituées notamment d'estampes populaires et de planches techniques. De 1964 à 1965 ils séjourneront au Japon avec leurs deux enfants. D'autres voyages en Asie (Japon, Corée du Sud, Chine,..) ou en Europe (Irlande, Îles d'Aran) suivront. Atteint d'un cancer, Nicolas Bouvier meurt le 17 février 1998.


Citations [modifier]
Le voyage ne vous apprendra rien si vous ne lui laissez pas aussi le droit de vous détruire. C'est une règle vieille comme le monde. Un voyage est comme un naufrage, et ceux dont le bateau n'a pas coulé ne sauront jamais rien de la mer. Le reste, c'est du patinage ou du tourisme. (Citation tirée de Le Vide et le Plein)
Ce qu'on garde pour soi, l'expérience prouve qu'on n'en fait rien. Ce qu'on épargne, on n'en fait rien. Au lieu de comprendre cela, on renâcle à donner comme à demander. (Citation tirée de Le Vide et le Plein)
Ce jour-là, j'ai bien cru tenir quelque chose et que ma vie s'en trouverait changée. Mais rien de cette nature n'est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement, est peut-être notre moteur le plus sûr. (Citation tirée de L'usage du monde)
Vous avez deux mots sentinelles qui sont "indicible" et "ineffable" et derrière, il n'y a plus de texte. La musique, elle, passe plus furtivement la douane mais sans aller jusqu'au bout sinon, de nouveau, le firmament s'éteindrait. C'est assez plaisant de penser que nous devons notre survie à notre imperfection.
Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. Certains pensent qu'ils font un voyage. En fait, c'est le voyage qui vous fait ou vous défait (Citation tirée de L'usage du monde)

Œuvre [modifier]
(Liste non-exhaustive, par ordre de parution:)

L'Usage du monde, 1963, Payot poche, 1992 (ISBN 222889401X)
Japon, éditions Rencontre, Lausanne, 1967 (ISBN 2842301528)
Chronique japonaise, 1975, éditions Payot, 1989 (ISBN 2228894001)
Vingt cinq ans ensemble, histoire de la television Suisse Romande, éditions SSR, 1975
Le Poisson-scorpion, 1982, éditions Gallimard, Folio, 1996 (ISBN 2070394956)
Les Boissonas, une dynastie de photographes, éditions Payot, Lausanne, 1983 (ISBN 2601000406)
Journal d'Aran et d'autres lieux, éditions Payot, 1990 (ISBN 2228894060)
L'Art populaire en Suisse, éditions Zoé 1991, (ISBN 2881823750)
Le Hibou et la baleine, éditions Zoé, Genève, 1993 (ISBN 2881824773)
Les Chemins du Halla-San, éditions Zoé, Genève, 1994 (ISBN 2881822169)
Comment va l'écriture ce matin?, éditions Slatkine, Genève, 1996
Routes et déroutes, éditions Métropolis, 1997 (ISBN 2883400547)
La Chambre rouge et autres textes, éditions Métropolis, 1998
Le dehors et le dedans, éditions Zoé, Genève, 1998 (ISBN 288182319X)
Entre errance et éternité, éditions Zoé, Genève, 1998
Une Orchidée qu'on appela vanille, éditions Métropolis, Genève, 1998, (ISBN 2883400601)
La Guerre à huit ans, éditions Mini Zoé, Genève, 1999
L'Échappée belle, éloge de quelques pérégrins, éditions Métropolis, Genève, 2000
Histoires d'une image, éditions Zoé, Genève, 2001
L'Oeil du voyageur, éditions Hoëbeke, 2001 (ISBN 2842300726)
Le Vide et le Plein (Carnets du Japon, 1964-1970), éditions Hoëbeke 2004 (ISBN 2842301765)
Charles-Albert Cingria en roue libre, éditions Zoé, Genève, 2005
Poussières et musiques du monde, CD Enregistrement de Zagreb à Tokyo

Distinctions [modifier]
1995, Grand Prix C. F. Ramuz pour l'ensemble de son œuvre
1998, un Collège et Ecole de Commerce du canton de Genève porte son nom, CEC Nicolas-Bouvier

skydiver
11/05/2007, 21h35
Bien beau parcours en effet. Des voyages qu'ont aurait aimé faire.

liclic
12/05/2007, 00h57
Meric pour ce texte asafan et merci pour les précisions sanae. Très intéressante réflexion.

Asafan
12/05/2007, 10h02
Merci pour tous ces détails, Sanae.

Personnellement, je connais son fils, Robert Bouvier, qui est directeur d'un théâtre à Neuchâtel. Il est connu pour sa passion des cultures du monde et son ouverture d'esprit.

Je crois que les carnets du Japon sont un must pour les amoureux de l'archipel.