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Konosato
17/04/2007, 21h30
Je profite de cette période un peu plus calme entre deux Basho pour faire une petite récapitulation de tout le cérémoniel d’avant combat, cérémoniel qui pour les non-initiés est long et lassant, mais qui pour les puristes appartient au Sumo comme le Gunbai (éventail en bois laqué) au Gyôji. Pour certains je vais être un peu rabâcheur, mais je pense que beaucoup d’entre nous ne connaissent pas encore toutes les significations et subtilités de toute cette tradition qui mène au combat.


Shikiri

Chaque groupe de Rikishi, est et ouest, possède und salle commune pour se préparer et chaque lutteur prend le couloir entre les tribunes qui s’appelle “Hanamichi” pour se rendre près du Dohyô et se placer deux combats avant le sien à côté du Shinpan, à gauche de la caméra pour le côté est, et à droite pour le côté ouest. Les lutteurs de la Makuuchi sont assis sur leur coussin individuel qui est apporté par un Tsukebito et attendent que le Yobidashi - qui se tient au milieu du cercle sacré avec son éventail - ait annoncé le nom des prochains protagonistes.

Dès que le Yobidashi a quitté le ring les deux combattants montent sur le Dohyô, se saluent en s’inclinant et rejoignent directement leur coin. Le Gyôji annonce de nouveau les noms des Rikishi tandis que ces derniers commencent déjà le cérémoniel d’avant-combat, le “Shikiri.” D’abord ils frappent dans les mains, lèvent la jambe droite le plus haut possible et la dépose avec force sur le sol, puis c’est le tour du côté gauche. Ce pilonnage du sol avec les pieds s’appelle “Shiko”. Cela ne sert pas rien qu’à chasser les mauvais esprits du Dohyô, mais aussi à préparer et échauffer la musculature jambière.

Pour la préparation au combat les Sumôtori exécutent aussi quelques rituels de purification. N’oublions pas que les combats ont lieu selon la croyance Shintô en présence des dieux, donc les Rikishi doivent franchir le seuil du cercle sacré avec corps et esprit purs. Pour cela ils s’adonnent à des rituels de purification avec de l’eau et du papier.

Dès la division Juryô, le Sekitori reçoit dans une louche en bois de l’eau fortifiante, le “Chikara-mizu”, qu’il ne boit pas et qu’il rejette après s’être rincé la bouche. Cette eau ne doit pas rien que purifier, mais aussi apporter de la chance, c’est pour cette raison que c’est le vainqueur du précédent combat qui offre cette eau. Si son prédécesseur à perdu, le Rikishi recevra le liquide purificateur du combattant qui le suivra. Petite exception à cette règle, c’est quand pour le dernier combat du jour le lutteur précédent a perdu son combat. Dans ce cas c’est le Sumôtori du combat préalable qui offre le “Chikara-mizu”. Si celui-ci a aussi perdu, c’est un accompagnateur de la Beya respective qui effectuera le rituel. Après que la bouche a été rincée avec cette eau, le Rikishi prend le “Chikara-gami” , papier régénarateur et fortifiant pour s’essuyer symboliquement la sueur du corps.

Le sel “shio” a dans le Sumô une importance toute particulière. Dès la Makushita, les combattants ont le droit d’exécuter le rituel de purification avec le sel. A chaque fois qu’un Sumôtori entre dans le cercle sacré il jette du sel sur le sol. Selon la croyance Shintôiste, les sel chasse les esprits malsains et il a aussi un effet purifiant. En plus, il permet aussi de désinfecter d’éventuelles blessures ou égratignures. Il est toujours intéressant de voir les multiples variantes que les Rikishi emploient pour le lancer de sel. Il n’y a pas de limite qui a été fixée concernant la quantité à jeter. A un certain moment, pendant la dernière guerre mondiale il y a eu restriction, car le sel se faisait rare et que ce n’était pas patriotique d’en épandre trop. Environ 40 kg de sel et utilisé par journée de tournoi, cela fait quelques 600 kg à chaque Basho.

Après ces rituels de purification, les combattants se placent face à face au bord de la Tawara, ils s’accroupissent, se mettent sur la pointe des pieds et claquent des mains afin d’éveiller l’attention des dieux. Ensuite ils ouvrent les bras en tournant la paume de leurs mains vers le haut. Par cela, ils montrent qu’ils ne portent pas d’armes et qu’ils veulent combattre loyalement. Ce rituel s’apelle “Chirichôzu”.

à suivre.....

Asafan
17/04/2007, 21h45
Encore! Encore!

Quelle bonne idée, Konosato. Un grand merci :D

Vivement la suite! :wink:

Kotononami
18/04/2007, 01h37
Excellente idée Konosato , merci de la démarche :)

Satori
18/04/2007, 01h43
C'est excellent maître Konosato, excellent! Vivement la suite! :D

Satori

Kaiomitsuki
18/04/2007, 02h55
Un grand merci Konosato :wink:

remiogawa
18/04/2007, 10h35
Voila des explications fort intéressantes.
Merci Konosato pour ceci. 8)
Vivement la suite. :D

pereboulon
18/04/2007, 16h00
Merci Konosato pour ces explications claires et détaillées.

Konosato
19/04/2007, 20h44
Niramiai

Puis, les Sumôtori s’approchent du centre du Dohyô, s’accroupissent de nouveau, presque dans la position de départ avant le combat et se toisent imperturbablement en essayant d’intimider leur adversaire. Il n’est pas rare, que quand ils se relèvent, ils s’approchent l’un de l’autre presque à se toucher en se lançant des regards acérés. Cette petite guéguerre psychologique se nomme “Niramiai”.

Finalement les Rikishi retournent dans leur coin, lancent de nouveau du sel et s’avancent sur la ligne de départ. Dans ces moments ils ont toujours l’adversaire à l’oeil et ce rituel peut s’effectuer plusieurs fois. Les combattants cherchent à sychroniser leurs mouvements comme cela ils sont tout les deux toujours dans le même rythme pour les Shiko, frapper dans les mains etc. La concentration sur le début du combat devient de plus en plus grande, leur attention n’a plus qu’un, l’adversaire, plus rien d’autre n’est perçu. Dans cette phase, ils commencent même à respirer simultanément.

Pour beaucoup de spectateurs étrangers ces répétitions du “Niramiai” sont ennuyeuses. Mais les connaisseurs disent que la victoire de pas mal de combats se dessine lors de ces moments psychologiques. Des décennies en arrière, il n’y avait pas de limite de temps pour ces rituels de préparation. Les Sumôtori commencaient le combat quand ils leur plaisaient, quand ils étaient mentalement prêts pour la rencontre, et cela pouvait même aller jusqu’à 30 minutes. Avec le début des retransmissions radiophoniques la limite de temps pour cette cérémonie de préparation a été réduite en Makuuchi à dix minutes, en Juryô à sept minutes et dans les divisions inférieures à cinq minutes. Aujourd’hui, pour cause de télévision ce cérémoniel a de nouveau été réduit, ainsi la première division n’a plus que quatre, les Juryô 3 et les autres 2 minutes pour se préparer.

à suivre....

Fuseigou
19/04/2007, 22h14
Merci !

liclic
19/04/2007, 23h03
Quelle érudition Konosato! merci pour les explications et précisions apportées.

Kaiomitsuki
20/04/2007, 01h16
Encore merci Konosato :wink:

Perso pour imager cette "attente", c'est comme deux lions qui tournent dans leur cage puis lorsque le juge le décide il ouvre les 2 cages et les 2 fauves se précipitent l'un sur l'autre... C'est bien dommage qu'Europsort ne nous met pas au moins une préparation entière dans chaque diffusion (quitte à virer un ou deux combats avec un russe mal classé :roll: !) :D

Petite question
Niramiai
Aujourd’hui, pour cause de télévision ce cérémoniel a de nouveau été réduit, ainsi la première division n’a plus que quatre, les Juryô 3 et les autres 2 minutes pour se préparer.

Je me trompe peut-être mais j'ai l'impression lorsque je regarde le streaming que pour les Sanyaku on monte peut-être le temps de préparation ? J'ai jamais minuté c'est juste une impression...

abudisake
20/04/2007, 09h39
il serait effectivement interessant compter le nombre de fois ou le gyoji les renvoie au sel avant de se décider. en juryo et en makuuchi.... si il n'y avait pas tous ces sumo games, on pourrait peut être s'y interesser plus !!!!

Imumaru
20/04/2007, 10h01
Je me trompe peut-être mais j'ai l'impression lorsque je regarde le streaming que pour les Sanyaku on monte peut-être le temps de préparation ? J'ai jamais minuté c'est juste une impression...

J'ai aussi cette impression, j'ai remarqué que le temps moyen entre deux combats pour des maegashira tourne autour de 5 minutes tandis que ce serait plutôt 7-8 minutes pour les sanyaku.

Iwanoshima
20/04/2007, 13h00
Merci Konosato, voilà une belle initiative :).

Rusichana
20/04/2007, 17h24
Merci bien, Konosato. La suite, la suite... Et pour le rituel après le combat aussi?

konishiki
20/04/2007, 17h27
Magnifique !
:D
Merci ! :wink:

Konosato
21/04/2007, 21h22
Le Tachiai

Durant le cérémoniel d’avant combat les Yobidashi (assistants) font leur entrée sur le Dohyô avec les panneaux publicitaires indiquant les donateurs des prix en espèces “Kenshô-kin” attribués au vainqueur de la rencontre.

Pendant la phase de concentration d’avant combat, le Gyôji (arbitre) observe les opposants scrupuleusement. Si il constate que les combattants sont prêts bien avant le temps adjugé il peut déjà autoriser le début des hostilités “Jikan mae”. Pour cela, les adversaires doivent s’entendre par communication oculaire. Mais, dans la plupart des cas, les Rikishi profite en plein du temps qui leur est imparti. Dans ce cas, le Gyôji fait comprendre aux protagonistes avec les commandements “Matta nishi” ou “Seigen jikan” que le temps est écoulé. Durant toute cette préparation le Gyôji se tenait de côté par rapport aux Sumôtori, en tenant son éventail en bois laqué “Gunbai” bras droit tendu. Pour le début du combat il se tourne face aux acteurs, mais le bras avec le Gunbai est près du corps. Dès que l’arbitre a prononcé son commandement, les combattants doivent arrêter le cérémoniel d’avant-combat. A partir de ce moment là, celui qui franchi les limites du cercle sacré faites en paille de riz “Tawara” a perdu le combat. Les opposants prennent la position de départ et se tiennent devant un des moments les plus importants du combat le “Tachiai”. Pour le début de la rencontre, le Gyôji ne donne pas d’ordre spécial, les adversaires se lancent l’un contre l’autre dès que leurs deux poings aient touché le sol.

Dans les années 70 jusqu’au milieu des années 80, cette règle n’a pas été appliquée très strictement. Les Rikishi prenaient parfois des départs sans même avoir mis un seul poing au sol. Dès 1984, la réglementation a été fixée plus clairement. Les Rikishi devaient mettre les deux poings au sol, mais pouvaient en relever un afin de prendre un départ avec une seule main sur le Dohyô. Dès 1998 le réglement a de nouveau été affûté. Les Sumôtori doivent depuis, mettre les deux poings au sol ce qui a donné beaucoup de faux départs comme résultat. Pour l’arbitre la position prescrite doit vraiment être discernable, car beaucoup de combattants ne font qu’effleurer le sol afin de prendre l’adversaire par surprise, dans ce cas le Gyôji stoppe le combat en criant “Matta” (littéralement: arrêtez!) et demande aux combattants de recommencer.

Beaucoup de pratiquants veulent tirer un certain profit avec un départ éclair, mais risquent de faire pas mal de faux départs. Il y a aussi ceux qui provoquent cette situation chez l’adversaire en cherchant de prendre des points psychologiquement (grand spécialiste Takanonami). Il n’est pas rare que des combats doivent être redémarrés jusqu’à trois fois. Jusqu’en 1998 un faux départ revenait très cher. Les Rikishi de la Makuuchi (division supérieure) devaient par exemple payer à chaque fois un peu plus de 600 Euros, en Juryô (deuxième division) environ la moitié. Ces amendes ont été abolies avec l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation.

Un bon Tachiai doit être exécuté avec beaucoup d’explosivité et de vigueur. On est surpris de constater la vitesse d’exécution de certains combattants, même un peu lourdauds. On a même mesuré scientifiquement le départ de l’ancien Yokozuna Chiyonofuji et constaté qu’il était aussi explosif que le départ de Carl Lewis, l’ancien recordman du monde du 100 m.

Un bon Tachiai est la meilleure spéculation pour une victoire. Lors du choc frontal entre les deux lutteurs “Atari” il sagit principalement de désiquilibrer son adversaire afin de pouvoir placer une prise qui peut mener au succès. Un Tachiai idéal doit émaner des deux combattants en même temps, cela veut dire qu’ils doivent se relever au bon moment. S’ils se redressent trop tôt, ils seront rapidement touchés dans leur centre de gravité et seront déséquilibrés. Si ils restent trop bas il seront en danger de se faire rabattre au sol.

Fin.


Sources: SUMO, Kampf der Giganten de Alexander von der Groeben et Simone Menemeier, édité qu'en allemand.

http://www.sk96.de/sr/sk_sr66.jpg

liclic
22/04/2007, 10h04
génial! merci konosato!

Asafan
22/04/2007, 10h25
Passionnant 8O

Merci Konosato :D

ps : encore! encore! :wink:

Tony
22/04/2007, 10h47
Très intéressant, en effet! Merci Konosato.

Néanmoins, une position importante n'a pas été évoquée, c'est celle du sonkyô. Il s'agit de la position adoptée par les rikishi juste avant celle de shikiri, lorsqu'ils se font face, accroupis, les mollets rabattus sous les ischio, derrière les shikiri-sen ( sorte de lignes de de départ ). Il s'agit d'une position d'humilité.

Satori
22/04/2007, 21h25
Merci maître Konosato pour cet excellent post, c'est excellent! :D
A bientôt! ;)

Satori

abudisake
23/04/2007, 09h24
bravo pour cette belle initiative et la qualité du trvail !
(heureusement que c'est pas moi qui ai traduit !!!) :wink:

Musashimaru
24/04/2007, 14h18
Merci beaucoup Konosato! :wink:

Sanae
14/05/2007, 02h27
Merci bcp pour ce post super, a conseiller aux nouveaux membres (dont je suis !!!)
Pour repondre a une question posé, effectivement pour les ozekis et yokozuna il y a un tour de plus de Niramiai et les yobidashi balayent entierement le dohyo ; a confirmer demain matin !!!
Sonkyo est une position d'humilité effectivement, mais surtout dans laquelle on ne peut pas attaquer (essayer vous verrez, il faut avoir un bon equilibre deja pour le faire) donc deux adversaires dans cette position sont neutralisés ; elle est egalement prise en kendo avant les combats et pour le salut. Cette position doit certainement venir du code des anciens samourais, elle est tres ancienne, je l'ai vu sur des estampes ou croquis anciennes dans un musée au Japon.
Du coup, j'aimerai bien avoir les kanji de tous ces termes et la traduction litterale de ceux ci!!