PDA

Afficher la version complète : Les articles sur le sumo



nabudetoulouse
28/08/2004, 20h36
J'ouvre ce post pour vous faire partager mes trouvailles sur le sumo dans la presse en général. Personnellement je m'amuse baucoup de lire certain article truffés d'erreur ( a vous de les découvrir), donc voila quelques découverte que j'ai laissé tel quel (faute d'orthographe inclus :wink: ).

Un peu de lecture en attendant le nouveau banzuke et surtout le nouveau Le Petit Banzuke Illustré :wink:

nabudetoulouse
28/08/2004, 20h37
Sport & Vie – N° 29 – Octobre 1958 – pages 40 à 43 –



– 5 Photo N/B (dont un yokozuna dohyo-iri de Takanohana) –



350 KIMOS DANS UN RING par Marcel Hansenne



Chaque année 1.500 Japonais, dont le poids s'échelonne de 110 à 180 kilos, participent au tournoi de Tokyo, à l'issue duquel un sabre incrusté d'or est remis au vainqueur, en même temps que le titre envié de « Grand Champion »



Pendant tout le mois de septembre il est impossible d'ou-vrit un poste de télévision, à Tokyo, sans voir apparaître sur le petit écran deux montagnes de chair humaine se ruant l'une sur l'autre, en une joute d'une déconcertante brièveté. Ce sont les champions de sumo, lutte d'essence typiquement japonaise, qui va chercher ses origines dans la mythologie nippone. Une naïve et charmante légende prétend en effet que le soleil s'était caché dans une caverne, il y a des siècles de cela, et qu'il refusait obstinément d'en sortir, pour des raisons obscures, s'il est permis de s'exprimer ainsi. Après avoir tout essayé- en vain - les habitants de l'archipel eurent l'idée d'organiser un combat de sumo et le miracle eut lieu. Le soleil ne pus résister à la curiosité qui s'était emparée de lui et sortit le son antre pour assis-ter au choc des deux géants. Les habitants s'empressèrent alors de placer une énorme pierre devant rentrée de la caverne, et depuis ce temps le soleil brille dans le ciel nippon.

L'européen qui assiste pour la première fois à un tournoi de sumo comprend assez malaisément les raisons qui ont pu inciter le soleil à s'arracher à sa retraite. L'incroyable popularité dont jouissent les champions de lutte au Japon ne lui paraît pas davantage expli-cable. Certes, leurs dimensions sont fort respectables et ils ont assez grande allure avec leur chignon ramené au sommet de la tête, signe extérieur de noblesse. Car, chez ces hommes forts, tout est dans le chignon. Suivant la façon dont celui-ci est roulé, on voit immédiatement à quel grade de lutteur on a affaire.

C'est toujours une surprise pour le visiteur, qui avait débarqué à Tokyo avec la conviction que le Japon est habité exclusivement par des hommes de petite taille, de croiser dans la rue un champion de sumo. Il n'est pas rare que ceux-ci atteignent 2 mètres pour un poids de 180 kilos. Cela ne date pas d'aujourd'hui. La fabuleuse his-toire du sumo nous apprend que le célèbre Akashi (qui reçut le titre envié de « Grand Champion» en l'an 1650) mesurait 2 m. 25 et pesait 185 kilos. Plus récemment, Dewagatake accusa 205 kilos sur la bas-cule, en 1939. Mais il ne mesurait que 1 m. 98.

On ne naît pas champion de sumo. On le devient, à grands coups de bols de riz, de poisson cru et de poulet rôti. Après plusieurs an-nées de ce régime, aussi gavé qu'une oie, l'adolescent qui se destinait au sumo est devenu un adulte bedonnant, ce qui lui confère du reste l'estime de ses contemporains. Plus un ventre est rebondi, au Japon, et plus celui à qui il appartient jouit de la considération rendue à la force.

Ce serait une erreur, cependant, de penser que l'entraînement au sumo est uniquement subordonné à l'agilité des baguettes de bois qui font office de fourchettes. Ces mastodontes ventrus s'imposent chaque jour des exercices physiques destinés à augmenter leur souplesse et leur rapidité. Ils courent, sautent et tapent du ventre contre un poteau de bois, afin d'endurcir leur abdomen.

Ce régime que les plaisirs de la table adoucissent à peine, est d'autant plus déconcertant qu'un combat de sumo est d'une étonnante brièveté. Il est rare qu'il dépasse la minute, parfois il dure quelques secondes seulement. Les règles du sumo sont en effet des plus simples. Il s'agit de faire sortir l'adversaire d'un cercle dessiné sur un ring de terre battue. Il est évident que le premier des deux adversaires qui réussit à déséquilibrer l'autre est quasiment assuré de la victoire. C'est ce qui explique la violence des assauts qui laissent souvent les rivaux essoufflés bien que le combat ait duré l'espace d'un éclair.

Si le combat en soi dure peu, les préparatifs s'éternisent en re-vanche. Il faut souvent attendre dix bonnes minutes avant de voir les deux colosses accroupis se jeter l'un sur l'autre dans une détente formidable de tout leur être. Il faut attendre que les dieux soient favorables au bon déroulement de la compétition. Or les dieux sont difficiles et "patients. Il est fréquent qu'ils soufflent à l'oreille de l'ar-bitre que le moment n'est pas encore venu. Celui-ci fait alors signe aux adversaires de se relever, ce qu'ils font avec une docilité d'autant plus grande que le signal de l'assaut est rarement donné avant six faux départs, suivant une tradition séculaire. Calmes et majestueux, ils re-gagnent leur coin, et se baissent pour ramasser une poignée de sel dont ils arrosent le ring afin d'en chasser les mauvais esprits.

Pendant ce temps, l'Européen assis à la japonaise dans une loge, sent les crampes gagner lentement les muscles de ses cuisses. Peu à peu des gouttelettes de sueur perlent( à ses tempes et en fin de compte c'est lui qui sort le plus fatigué d'une soirée de sumo. Soyons juste: il ne le regrette pas tout à fait, en raison de l'aspect pittoresque du sumo, des chants traînants du speaker et des noms charmants dont s'affublent ces montagnes humaines: Ohikari (La Grande Lumière), Shimizugawa (Pure Eau de Rivière), Daitenryu (Grand Dragon des Cieux). Généralement, les lutteurs de sumo font suivre leur nom de « yama », qui veut dire montagne. Il faut reconnaître que leur car-rure prodigieuse justifie pleinement cet additif qui pourrait paraître prétentieux. De toutes les images que j'ai conservées du Japon, la plus étrange est sans aucun doute la visite que je fis un soir aux lut-teurs de sumo, dans le vestiaire où une quarantaine d'entre eux s'ap-prêtaient au combat. Je compris alors ce que pourrait ressentir un Pygmée brusquement parachuté en plein Paris. C'est aussi à partir de ce jour-là que je ne rougis plus de mon estomac dilaté, objet de tant de railleries de mes amis.



Marcel HANSENNE.

nabudetoulouse
28/08/2004, 20h38
KARATE – N° 20 – Avril 1976 – pages 32 à 35 puis 90 et 92



– 1 Photos N/B

– 5 Photos Couleurs (dont un yokozuna dohyo-iri de Kitanofuji)



LES DEMI-DIEUX DU SUMO



Richissimes, adulés, considérés par l’ensemble du public comme de véritable divinités descendues sur terre, les professionnels du sumo déchaînent au Japon de violentes passions. Recrutés dès l’age de treize ans dans les hautes montagnes d’Asie, sélectionnés pour leur taille, leur force et leur endurance, il faudra néanmoins au plus valeureux d’entre eux des années pour parvenir au titre si envié de « Yokozuna », c'est-à-dire champion suprême. M.Sutter vous parle de ces forces de la nature.



Le sumo, ou lutte japonaise dont l'as-saut type voit s'affronter, ventres rebondis en avant, deux montagnes de muscles et surtout de graisse qui dissimulent une force herculéenne, demeure le grand sport national tradi-tionnel du Japon. A la télévision, son impact est considérable; à tel point qu'aux indices d'écoute, le sumo vient brillamment en seconde posi-tion derrière le tout-puissant base-ball et au niveau du kick-boxing: deux disciplines récemment importées l'une de Thaïlande, l'autre des États--Unis. Autant dire que le sumo, pour le public japonais, est plus qu'un sport et bénéficie d'un immense culte natio-nal parce que ses règles et sa forme n'ont subi que de légers chan-gements au cours de sa longue his-toire. Son origine se perd, en effet, dans la nuit des temps comme l'at-teste la mythologie japonaise où l'on voit deux divinités s'affronter dans le plus pur style sumo pour s'approprier la province de Shimane. Redes-cendons sur terre. La première compétition entre mortels se situe très exactement vingt-trois ans avant Jésus-Christ. Mais il va falloir des siècles à la lutte japonaise pour s'épa-nouir et connaître sa forme définitive. Jusqu'en 1750 environ, le sumo con-naît une longue période d'immaturité, les tournois ne jouant qu'un rôle rela-tivement effacé dans le cadre des cérémonies religieuses qui rythment la vie du Japon féodal. Changement de cap vers le milieu du dix-huitième siècle, la discipline se dégage de sa gangue protectrice et revêt sa forme moderne pour devenir sport profes-sionnel. Les lutteurs célèbres il-lustrent les estampes multicolores de l'époque et leurs portraits qui ornent les murs du Kokugikan Hall, la Mecque du sumo à Tokyo, sont véné-rés et fleuris par les spectateurs. Bien des années plus tard, c'est l'appa-rition de la radio dans les foyers japo-nais qui assurera définitivement la popularité incroyable de cette lutte ancestrale. Chaque tournoi de sumo est diffusé dans tout le pays, attirant l'attention du grand public. Inutile de préciser que l'avènement de la télé-vision de masse - ce n'est pas un vain mot au Japon - va renforcer son impact. Aujourd'hui donc, c'est du délire. Se procurer une des onze mille places de Kokugikan Hall pour les fi-nales d'un tournoi est une entreprise des plus ardues. Un fauteuil aux pre-mières loges est, en effet, aussi recherché qu'une place de tribune en finales des Championnats de France de rugby. Beaucoup de candidats, peu d'élus pour voir en os et en chair

les joutes des lutteurs, très solides.gaillards qui tous dépassent allégre-ment les cent kilos. Leur poids moyen oscillerait plutôt entre cent trente et cent soixante kilos. Dans le sumo, pas de catégories comme en boxe ou en judo. Chacun à la même enseigne, et que le meilleur gagne! Incontes-tablement, un « gringalet» de cent cinquante, deux cents livres se ferait broyer par les bras des pros du sumo: véritables étaux d'acier. La fasci-nation qu'exercent ces combattants sur le peuple s'explique parlé fait que la population de l'archipel nippon est plutôt de petite taille et de carrure modeste. Ces masses aux trois quarts dénudées au moment du combat frappent donc l'imagination du com-mun des mortels. Ils sont considérés comme des demi-dieux, descendants en ligne directe des divinités qui créèrent le sport. A tel point que les milliardaires japonais - et ils sont nombreux - aiment avoir à leur table un champion. Le meilleur moyen de convaincre ceux-ci étant de joindre à l'invitation un chèque de deux ou trois mille francs. Cette attitude mercantile au pays du Zen s'explique aisément: seuls les meilleurs professionnels du sumo gagnent bien leur vie' et leur carrière est brève - quel-ques saisons au plus - il leur faut donc monnayer leur talent pour s'assurer une retraite heureuse. Si le Yokozuna (le champion, le tenant du tître) n'est pas à plaindre, puisque ses gains annuels s'élèvent à plus de deux cent cinquante mille francs et s'apparentent à ceux des rois du base-bail, si une vingtaine de combattants vivent très à l'aise avec. plus d'un mil-lion de centimes par mois, leurs six cents autres frères de lutte con-naissent de constantes difficultés matérielles à tel point que des grèves sont venues troubler ces dernières an-nées les compétitions. Pour beau-coup donc, c'est le SMIC qui vient sanctionner leurs efforts. Le sumo re-joint ici la boxe et l'esclavagisme de ses écuries. Au Japon, les six cents professionnels sont répartis en vingt deux « élevages» majeurs où les règles de vie et d'entraînement sont les mêmes pour tous. Entraînement collectif et individuel chaque matin de 7 à 10 heures, puis l'immense re-pas traditionnel, formidable platée de riz agrémentée de viande, de lé-gumes et de poissons. Inutile de préciser que le lutteur n'est pas parti-culièrement préoccupé par la diété-tique. Au contraire, il lui faut manger autant qu'il peut, le poids étant essen-tiel au moment de l'assaut. A ce ré-gime de hautes calories, il prend faci-lement dix kilos par an et arrondit singulièrement son tour de taille.



Soixante-dix prises et projections



Après ces solides agapes, le profes-sionnel va se livrer à des tâches plus détachées des préoccupations maté-rielles. Il fait de la calligraphie pen-dant des heures, par fidélité à l'art ancestral, preuve que la dégénéres-cence n'a pas corrompu le sumo et que ce dernier n'est pas devenu simple partie prenante des « sport business ». Six compétitions de quinze jours à Tokyo ponctuent la sai-son professionnelle. C'est un spec-tacle fascinant qui prend aux tripes. Tout d'abord le Dohyo-iri, rite tradi-tionnel d'entrée dans l'arène du yoko-zuna - le tenant du titre sumo - et des autres lutteurs de haut rang. Ils sont vêtus de tabliers d'ornement et accomplissent les gestes qui symbo-lisent leur force et leur sens du fair-play. Le gyodi est l'arbitre. Il porte un kimono traditionnel en soie riche-ment décorée et tient un éventail rituel. Il est assisté de quatre juges. Les deux combattants s'affrontent sur le dohyo: arène de terre battue surélevée. Une poignée de sel jetée sur le sol pour chasser les impuretés, et c'est l'empoignade. L'issue du com-bat se décide lorsque l'un des lutteurs est poussé, emporté ou projeté hors du cercle ou bien jeté à terre. A l'ins-tant final du corps à corps, le public est debout, hurlant, déchaîné. Le combat dépasse rarement les qua-rante secondes, mais quelle intensité, quelle force! Et, malgré la rapidité de l'affrontement, le sumo ne comprend pas moins de soixante-dix prises et projections, connues en japonais sous le nom de waza. Seuls ceux qui possèdent à fond ces techniques et leurs parades peuvent espérer un jour postuler au titre suprême de yokozuna - champion de 1 ère division - les quelques centaines de lutteurs étant répartis en six groupes, Pour passer de l'un à l'autre, il faut, au cours d'une compétition, gagner plus de la moitié de ses combats.



La rançon de la gloire



Le détenteur du trophée suprême est évidemment une très grosse vedette, au Japon, riche et adulée. Et le public d'évoquer Taiho le grand, le plus jeune yokozuna de tous les temps (21 ans), resté imbattu en huit tour-nois, vainqueur de six cent vingt deux combats en division supérieure, un mètre quatre vingt cinq, deux cent quarante cinq kilos, légende vivante de la décennie précédente. Ces « bi-bendum », les sergents recruteurs des écuries de la ville vont les chercher dans les montagnes où, dès le plus jeune âge, ils grimpent à pied les pentes enneigées, développant leur robustesse, A 13-14 ans, ils sont en-rôlés. Leur destin est alors scellé: Ils seront lutteurs de sumo. Et, si le réservoir naturel se tarit quelque peu depuis une vingtaine d'années, l'étranger vient à la rescousse. Les Coréens, les Formosans sont très doués. Quatre jeunes athlètes du Tonga - île des mers du sud - sont même venus tenter l'aventure au Ja-pon avec quelque succès. Mais c'est un Américain qui a étonné le plus! Jesse Kuhavlua, cent cinquante cinq kilos, réformé par l'armée américaine pour obésité, a été le premier « non -oriental» à combattre dans la division supérieure, il a même été à deux doigts du titre. Mais, le sumo a son envers du décor. On y meurt jaune. Chargé d'un poids successif, choqué par des efforts brefs d'une terrifiante violence, le cœur lâche souvent son homme. Bien avant la cinquantaine et même la quarantaine, la gloire a sa rançon que la raison veut ignorer.



Michel SUTTER.

nabudetoulouse
28/08/2004, 20h39
KARATE – N° 24 – Août 1976 – pages 44 à 47 et 80



– 1 Photos N/B (un yokozuna dohyo-iri de Wajima)

– 5 Photos Couleurs



SUMO: LA GRANDE FETE D’ETE



A l'heure où le renouveau des Arts martiaux n'épargne pas même le Japon, le sumo, budo traditionnel par excel-lence, se porte bien. Solide-ment implanté dans la culture nippone, il symbolise, à sa façon, la coexistence de l'ancien et du moderne.



Enfant des prestigieuses traditions religieuses et impériales, le sumo, devant l'arrivée tapageuse du base-ball et des sports modernes, opère, à l'écart des grandes villes, une re-traite stratégique. Dans le Japon des cartes postales, là où l'Ameri-can Way of life n'a pas encore sup-planté l'authentique art de vivre nip-pon, le sumo reste le sport numéro un.

Fils du peuple, les sumotori se re-crutent essentiellement chez les montagnards, que l'environnement dote d'une force et d'une résistance propices à la pratique de cette lutte. Bustes longs, jambes courtes, les proportions japonaises confèrent une stabilité excellente que favorise encore la bedaine co-pieusement remplie des sumotori. Hélas, ces sumotypes, patiemment moulés sur les tatamis traditionnels font progressivement place aux pro-duits moins caractéristiques des villes. Mais le sumo reste un pôle d'attraction considérable; cent vingt millions de Japonais en bavent, trente six en vivent... et ne vivent que pour la conquête de deux titres: champion de l'Est et champion de l'Ouest. La super -vedette du moment, adulée par tout un peuple s'appelle Wasima, l'homme aux deux « Lincoln» blan-ches. Le faste dont il s'entoure, ses concessions évidentes au moder-nisme lui valent parfois les foudres de ses fans, surtout les soirs de dé-faite. Durant la grande fête d'été des sumotori, Wasima, en enlevant le titre suprême de Yokozuma a re-noué avec la gloire. Tranquille, bien calé dans les sièges cossus de son palace roulant, il dépasse le « com-mun» du sumo, celui-là même qui, venu à pied s'en retourne par les mêmes moyens...



TRADITION A PROFUSION



les sumotori ne sont pas du tout gênés par leur allure, et pour cause 1 Dans les temps anciens, les bourrelets adipeux, critère de beau-té, faisaient vibrer, discrètement mais sûrement, la corde sensible des geishas.

Quant aux épreuves, elles se dé-roulent aussi avant le combat, l'annonceur décline, en chantant, l'identité des combattants. L’arbitre entre dans le cercle de combat, pré-cédé des deux sumotori. Vêtus de leur culotte de soie sauvage (le mawashi), les lutteurs se rincent la bouche avec de l'eau et jettent du sel sur le ring, dans un but purifica-teur afin de chasser les mauvais es-prits. Avant l'affrontement, les sumotori entament une série d'exer-cices rituels, dont l'intention psychologique se confond avec les nécessités de l'échauffement. Pour mettre en branle une machine de cent cinquante kilos, ces minutes ne sont pas superflues. L’arbitre, as-sisté de cinq juges, est le maître ab-solu des décisions prises au cours du combat. le but de chaque sumo-tori est de sortir l'adversaire hors du cercle, en le poussant, le soule-vant ou le projetant, ou encore en lui faisant toucher le sol avec une partie du corps autre que les pieds.

la tradition se veut à tel point rigou-reuse et tenace que le législateur prévoit toujours six mois de prison ferme pour quiconque violera le « ring» ou manifestera sa désappro-bation trop bruyamment.

les techniques fondamentales de sumo sont au nombre de quarante -huit; elles ont largement inspiré les créateurs du karaté, du judo et de l'aïkido; pour s'en convaincre, il suf-fit d'observer les techniques d'at-taque, les positions, la recherche du déséquilibre etc…

Comme dans tout art martial, une stricte hiérarchie témoigne du ni-veau atteint en compétition; au sommet de l'échelle trône le Yo-kozuma, en second lieu l'Okeki, en troisième le Sekiwake... la lanterne rouge des hauts placés sont les Komusubi et autres mae-gashira. Trente six sumotori professionnels, répartis en deux groupes, compo-sent la crême du sumo. Dans chaque groupe, les quatorze mae-ga~hira se partagent le bas du ta-bleau.

Le plus jeune, Konuma, a 20 ans; il pèse cent trente kilos et mesure un mètre soixante dix-huit, il a débuté en juin 1972. Le plus âgé, Mutsuarashi a 33 ans; il pèse cent kilos, mesure un mètre soixante dix -huit et a débuté en 1961. Le plus lourd, Takamiyame, un hawaïen de 31 ans s'est classé troisième du groupe Ouest. Il pèse cent soixante -dix kilos pour un mètre quatre--vingt quatorze. Le plus léger, Futat-suryu, 26 ans, quatre vingt dix neuf kilos, est septième du groupe Est.

A Tokyo, chaque année dans l'enclave traditionnelle du sanctuaire Yasukuni Jinja, se déroule l'Hono--O-Zumo, qui consacre les deux Yokozuma de l'année. Cinq cents sumotori venus des quatre coins du Japon et de toutes les divisions supérieures et inférieures, vont s'ébattre devant un public pas-sionné. Les deux Yokozuma de l'année sont, pour l'Est, Kitanumi, né à Okaido, 22 ans, Un mètre soi-xante dix-sept, cent cinquante kilos; il débuta en janvier 1970. Pour l'Ouest, la palme revient à Wa-sima, né à, Ishikawa, 28 ans, un mètre quatre-vingt-cinq, cent vingt- sept kilos, il fit ses premières armes en janvier 1970: Les deux Yoko-zuma sont vêtus pour l'occasion de leur glorieuse Kesho Mawashi, grosse ceinture blanche tressée comportant huit franges sur le de-vant. Pour la cérémonie de consé-cration, la suite des deux Yoko-zuma se compose des Tashimoshi, porteurs de sabre pour l'Est, et de l'arc pour l'Ouest. Le maître de cérémonie, Tsuyu Harai, ouvre la marche. Tout, dans ce protocole, té-moigne d'un attachement forcené à la tradition; même les sumotoiri ont des noms d'emprunt, rappelant les glorieux lutteurs des précédentes générations.



LE FRISSON IMPERIAL



Il y a plus de 2 000 ans, se dérou-laient déjà les premiers combats de sumo. L'assistance était exclusive-ment composée de l'Empereur et de ses proches. Le Premier sumoto-ri entré dans l'histoire et dans la lé-gende Se nommait Nomi-No-Su-kume, il écumait les salons où l'on lutte, au temps de l'Empereur Sui-jin, peu avant l'avènement de l'ère chrétienne. Ses deux mètres vingt, ses formidables combats contre son rival, Taema No-KeHama, fai-saient se trémousser la cour impé-riale d'un frisson unanime. Seuls les temples et autres sanctuaires méritèrent d'abriter la cause de cette royale émotion. Puis, il y a 1 000 ans, vint le grand Hasikami, un provincial de Ohi, doté d'une force extraordinaire. Aucun de ses challengers ne lui résista; ses vic-toires faciles amenèrent vite une certaine lassitude, préjudiciable à l'agrément impérial. Au cours d'une rencontre à Osa ka, au sanctuaire Sumiyoshi, les arbitres de l’époque, pour pimenter un plat désormais fade, imaginèrent d'entourer l'aire de combat d'une corde de paille de riz tressée. Le premier combattant sortant de ce cercle serait désor-mais déclaré perdant. Malgré ce stratagème, Hajikami resta invain-cu. .

Cette règle fut néanmoins main-tenue; même de nos jours, elle reste en vigueur. Les sumotori combattent donc sur une aire de terre battue de quatre mètres cinquante de diamètre, délimitée par la corde en paille tressée.

Deux mètres quatre-vingt-cinq, cent quatre-vingt-deux kilos, telle est la fiche technique d'Arashi, un fils de samouraï, consacré pour la pre-mière fois Yokozuma. Il eut l'idée de défier les lutteurs de !a région Ouest afin que ne subsiste plus au-cun doute sur sa supériorité. Il se rendit donc à Edo, l'actuelle Tokyo où il conquit, le premier, le titre qui représente aujourd'hui l'ambition suprême de tous les sumotori. A Osaka et Tokyo sont consacrés cha-que année deux Yokozuma...

Mais le plus fort, le plus célèbre de tous les sumotori fut sans conteste, Tanikase Kajino Suke (vent de la vallée), un vent de vallée d'un mètre quatre-vingt-dix, cent cin-quante-huit kilos. Ce fils de paysan pulvérisa tous les records puisqu'il totalisa, en huit ans de combats, cent quatre-vingt-trois victoires dont soixante-six consécutives. Par douze fois seulement, ses adversaires parvinrent à le vaincre. Mais ce géant du sumo ne se releva pas d'un autre combat, contre une grippe cette fois, il en décéda à 46 ans.



Marcel-Pol Rossignol

nabudetoulouse
28/08/2004, 20h42
KARATE – N° 130 – Novembre 1986 – pages 52 à 56 –



– 4 Photos N/B (combat entre Chiyonofuji et Konishiki)

– 7 Photos Couleurs (dont un yokozuna dohyo-iri de Chiyonofuji )





LE SUMO A BERCY

LE CREPUSCULE DES DIEUX



Venu du fond des âges, les 38 lutteurs de sumo présents â Bercy ont enthousiasmé le public parisien. Le Yokozuna Chiyonofugi, que l'on voit ici exécuter la cérémonie d'entrée sur le ring, a remporté avec panache ce Tournoi de Paris.





Dans une tour de bambous, à une dizaine de mètres du sol, un tam-bour japonais en costume d'ap-parat bat la mesure. La nuit vient de tomber, et un projecteur éclaire cet étrange messager dressé devant le Palais Omnisports de Bercy. Il annon~e une formidable nouvelle: pour la quatrième fois dans l'histoire, les su moto ri japo-nais ont quitté l'Empire du Soleil Levant. Ces dieux vivants ont accepté de venir se produire à Paris. Dans Bercy transformé en temple du sumo, 40 000. spectateurs se sont précipités à leur ren-contre, conscients de vivre un événement exceptionnel.

Inaltérable, Léon Zitrone présente la soi-rée : « Bonsoir mesdames, bonsoir mes-demoiselles, bonsoir messieurs! Dans quelques instants, vous allez voir des montagnes de chair et de muscles se jeter l'une sur l'autre suivant un code fixé depuis 2000 ans... »Mais bientôt l'obs-curité s'étend sur Bercy, le public se fait silencieux. Seuls demeurent éclairés le Dohyo, le ring d'argile recouvert de sable, et le Yakata, le toit sacré de sept tonnes, venu du Japon par bateau. Les 38 sumotori font leur entrée. Vêtus d'un kimono de cérémonie noir, ils forment un carré autour du ring, le temps d'écouter les hymnes nationaux. Puis les -lutteurs regagnent les vestiaires. Voici à présent la cérémonie d'entrée sur le ring le Dohyo-Iri. A tour de rôle, les 2 équipes qui vont s'affronter ce soir pénètrent dans l'enceinte sacrée. Chaque sumotori porte un tablier .de cérémonie en soie, richement décoré: ces mawashi coûtent entre 5 et 8 millions anciens. Les lutteurs forment un cercle autour de l'arbitre: ils exécutent un court rituel avant de laisser la place à l'équipe adverse. Temps fort de cette cérémonie, l'arrivée du 'Yokozuna (grand champion) Chiyonofuji, accompagné d'un arbitre et de 2" lutteurs: un héraut et un porteur de sabre. Agé de 31 ans, Chiyo, comme l'ont surnommé ses fans, est le numéro un du sumo japonais. 1,83 m pour 125 kilos, il semble plus léger que la plupart de ses camarades. Mais un œil exercé sera tout de suite frappé par sa formi-dable musculature. Tandis que arbitre, héraut et porteur demeurent accroupis, le Y okozuna frappe dans ses mains pour attirer l'attention des dieux. II porte sur son tablier une épaisse corde de chan-vre blanc tressé, pesant près de 15 kilos. Elle est ornée de bandes de papier blanc pliées en zig-zag, symboles religieux que l'on retrouve dans les temples shintos. Chiyonofuji étend ses bras sur les côtés et tourne ses paumes vers le ciel pour montrer qu'il ne cache aucune arme. Puis il lève une jambe latéralement et la repose dans un bruit sourd, afin de chas-ser les démons de l'enceinte du tournoi. II recommence avec l'autre jambe, puis, la cérémonie terminée, se retire avec majesté, accompagné de sa suite. Les combats peuvent à présent débuter.

Avant de monter sur le ring, chaque lut-teur se rince la bouche avec de l'eau et s'essuie les mains avec une serviette en papier, gestes et rituels de purification. Puis il jette une poignée de sel censée purifier le Dohyo et éviter toute blessure. Les deux hommes se placent ensuite face

à face. Ils exécutent les mêmes gestes que ceux faits par le Y okozuna lors de la cérémonie d'ouverture. Enfin les deux lutteurs s'accroupissent au centre du ring, face à face. Penchés en avant, ils se tiennent en appui sur leurs poings fer-més. Immobiles, les sumotori se dévisagent, les yeux dans les yeux, prêts à attaquer. Cette partie du rite se nomme le Shiriki. Le match ne débute pas pour autant. Les lutteurs peuvent recommencer à plusieurs reprises ce round d'observation : ils ont droit à 4 minutes. Cela leur permet de se concentrer et d'attendre le moment où ils se sentent prêts au combat. Pendant ce temps, dans la salle, -la tension monte. Soudain les deux hommes se précipitent l'un vers l'autre. Le match proprement dit ne dure que quelques secondes. Les règles sont simples: il s'agit de bouter l'adversaire hors du cercle de paille tressée qui délimite l'aire du combat (4,55 mètres de diamètre), ou de lui faire toucher le sol avec une par-tie du corps autre que ses pieds. Pour. cela, il existe 48 techniques de projec-tion.

Aidé de Laurent Martes, un Français qui a longtemps vécu au Japon, notre Léon national présente les combattants. « Et voici Kuroma, surnommé l'empereur de la nuit, car il adore la vie nocturne... Kirishima, l'Alain Delon japonais, idole des jeunes filles... Sakahoko, qui avale 2 kilos de viande et 2 de crevettes à cha-que repas... Dewanohama, qui peut sou-lever 90 kilos d'un seul bras! ». Sans oublier Tochitsurugi, 1,70 m, le plus petit des sumotori, âgé de 31 ans. Aujourd'hui, on ne l'accepterait plus: les jeunes qui entrent dans les écoles de sumo doivent mesurer 1,73 m au mini-mum, et peser 75 kilos. Et voici, Terao, le plus mince: il ne fait que 111 kilos, c'est un poids léger! Enfin, le plus imposant de tous par sa masse: Konis-hiki. 22 ans, 1,86 m, 229 kilos ! Origi-naire des Iles Samoa, on dit de lui qu'il pourrait devenir le premier Yokozuna non-japonais.

Mais, de tous ces champions, le plus impressionnant reste sans doute Chiyo-nofuji. Lui ne fait pas obèse, il a pres-que le gabarit d'un homme normal (en poids lourds s'entend !). Bien stable sur ses jambes, ancré au sol par son hara, Chiyo ne fait qu'une bouchée de ses adversaires, pour la plus grande joie du public. Au 3" tour, il se trouve opposé à l'énorme Konishiki, qui pèse 114 kilos de plus que lui! A priori, le sumo sem-ble être une lutte où la force pure l'emporte. En fait, il n'en est rien. Rapidité des réflexes, sens de l'esquive, et surtout anticipation: arriver à deviner ce que va faire l'adversaire et utiliser sa propre force pour le défaire, voilà toute la finesse du sumo, ancêtre du ju-jitsu et du judo. II faut voir la souplesse de ces mastodontes, pour qui le grand écart fait partie des exercices quotidiens. On commence alors à mieux comprendre l'admiration que les Japonais portent à ces demi-dieux, dont les joutes, à l'ori-gine, étaient liées à la religion et réser-vées à la cour impériale. A ma gauche donc, Chiyonofuji, 1,83 m 125 kilos. A ma droite, Konishiki, 1,86 m, 229 kilos. Le numéro un par la technique opposé au numéro un 'par le poids. Jets de sel, gestes rituels, les deux hommes s'accroupissent l'un en face de l'autre. Le public de Bercy reste coi. Soudain les deux champions se précipi-tent, les bras en avant, cherchant à agripper le mawashi, cette fameuse cein-ture de soie. Ils pivotent au centre du Dohyo, agrippés l'un à l'autre. Les spec-tateurs retiennent leur souffle... Et l'incroyable se produit: Chiyonofuji boute Konishiki hors du cercle, sous un tonnerre d'applaudissements! II faut dire que Mitsugu Chiyonofuji, le plus grand champion actuel, numéro 3 dans l'histoire du sumo par le nombre de tournois remportés, est un athlète excep-tionnel. II ne pèse que 125 kilos, oui, mais 125 kilos de muscles! On devine, rien qu'à voir sa musculature, ses dor-saux, ses bras, la puissance extraordi-naire de ce grand champion. Normalement au Japon, il existe 6 tour-nois par an. Chacun d'eux dure 15 jours, et chaque sumotori ne combat qu'une fois par jour. Pour ce tournoi de Paris qui ne compte que 3 jours, les lut-teurs ont accepté de tirer plusieurs fois dans la même journée. Au départ, ils sont 32, puis 16, puis 8, puis 4... Cepen-dant personne ne sait avec certitude comment leur organisme va réagir face à une telle sollicitation. Leur cœur, en particulier n'est pas habitué à fournir autant d'efforts dans un laps de temps si court. Pour éviter un incident, on a procédé la veille du tournoi à la cérémo-nie du Dohyo Masturi. Après une prière dite par l'arbitre principal, on a enterré des châtaignes, des algues et du riz dans le centre du ring. Puis l'on a versé du sake et du sel en offrande aux dieux. Personne n'ose faire de pronostic en rai-son de la fréquence exceptionnelle des combats. Chiyonofuji, qui a gagné hier, se retrouve ce soir en finale face à Asha-shio, 1,83 m pour 174 kilos, un combat-tant réputé pour ses attaques puissantes. Malgré la différence de poids, on se dit que le Yokozuna va l'emporter, lui qui a battu l'énorme Konishiki juste au tour précédent. Mais rien n'est jamais joué d'avance en sumo! Après quelques pré-liminaires, Ashashio parvient à saisir la ceinture de Chiyonofuji. Ille soulève du sol et le projette à l'extérieur du cercle. .

Impassible, le Y okozuna revient à sa place pour entendre l'arbitre annoncer la décision. Ce soir, Chiyonofuji a perdu. Mais demain dimanche, il rem-portera une nouvelle victoire, s'adju-geant ainsi la coupe du Tournoi de Paris. La soirée touche à sa fin. Dernier rituel, la danse de l'arc. On dit qu'en 1575, le Shogun Oda Nobunaga récom-pensa le Y okozuna Ganzaemon en lui offrant un arc. Celui-ci improvisa alors une danse de remerciement. En souve-nir de ce jour,. un lutteur spécialement choisi exécute une chorégraphie martiale à la fin de chaque tournoi. Ainsi va le sumo: sport de l'empereur, combat des dieux, il relie le Japon moderne à celui des samouraïs.



Texte et photos: P. Y. Benoliel

nabudetoulouse
28/08/2004, 20h43
WASABI – N° 1 – Printemps 2004 – pages 24 à 26 –



– 5 Photos Couleurs (dont une de Konoshiki contre ? )



LE CHANKO-NABE



POT AU FEU DES LUTTEURS DE SUMO



QUI NE S'EST JAMAIS DEMANDÉ, EN REGARDANT S'AFFRONTER LES CÉLÈBRES LUTTEURS DE SUMO JAPONAIS, À QUEL RÉGIME ALIMENTAIRE POUVAIENT BIEN CARBURER CES "MONSTRES DE CHAIR ET DE MUSCLE", POUR AT-TEINDRE LEUR IMPOSANTE LIGNE XXXXL...? LA RÉPONSE TIENT EN DEUX MOTS: CHANKO-NABÉ



Plat essentiel de l'alimentation des sumo-- tori (lutteurs de sumo) depuis deux siè-cles, le chanko-nabé est une sorte de pot--au-feu hyperprotéiné, composé d'une douzaine d'ingrédients à base de viande, poisson, légumes, auxquels s'ajoutent fé-cules, préparations au gluten, tofu et aut-res spécialités culinaires locales.

L'ensemble de ces aliments doit mijoter dans un bouillon (nijiru), dont les multiples recettes sont jalousement gardées se-crètes par leurs cuisiniers (chanko-cho). Si le chanko-nabé constitue encore le premier plat servi aux lutteurs de sumo vers midi dans les sumobeya (écuries de sumo) après l'entraînement matinal, il se trouve également à la carte de nombreux restaurants spécialisés, les chanko-ya, no-tamment à Ryogoku, quartier traditionnel du sumô à Tokyo. Seule la quantité et le nombre de plats d'accompagnement dif-fèrent. Le chanko-nabé est un plat de nabé c'est-à-dire qu'il se cuisine dans une marmite (nabé en japonais) en terre, céramique, aluminium ou encore métal. Ce mode de cuisson est extrêmement répandu au Japon, surtout en hiver, et donne lieu à de nombreuses recettes de pot-au-feu et autres ragoûts (nabemono) variant en fonction des régions. Toute-fois, le chanko-nabé fait lui spécifique-ment référence au repas des rikishi (autre nom des lutteurs). Plusieurs théories circulent quant à l' ori-gine de ce plat, qui demeure mystérieuse. Selon Doreen Simmons, spécialiste de sumo et commentatrice en anglais des grands tournois sur la chaîne satellite de NHK, chanko serait une traduction pho-nétique en japonais du pot-au-feu péki-nois "shaa-kuo" ou du cantonnais "saa-wo". Importé de Chine au Japon, il aurait été découvert il y a près de deux cents ans à Nagasaki par des lutteurs de sumo en villégiature qui auraient décidé d'en faire leur alimentation principale. Pendant très longtemps, le chanko-nabé fut seule-ment composé de poisson et de légumes. En effet, manger de la viande était autre-fois synonyme de malchance.

Il existe quatre types standard de chanko-nabé : le mizutaki, le soppadaki, le mis-odaki et enfin le shiodaki. Dans le premier cas, les aliments sont cuits dans de l'eau bouillante sans épices ni condiments avant d'être trempés dans du ponzu (sauce japo-naise qui s'obtient en mélangeant du yuzu, agrume local, à du vinaigre). Dans le sop-padaki, le bouillon est préparé à partir d'os de poulets qui ont mijoté plusieurs heures (soppa), le tout agrémenté d'une sauce de soja légèrement sucrée ou de mirin (vin de riz doux et épais). Le soppadaki devient misodaki lorsque le même soppa est assai-sonné de miso (pâte brune fabriquée à par-tir de soja fermenté, incontournable condi-ment de la cuisine japonaise traditionnelle). Enfin, dans le shiodaki, c'est l'algue séchée konbu, mélangée à de la sauce de soja, qui sert de base au bouillon. Quel que soit lebouillon préparé, les ingrédients doivent respecter un ordre très strict de cuisson, selon le principe de base suivant: les ali-ments les plus longs à cuire, comme les ca-rottes, par exemple, sont cuits en premier; ceux ne demandant pratiquement aucune cuisson, comme les shungiku (feuilles de chrysanthèmes) ou enokidate (champ-ignons blancs très fins et longs), viennent en dernier, la viande et le poisson s'inter-calant entre les deux.

Mais, au fait, comment un menu plutôt équilibré sur le plan nutritionnel peut-il faire grossir à ce point les lutteurs de sumo, qui pèsent entre 90 kg et 150 kg, certains franchissant allègrement la barre des 200 kg ? Pour Nicholas J. Thomas, auteur d'« Une journée dans la vie d'un lutteur de sumo », la sieste est la clé de l'énigme. En effet, pendant le sommeil, les calories sont transformées en graisse, permettant ainsi aux rikishi de grossir. Qui dort dîne, prétend-on chez nous. Dans le monde du sumo, l'un ne va ja-mais sans l'autre !



Raphaëlle Marcadal

J'ai partagé le repas des lutteurs



L'ambiance est au rendez-vous le samedi soir chez Yoshiba, au cœur de Ryogoku, à quelques centaines de mètres du célèbre Ryogokugikan de Tokyo, où se dispute au mois de janvier le hatsu-basho, premier tournoi de sumo de la saison.



Il faut dire que derrière la façade traditionnelle de ce chanko-ya, qui ressemble davantage à une station thermale japonaise qu'à un res-taurant, l'influence du sumo se fait ressentir de manière plus intense encore, Yoshiba étant une ancienne sumobeya qui a conservé son dohyô d'entraînement, cercle de 4,55 m de diamètre à l'intérieur duquel s'affrontent les lutteurs. Parmi les clients assis autour du dohyô, on peut apercevoir quelques jeunes ri-kishi qui mangent leur chanko-nabé en fa-mille ou avec des amis. Sur les murs, des photos noir et blanc d'anciens yokozuna (champions suprêmes de sumo).

Sitôt la commande passée, mon hôtesse, en kimono, dépose sur la table un réchaud électrique. Juste le temps de déguster quelques gorgées de bière locale et le nabé, la fameuse marmite, est posé sur le ré-chaud. Coquilles Saint-Jacques, crevettes, poissons, tranches de porc commencent à mijoter, recouverts par les légumes: gobo (racine de bardane), carottes, shiitaké et choux chinois. Entre les deux, des petits bouts de yakifu (gluten cuit) et des nouilles de konnyaku, une racine extrêmement pau-vre en calories mais riche en fibres. L'hô-tesse met le couvercle et me ressert un peu de bière, histoire de me faire patienter, envi-ron 10 minutes. Lorsque le bouillon arrive à ébullition, elle soulève le couvercle. C'est prêt! Je n'ai plus qu'à me servir de cet odo-rant pot-au-feu dans le petit bol posé devant moi. Les coquilles Saint-Jacques fondent sous le palais. Les yakifu sont une merveille de découverte culinaire à l'étrange saveur. Et surtout, le bouillon est parfaitement épicé avec des zestes de yuzu, un de mes agru-mes japonais préférés. Lorsque j'ai (enfin) fini de savourer le contenu de ma marmite, l'hôtesse revient et dépose dans le fond de bouillon restant des udon, ces fameuses nouilles de blé très longues et épaisses, qui n'en finissent pas de glisser entre les ba-guettes des "gaijin" (étrangers) malhabiles. Epuisée par tant d'efforts, je n'ai pas le temps de terminer mon bol que l'hôtesse, prévenante, me demande si je désire autre chose...Un bol de riz par exemple ?

Tout compte fait, je ferais bien une petite sieste...



Raphaëlle Marcadal



Le sumo: un sport de "masse"



Né au début de notre ère, le sumo, univers « sacré ,) pour les Japonais mais énigme aux yeux des Occidentaux, continue de faire le bonheur de dizaines de milliers d'amateurs chaque année à l'occasion des six tournois (o-zumo) organisés dans l'Archipel.



« Le sumo est un « sport-spectacle » captivant! Il n'exige pas seulement des sumotori la puissance physique mais requiert également rapidité, adresse et une force morale à toute épreuve », s'enthousiasme Doreen Simmons, commentatrice télé sur la chaîne publique japonaise NHK. Simple dans sa finalité, cette lutte tra-ditionnelle oppose, sans distinction de poids, deux combattants uniquement vêtus du mawashi (ceinture du lutteur). Elle tire néanmoins son caractère sacré du cérémonial apparenté au rituel shintô (religion animiste, originaire du Japon) auquel se livrent, avant de s'affronter, les lutteurs. Est déclaré vainqueur, par un jury d'esthètes, celui qui parvient à faire tomber son adversaire ou à l'expulser en dehors du « dohyô» (arène) cir-culaire en terre battue de 4,5 mètres de diamètre, surmontée d'une structure en bois évoquant la toiture d'un temple shintô. Avant de connaître la renommée, les rikishi (lutteurs) subissent un apprentissage long et spartiate. D'où leur célèbre adage, « vaincre dans le sumo, c'est aussi se vaincre soi-même ». Devenus riches et courtisés par la gent féminine, les meilleurs d'entre eux sont adulés tels des demi-dieux, à l'égal des stars du football ou du base-ball. Une réalité difficile à cerner pour certains esprits étroits et policés, qui ne voient dans le sumo qu'un « combat de types obèses aux chignons gominés ».



François Lacombe

Hoshifransu
29/08/2004, 16h12
Merci, Nabu, de nous avoir fait partager ces articles si originaux !
Bon, c'est bien plus que de la vulgarisation, parfois, surtout le premier, mais ça a le mérite d'être très accessible pour les lecteurs qui ne connaitraient pas le sumo et puis je crois aussi qu'à force de regarder du sumo, on finit par regarder ça trop à froid et par oublier certains aspects que par exemple, le premier article décrit avec beaucoup d'originalité et d'émerveillement.
Disons que personnellement, j'aimerais pouvoir tout effacer de ma mémoire et redécouvrir tout avec cette même avidité !
C'est vécu comme si l'auteur découvrait une culture extra-terrestre ! :wink:

Asafan
30/09/2004, 08h02
Mais, le sumo a son envers du décor. On y meurt jaune.
:lol: :lol: :lol:

Le lapsus est-il d'origine, ou est-ce l'oeuvre de Nabu? En tous cas, il est très à-propos!!!! :wink:

blague à part. Merci Nabu. Ces articles, malgré leurs erreurs, reflètent bien la fascination qu'ont pu ressentir les européens à leur découverte du sumo