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toonoryu
30/08/2006, 18h21
Bonsoir,

Ayant lu la bio de Akebono, j’ai pensé que ce chapitre pourrait intéresser les amateurs d’oshizumo et de l’époque des Hawaïens (Hoshi, si tu nous écoutes…). Voilà donc cette petite traduction, un peu longue mais assez intéressante à bien des points de vue… Je l’ai faite dans la journée, donc vous me pardonnerez les traductions hâtives ou les éventuelles petites erreurs. Et comme d’hab, enjoy !


Le Bateau Noir

L'entraînement s'intensifie dans les deux semaines précédant chacun des six tournois annuels de sumo, en particulier entre les sekitori, qui autrement effectuent tranquillement l'asageiko en soignant leurs blessures diverses et transmettent leurs connaissances aux plus jeunes deshi tout en maintenant leur niveau de puissance. Les téléphones se mettent alors à sonner et les lutteurs du sommet – dont la plupart finissent face à face au cours du tournoi – se renseignent sur qui va où pour les de-geiko, et tous finissent par choisir une sumo-beya comme les stars du basket de rue qui cherchent le terrain le plus propice pour affronter les meilleurs. Un rikishi du fond de la juryo n'aurait que l'opportunité de faire un ou deux combats dans une pièce emplie d'ozeki et de sekiwake, par conséquent il choisit une heya où il peut trouver des rikishi de son niveau ou juste supérieur. Un ozeki va où il veut, ou il laisse la concurrence venir à lui. Et quand les combats commencent, l'approche prudente qu'adopte en général un sekitori à l'entraînement disparaît : les charges sont rudes, et tout le monde accourt vers le vainqueur en criant, tout à fait comme quand les mal classés implorent pour le combat suivant. La matinée s'écoule jusqu'à ce que chacun d'eux ait combattu un minimum d'une vingtaine de fois chacun, et dans certains cas ait effectué les exercices de poussées à travers le dohyo jusqu'à finir les larmes aux yeux, couverts d'autant de sable, de sel et de sueur que n'importe quel maigrichon de jonokuchi. A mesure que le tournoi s'approche, les mêmes pensées envahissent les esprits de chacun. Est-ce que je travaille aussi dur que Kaio ? Est-ce que je travaille aussi dur que Takanohana ? Ou Musoyama ? Ou Musashimaru ?

En tant qu'ancien coureur de fond, je n'ai jamais bien su trouver la logique du planning d'entraînement dans le sumo. Elevé selon la théorie selon laquelle des semaines de dur labeur doivent être suivies par une période de repos complet avant le jour de la course, j'ai été ébahi de voir comme les choses s'intensifiaient avant le premier tournoi auquel j'ai pu assister en direct, à l'automne 1998. J'avais vu les sekitori faire des efforts très variables lors de l'entraînement au cours des jungyo – en fait, je n'ai vu que deux fois en quatre semaines le yokozuna Wakanohana ne serait-ce que mettre le pied sur le dohyo. Mais une fois revenus à Tokyo, cette peur dont parle George Kalima – est-ce que je travaille aussi dur que l'autre ? - s'est manifestement installée, et tout le monde du juryo au yokozuna travaille autant qu'il le peut durant les deux semaines restant. Cela dure jusque la veille même du tournoi, à un moment où il serait plus raisonnable que tous se reposent. Ils continuent ensuite l'entraînement quotidien tous les jours restant jusqu'à la fin du tournoi.

« C'est une des choses à laquelle il a été dur de s'habituer », me dit George. « Quand on jouait au football à Kaiser, on s'entraînait dur tout le temps, mais pas une veille de match, et surtout pas le jour même du match. Mais tu vois, tout le monde fait ça. Tout le monde veut s'entraîner au moins autant que l'autre en face. C'est pas du tout logique. Mais c'est comme ça ».

Je converse à plusieurs reprises au sujet de l'idée de repos et de son utilité avec Chad, et en dépit du fait qu'il soit d'accord avec l'analyse de George sur le principe, il n'y a aucun autre moyen de faire autrement. A mesure qu'il grimpait les rangs, il était censé donner l'exemple aux autres en travaillant dur jusqu'au bout. Mais il est aussi désireux que Tiger Woods de faire quelques entraînements supplémentaires dès que l'opportunité se présente, convaincu qu'il le rendent plus fort que quiconque.

« Le manque de repos est peut-être la raison pour laquelle les genoux de Konishiki ont fini par rendre les armes », lui dis-je un jour, alors que nous abordons le sujet. Le gros ozeki a quitté définitivement le dohyo presque un an auparavant.

Chad baisse les yeux un moment, et réfléchis sur la résolution de son senpai. « L'ozeki », dit-il « Il était du genre, comment que j'peux dire. C'était un guerrier à l'ancienne, hm ? Tu sais, le genre ' si ça fait pas mal, ça fait pas avancer' ». Ces mots sont à prendre au pied de la lettre, non pas comme une sorte de devise d'entraînement d'un coach. La douleur, pour Konishiki, était synonyme de progrès. Elle signifiait qu'il s'endurcissait, et qu'il serait plus résistant. Elle signifiait aussi combattre en dépit de blessures récurrentes plutôt que de retomber dans le banzuke. Elle était gaman, mot souvent accompagné par les mots 'saigo made' : jusqu'au bout.

Au début du tournoi de printemps 1988, Chad avait vu un exemplaire du banzuke, cette liste des rikishi rédigée suivant le rang dont Taylor lui avait parlé, et dont il lui avait montré les caractères représentant Konishiki – à quelques encablures du sommet. Il ne pouvait lire aucun des autres caractères, mais ce qu'il comprit du document se reflète dans la vie réelle au moment où il entre dans l'Azumazeki-beya de retour à Tokyo. L'exemplaire du banzuke qu'il a vu comporte des caractères en noir imprimés sur un parchemin blanc, de la taille du Honolulu Star-Bulletin, et les noms au sommet – des noms tels que Konishiki ou Chiyonofuji dans la division makuuchi – peuvent être vus clairement de l'autre bout de la pièce. La liste est séparée en son milieu dans le sens vertical, et en six parties du sommet jusqu'à la base – une, lui a-t-on dit, pour chaque division, les lignes verticales représentant l'Est et l'Ouest pour chaque division. Les caractères de la seconde division, qu'on lui a indiqué comme étant celle des juryo, peuvent encore être vus de loin.

Mais des juryo en passant par les makushita, sandanme et jonidan, l'objet finit par ressembler à un tableau d'opticien japonais, jusqu'en bas avec la division jonokuchi, où il faut tout simplement une loupe pour ne serait-ce que constater qu'il y a bien quelque chose d'écrit. Il est alors en maezumo, même pas digne d'avoir encore son nom écrit à l'aide de pinceaux microscopiques tout en bas. Il lui faudra remporter quatre combats dans un tour de qualification avant de simplement faire partie du monde du sumo professionnel, presque huit cents places derrière ce qu'il a vu à la télévision à Hawaï et ce qu'il espère atteindre.

C'est un peu comme au basket-ball, avec la NBA au sommet, puis les équipes universitaires, les lycéens, tout cela jusqu'au collège. A ceci près que quelque soit la dureté de l'entraînement de coach Wolfs, quand l'entraînement est fini il n'a pas à porter les sacs de Michael Jordan ou à récurer les toilettes d'une star universitaire. Quand l'entraînement est fini, tout le monde rentre simplement chez soi. Mange ce qu'il aime, fait ce qu'il aime, sort avec ses amis. Et quand la saison est finie, c'est fini. Ici, il n'y a pas de saison – cela ne finit jamais. A part pour les promotions plus complexes en juryo, comme ozeki ou yokozuna, un score positif vous fait grimper – soit au sein de la division ou dans la division supérieure – et un score négatif vous fait redescendre. Après s'être qualifié en maezumo, il lui faudra remporter quatre des sept combats à chaque tournoi successif. Si jamais il parvient à devenir sekitori, il commencera à combattre tous les jours et devra remporter au moins huit de ses quinze combats. Jusque la, il lui faudra se lever plus tôt, manger en dernier, se baigner en dernier et recevoir des ordres d'à peu près tout le monde, y compris de gamins de quinze ans. Il sait déjà que le sumo est rempli de symboles, des chignons que les rikishi portent jusqu'au petits sanctuaires shintô dans chaque sumo-beya. Il verra plus tard le gunbai des arbitres, le tsuriyane surplombant le dohyo. Mais le symbole qui importe le plus au rikishi est le banzuke.

toonoryu
30/08/2006, 18h22
Suite...



Dans sa façon de définir pour Chad la hiérarchie du sumo, le banzuke lui révèle un chemin particulier vers le succès. Tout est là. Travailles plus dur que tous ceux qui sont à ton niveau, et tu iras vers le haut. Ses shiko s'améliorent, et son corps commence à s'habituer au programme éreintant de l'entraînement, si ce n'est qu'il devient plus fort. Il peut désormais pousser Taylor tout le long du dohyo, et il commence à apprécier la sensation d'accomplissement qui vient lorsque couvert de sueur et de sable, on a fait bouger un homme gigantesque. Il connaît aussi désormais cet exercice par son véritable nom, butsukari-geiko, comme il sait que keiko veut dire entraînement, de-geiko entraînement à l'extérieur, keikoba aire d'entraînement. Il a fini par comprendre que le sonore « Ohssssh ! » pour accueillir les supérieurs est en fait une phrase complète - « ohayo gozaimasu », qui veut dire bonjour – et il peut désormais le grommeler aussi bien que n'importe quel samurai de série télé. Il sait que la différence entre les sekitori et ceux qui se trouvent en dessous est aussi importante que le contraste entre leurs mawashi blancs et noirs respectifs. Dans la keikoba, Chad a fini par tester cette satisfaction d'amélioration grandiose qu'il avait pu ressentir sur les terrains de basket, un type de satisfaction que peut ressentir les golfeurs ou coureurs, ou encore pianistes débutants : On commence de zéro, et on contemple ses améliorations d'une étape à l'autre, et ces améliorations ne commencent à ralentir que lorsqu'on a atteint un certain niveau de compétence. Chad a encore un long chemin à parcourir, mais trois semaines ont fait parcourir un sacré bout de chemin à un gamin qui ne pouvait comprendre un mot de ce qui se disait. Non seulement les mots commencent à s'accumuler dans sa tête, mais il bat certains d'entre eux sur le dohyo.

De retour au premier de-geiko à Osaka ce printemps, Chad contemple le banzuke en direct, quand une parade de sekitori rentre alors qu'il accomplit son dernier shiko. Les costauds des costauds sont là. Mitoizumi balance une poignée de sel et affronte quelques adversaires avant de perdre. Puis Nankaryu. Puis Asashio. Et quelques sekitori que Chad ne connaît pas prennent leur tour et choisissent leur adversaire. Avec le haut niveau de compétiteurs dans la pièce, personne ne remporte plus de deux ou trois combats à la suite, le vainqueur étant toujours plus épuisé que son adversaire. Mais quand Konishiki finit par faire son entrée, il dégage six adversaires de rang avant de, complètement éreinté, se faire sortir. Konishiki dure toujours le plus longtemps. Toujours.

Senpai de Chad Rowan avec plus de cinq ans d'ancienneté que celui-ci, Konishiki est une sorte de parrain pour tous les garçons de Hawaï. Plus facile à prendre comme modèle que Azumazeki oyakata, Konishiki est le plus grand soutien. Il les prend en charge comme de jeunes frères, faisant de son mieux pour les mener dans la bonne direction, par l'action et par l'exemple. Et à l'époque où Chad Rowan fait son arrivée, Konishiki a tout un trésor d'expérience à partager avec le jeune hawaïen. A la différence d'Azumazeki oyakata, il a du tester les limites du rigide monde du sumo dès le début.

En 1998, un énorme panneau au-dessus de l'aire de contrôle des passeports de l'aéroport Narita de Tokyo résume en 6 mots le type d'hospitalité dont peut jouir un étranger au Japon : « Bon séjour, mais suivez les règles ». Le problème pour un étranger qui souhaite faire un peu plus qu'une simple visite est que pas mal de ces « règles » sont non écrites. Les choses se font d'une certaine manière simplement parce que c'est comme ça, une notion qu'on peut appréhender par la classique expression « sho-ga-nai », qui signifie « y a rien à y faire ». Sho-ga-nai est ce qu'on dit aux travailleurs quand ils sont envoyés à l'étranger loin de leurs familles et sans qu'on leur demande leur avis, ou quand on leur fait subir un nombre déraisonnable d'heures supplémentaires non payées.

Toutes les années avant l'arrivée de Chad Rowan, sho-ga-nai est l'adversaire le plus féroce de Konishiki. Il n'a jamais peur de demander « pourquoi ? », et ne se satisfait jamais d'un « sho-ga-nai » comme réponse. Si Konishiki est suffisamment intelligent pour reconnaître les lois non écrites de cette nouvelle culture, il ne craint pas de les remettre en question et n'est pas toujours enclin à les suivre comme Takamiyama le faisait. A la différence de ce dernier également, Konishiki, à ses débuts, ne se préoccupe pas des sentiments de ses hôtes en combattant poliment sans les ridiculiser dans leur sport national. Il n'est pas venu pour suivre de telles lois. Il est venu pour gagner.

Larry Aweau avait pu vendre l'expérience du sumo en 1982 à Salevaa Atisanoe, et le gros gaillard s'était envolé vers Tokyo peu après sa sortie de la fac de chimie de Hawaï avec les honneurs. Dès son atterrissage à l'aéroport Haneda à temps pour se qualifier en juillet et participer à la compétition en septembre, l'ancienne star lycéenne de foot US anéantit d'entrée ses adversaires, gagnant son premier tournoi en jonokuchi, le tournoi jonidan en novembre, la division sandanme en janvier – vingt victoires consécutives avant de s'incliner au dernier jour. Comme une grande part de l'entraînement des divisions inférieures consiste à prendre du poids pour gagner en puissance, l'avantage de l'Américain est clair : Râblé avec un peu moins d'un mètre 90, il approche déjà les 200 kilos, un poids que même beaucoup de rikishi de la division reine n'atteignent jamais. Il compense ce qui lui manque en technique de sumo par la puissance brute, et également par une rapidité et une agilité hors du commun pour un homme de son gabarit. Après le Nagoya basho de juillet 1983 – son huitième, un record à l'époque pour une ascension des rangs inférieurs – il est promu en juryo.

En raison de cette ascension rapide, les puristes du sumo ressentent Konishiki comme un envahisseur de leur sport national. Il est assimilé aux tristement célèbres Bateaux Noirs des Américains, qui contribuèrent à contraindre le Japon à s'ouvrir à l'Occident en 1854 – un sentiment qu'il ne contribue pas à calmer. Là où Takamiyama s'était adapté à la vie du sumo en jouant le rôle du modeste, Konishiki paraît un malotru doté d'un avantage injuste. Son ascension en division makuuchi – également la plus rapide de l'histoire – insuffle une confiance chez l'Américain qui au Japon passe plus pour de l'arrogance. Il n'essaie jamais vraiment de s'adapter, et aggrave le problème en disant ce qu'il pense avant même de savoir le dire de façon précise dans sa nouvelle langue. Il clame même alors qu'il n'a l'intention de rester au Japon que tant qu'il aura du succès et en retirera de l'argent.

Konishiki ne s'en sortira jamais aussi bien que Takamiyama en partie à cause de son manque de patience vis à vis de la presse en général. Dans une interview dans sa heya un après-midi de 1984, par exemple, Konishiki apparaît à l'évidence irrité et fatigué – tous les autres rikishi sont alors en train de faire leur sieste – à mesure qu'il répond à des questions qu'il considère comme des insultes à son intelligence (tout étranger complimenté pour la centième fois sur son habileté à manier les baguettes sait de quoi il s'agit). Au moment où on lui demande ce que le sumo signifie pour lui, Konishiki répond simplement « kenka », un mot qui se traduit comme « combat », mais se réfère plutôt aux combats de rue.
Un grand silence accueille la réponse.
« Kenka, ja nai ? » répète-t-il, impatient, l'air condescendant. « C'est un combat, non ? »
« Comme la boxe ? », lui demande finalement l'interviewer.
« Hai ».

A bien des égards, bien entendu, le sumo est semblable à la boxe. Mais à l'époque de cette interview, Konishiki n'a ni la maîtrise de la langue ni la patience pour en dégager les importantes différences. La désapprobation qui en résulte lui montre alors qu'il a largement sous estimé l'importance de son image et la révérence qu'on attend qu'il manifeste à l'égard de son sport.

Autre occasion. Au cours d'une interview moins formelle faite environ à la même époque, les caméras le surprennent dans la rue. « Gagnez-vous en confiance ? » lui demande-t-on.
Konishiki opine et répond « Je vais gagner en confiance désormais. Je vais devenir meilleur ».
« Si vous devenez meilleur, vous devriez avoir à affronter les ozeki et yokozuna ».
« Ataru yo » répond avec arrogance Konishiki, employant un terme qui se traduit à peu près par « c'est l'objectif », ou, dans ce cas « c'est bien ça : Qu’ils viennent ». Suivant l'étiquette du sumo, comme Randy Rowan aurait pu le dire à son fils, il ne devait pas se la jouer. Il aurait du dire « gambarimasu » avec une grande humilité, un mot employé plus souvent par les rikishi que Jésus par les joueurs de la NFL quand ils marquent un touch-down. Celui-ci signifie, simplement, « je ferai de mon mieux ».

toonoryu
30/08/2006, 18h22
L'arrogance affichée de Konishiki, une chose naturelle et innée chez un athlète américain, si ce n'est recommandée, entre en conflit avec le sumodo, l'austère code de comportement et système de croyances qui sous-tend les mots que peut employer un rikishi, sa façon de marcher, l'absence d'émotion visible. Dans la langue japonaise, le concept de « do », qui se traduit au propre comme au figuré par les mots « voie » ou « chemin », est employé comme suffixe pour définir les voies employées pour suivre la voie des dieux (shintô), la voie des guerriers (bushido), la voie de la flexibilité (judo), et autres. Le contraste avec Jesse Kuhaulua, qui excellait dans le sumodo en gravissant le banzuke de manière lente et continue, est ici évident. Alors que Konishiki touche à la grandeur dans le sumo, il ignore complètement le sumodo – un fait qui reviendra le hanter. Yoshitaka Takahashi, professeur de littérature germanique et président à l'époque du Conseil de Promotion des Yokozuna, écrit ceci dans la Far Eastern Economic Review : « Le problème est que le sumo est une sorte de culture ethnique plutôt qu'un sport. La vie d'un lutteur de sumo implique d'entretenir des rapports avec de riches mécènes et d'être contraint à d'autres obligations qui seraient négatives pour des athlètes ordinaires. Mais désormais il y a ce costaud qui débarque avec en tête l'idée que la seule chose qu'il a à faire c'est de gagner ».

La notion de sumo comme sport national échappe à Konishiki, dont les échecs politiques de ses débuts entachent ses triomphes sur le dohyo. Il apprendra avec le temps que le sumo n'est pas les Jeux Olympiques, mais jusqu'à ce que cette période ne vienne ses actions se combinent avec ses écrasantes performances sur le dohyo pour effrayer bien des Japonais, qu'ils soient des puristes du sumo ou non. Menaces de mort, effigie clouée à l'entrée d'un sanctuaire shintô, lettres anonymes – tout cela lui tombe dessus comme une pluie de tsuppari au visage.

Konishiki se trouve au centre d'une scène dont les spectateurs vont bien au-delà des quelques milliers qui viennent le voir au Kokugikan. Les vagues humaines de Tokyo assaillent l'étranger au moment où il sort de la douane pour entrer dans le hall de l'aéroport. Et si les terminaux d'aéroport sont des ruches humaines dans le monde entier, la différence avec Tokyo est que, lorsque l'on quitte l'aéroport, cela empire. Dans un pays réputé pour son sens de l'intimité et son respect de l'espace de chacun, les gens se bousculent dans la rue sans la moindre excuse – pas franchement par impolitesse mais parce que Tokyo serait rapidement paralysé si chaque choc devait être excusé. Parcourir certaines rues peut parfois s'apparenter à sortir du Kokugikan un jour de sumo à guichets fermés.

L'image de cette foule somme spectateurs du feuilleton culturel Konishiki est mieux appréhendée par ceux des gaijin qui avons eu l'opportunité de vivre au Japon. Premièrement, les gens vous regardent toujours, même si vous n'êtes pas Konishiki. Les enfants vous fixent et vous montrent du doigt quand ils sont assis en face de vous dans le métro. Parfois ils disent à leurs parents que vous avez l'air effrayant, juste devant vous, et alors leurs parents vous regardent, et expliquent : « Oh, c'est un étranger ». J'ai souvent pris le métro avec George Kalima quelques années après son retrait de la compétition. Si bien peu de gens le reconnaissaient comme Yamato, son ventre attirait autant l'attention que son statut de sekitori n'avait jamais pu faire durant son bref moment de gloire dans le sumo. En vingt minutes une nuit, il entendit les mots « Oh, il est gros » onze fois alors que les gens montaient ou descendaient du wagon, et à chaque fois tous les gens alentours se retournaient vers lui. Ce type de regards se produit si souvent que même lorsque personne ne vous remarque, vous vous mettez à penser que tout le monde vous épie. Ce sentiment se mixe alors avec votre propre ressenti de la différence visuelle entre vous-même et tous les autres – en particulier si vous venez d'une terre de brassage ethnique comme l'est Hawaï – pour créer l'impression que vous êtes totalement seul, sous les projecteurs et devant un public de millions de personnes où que vous puissiez aller.

La métaphore théâtrale correspond parfaitement à ce que Takamiyama, Konishiki, Akebono et Yamato ont eu à faire face en raison de l'aspect hautement théâtral de la vie réelle que mènent tous les autres gens au Japon. C'est certain, la notion de comportement normal existe dans toutes les cultures sous une forme ou une autre ; les protocoles et bonnes manières ne sont pas spécifiques au Japon. De la même façon, les hiérarchies professionnelles dans des endroits tels que les hôtels ou les hôpitaux américains sont aussi rigides sur le rôle de l'ancienneté qu'elles peuvent l'être au Japon. Mais au Japon les collègues de travail dans un hôpital s'adressent précisément l'un l'autre dans des termes propres à la relation senpai-kohai et agissent en concordance avec ces principes, y compris en dehors du lieu de travail. Et si les Américains ont des attitudes différentes pour toutes les situations, de l'entretien d'embauche au rendez-vous galant, au Japon il existe un terme spécifique pour désigner ce théâtre de la vie quotidienne : « tatemae ». Le visage de devant, le visage montré. Son opposé est aussi déterminé : « honne ». Les sentiments véritables. Les étrangers se confrontent d'emblée au tatemae, qu'ils en soient ou non conscients, quand leur premier « konnichi-wa » est salué par un enthousiaste « Oh, votre japonais est excellent ! ». Beaucoup d'entre nous finissent par rejeter le tatemae, le trouvant condescendant. On sait que sa pratique de la langue japonaise est bonne quand les gens arrêtent de faire des compliments à ce sujet. Le tatemae est le bavardage poli de cocktail élevé au rang d'art de vivre et peut aller de la politesse excessive au mensonge éhonté. C'est du théâtre, mais il y a un but dans tout cela : garder certains types de relations à un niveau prévisible, suffisamment distant.

Les relations entre le tatemae et le honne sont difficiles à appréhender dans la pratique quotidienne, car les gens ne s'expriment pas en permanence comme dans un livre. La chose la plus importante dans le fait de mentionner ces types de comportement réside dans le fait qu'ils ne font pas qu'exister : ils ont un nom. Que le honne apparaisse la plupart du temps quand les gens sont ivres est très significatif de la façon dont Konishiki est ressenti les premières fois où il s'exprime publiquement : un comportement de soûlard, parfaitement acceptable au Japon, est une échappatoire où à un moment donné les gens sont encouragés à se laisser aller, à être eux-mêmes, même à dire ce qu'ils ont sur le coeur – dans bien des cas, peu importe qui est présent et qui peut en être offensé. Les personnes ivres au Japon sont appelés « mignons », comme on pourrait dire d'un enfant qui fait une bêtise. Et Konishiki, pas franchement un maître dans l'art du bavardage de cocktail à l'époque, est, avec son honnêteté, considéré comme immature.

Le plus difficile dans l'ascension du banzuke pour Konishiki, et de fait pour tous les rikishi gaijin, n'est pas dans le travail ou dans les victoires sur le dohyo, mais l'attente placée sur eux de rejoindre d'une certaine manière le reste des Japonais d'égal à égal dans les apparitions quotidiennes. Or, comme George Kalima l'exprime quand je lui pose la question sur les obstacles qu'il a eu à surmonter avant que son propre nom, Yamato, n'apparaisse en haut de la liste : « Au début, [le plus dur dans la vie du sumo], c'était d'être loin de chez soi. Et puis après que j'ai fini par m'habituer, c'était d'essayer de me voir comme un Japonais pour que je puisse rentrer dans le moule». Il faut noter qu'il en dit rien sur le fait de devenir Japonais, ou de s'assimiler. Il lui faut se voir comme un Japonais. Pour paraître s'être assimilé, George finit par se créer deux rôles distincts. « dans ma vie actuelle », me dit-il un jour, à l'époque où il est encore en activité, « il y a deux moi-même : il y a Yamato et il y a George. Il y a deux faces. Le côté Yamato dira toujours 'je suis désolé' et se réfréner. Mais le côté George se défendra toujours. Tu vois, je suis obligé d'être un peu déchiré. Parce que quand tu fais du sumo, c'est un monde totalement différent. Tu dois l'apprendre. Si tu es seul, ou avec des amis, tu peux être toi-même. Mais aux yeux du public tu dois être un lutteur de sumo. Tu dois être Yamato ». durant ses huit années au Japon, George Kalima aura appris beaucoup sur le tatemae et le honne, et comment se forger des identités culturelles appropriées.

Entre les années ou il compare le sumo au kenka et l'arrivée de Chad Rowan en 1988, Konishiki finit par devenir également un adepte des apparitions publiques. Les critiques à son encontre se sont calmées suite à une blessure au genou contractée dans un effort pour sortir les 160 kilos de Kitao hors du dohyo lors du Natsu basho 1986. la prise fait peser plus de 400 kilos sur le genou, déchirant les ligaments et le forçant à manquer le tournoi suivant. La blessure rend plus humain Konishiki même aux yeux de la Kyokai, qui le récompense par une promotion au rang d'ozeki l'année suivante pour la rapidité et la volonté qu'il a manifestés lors de sa convalescence (gaman) et, bien entendu, pour les solides scores qu'il s'est remis à accumuler. Konishiki continue encore à s'améliorer sur le dohyo mais, plus important, il prend bien plus conscience de son rôle en dehors de celui-ci.

toonoryu
30/08/2006, 18h23
Au cours d'une interview télévisée cette année-là, un Konishiki plus sage, plus mature et s'exprimant avec plus de fluidité revient, entre autres erreurs, sur le kenka de 1984. son explication combine l'admission de sa culpabilité avec une erreur de langage quand il avait changé le terme anglo-japonais de « fight-toh » pour le mot kenka, alors qu'il cherchait à parler du combat dans sa noble acception.

« mon commentaire a été mal interprété. J'ai l'esprit d'un combattant en moi. Dans tous mes combats je me donne à fond. C'est l’œil du tigre. Même quand mon entraîneur me dit 'fais un beau combat', il veut dire 'donne tout ce que tu as'. Les média ont pensé que je parlais de kenka. On ne doit faire de kenka avec personne ».
« Quand les Japonais vous ont entendu pour la première fois », lui répond l'interviewer, « ils ont pensé que vous parliez de 'kenka'. Ils ont pensé que vous pensiez à une bagarre ».
« Oui, vous savez, j'ai eu tort. Je parlais du fight-toh no kimochi [l’œil du tigre] »

Que Konishiki soit sincère ou non dans cette interview n'est pas l'essentiel. Il a enfin compris comment suivre les règles, au moins en public. Il est alors convaincant, ayant finalement appris – en grande partie en raison des réactions du public – l'importance de son personnage public dans les démonstrations de culture populaire dans sumo comme dans la culture nationale en général.

Le terme de Kabuki « senshuraku » désigne à la fois le dernier jour d'une représentation de Kabuki (le théâtre traditionnel japonais) et le dernier jour d'un grand tournoi de sumo, une chose qui n'échappe pas à Konishiki alors qu'il est proche du rôle de leader de yokozuna. Même après que le dernier combat est terminé et la Coupe de l'Empereur remise, la pièce – pour Konishiki, le reste des rikishi et le reste du japon – continue.

Être accepté au Japon, toutefois, ne se résume pas seulement à « faire comme » un Japonais. Cela vaut ce que cela vaut, mais sur quatorze pays que j'ai vus je n'en trouve aucun qui s'approche du niveau d'hospitalité que l'on trouve au Japon. Et pourtant en dépit de la gentillesse que beaucoup de Japonais leur ont manifesté comme individus, et bien qu'ils aient pu s'approprier leur rôle dans le code du sumo, apprendre le Japonais et même prendre la nationalité japonaise, au bout du compte les rikishi de Hawaï sont toujours perçus comme des étrangers. La différence raciale criante les met toujours à part. Mais plus important encore est la façon dont à la fois la politique officielle et les commentaires des dirigeants jaugent ceux qui au Japon ne sont pas d'ascendance japonaise. Jusqu'à 2000, par exemple, le gouverneur de Tokyo Shintaro Ishihara attribuait aux étrangers la responsabilité de la montée de la délinquance dans sa ville. Pour mettre l'accent sur ce point, il a employé le terme « san-goju-jin », qui se traduit à peu près par « les gens du troisième pays », une injure raciale non seulement aux yeux des étrangers vivant au Japon, mais aussi pour beaucoup de Japonais dont, bien entendu, Ishihara lui-même (figurez-vous Rudy Giuliani [maire de New York] dire « s'il n'y avait pas les nègres, les citrons et les chicanos, New York serait une ville bien plus sûre »). si la remarque fit quelque peu controverse au sein de la population des étrangers résidant au Japon, elle fut loin d'être une cause de soucis politiques.

Eu égard à la politique officielle du Japon concernant les non-Japonais, elle a peut-être même aidé le gouverneur au plan politique. En sus de ne pas accorder de visas permanents même pour des professeurs agrégés enseignant dans les universités japonaises, et de contraindre les travailleurs étrangers à payer pour les pensions de retraite après trois ans sans jamais les autoriser à en bénéficier, le gouvernement japonais pointe du doigt comme fauteur de trouble potentiel quiconque au Japon n'est pas ethniquement Japonais – y compris le légendaire roi du homerun Oh Sadaharu, né au Japon d'une mère Japonaise et d'un père Chinois, élevé à deux pas du Kokugikan, à qui l'on refusa un passeport japonais et qui à qui l'on interdit comme lycéen de participer aux compétitions nationales amateurs.

J'ai eu une fois l'occasion d'être assis près d'une femme dans un vol de Narita à Honolulu, qui se présenta comme étant Yumi, nom assez courant pour une Japonaise. Yumi Park était née à Kudanshita, un quartier de Tokyo, d'une mère née elle-même à Tokyo. Elle était indubitablement Japonaise dans le phrasé comme dans l'attitude. Mais ethnique ment Coréenne de troisième génération, il lui fallait porter un passeport coréen – un fait qui la ravalait au rang des « san-goku-jin » du gouverneur. Elle se voyait également refuser un certain nombre de prestations de base dont jouissaient les contribuables d'origine japonaise, dont le droit de vote. Le plus significatif à mon sens est qu'ayant vécu sa vie entière au Japon après être née à quelques mètres du Palais Impérial, elle s'était même vue refuser une romanisation de son nom, qui était épelé « Yoomi ».

Pour Konishiki, la barrière véritable de l'acceptation d'un étranger au Japon finit par se résumer en un seul mot : « hinkaku ». On l'a laissé venir au Japon. On l'a laissé participer au sport national. On l'a laissé en dominer les plus grands lutteurs. Mais au moment où il ose s'approcher de la corde blanche sacrée, les gens commencent à parler d'hinkaku, une forme de dignité dont beaucoup de Japonais pensent que seuls les Japonais peuvent la posséder, et l'une des conditions préalables à la promotion comme yokozuna. Le yokozuna étant censé représenter un modèle pour le reste du Japon – une incarnation de la puissance, de l'acharnement dans l'effort et de la dignité – l'hinkaku doit émaner de toutes les pores de sa peau. Cela veut dire qu'il doit démontrer qu'il a intégré le poids de sa charge, sa place dans la hiérarchie, et l'effet qu'il produit sur les autres. Il doit refléter cela dans son apparence physique, ses habits, son comportement, ses paroles, se comportant comme il est du sans souffrir aucune question ni exception. Les différents aspects de l'hinkaku sont tout autant pris en considération pour une promotion comme yokozuna que la puissance d'un rikishi.
« Nous voulons que nos yokozuna soient plus que des rikishi qui accumulent les victoires », déclare en 1992 le président de la Kyokai Dewanoumi. « Nous voulons qu'ils aient le sens des responsabilités, envers le sumo et la société au sens large. Nous voulons qu'ils aient des manières et une dignité dont nous pensons qu'elles sont les choses les plus importantes dans le sumo ». Ou, dit sous une autre forme, « Nous voulons qu'ils soient Japonais ». Les étrangers, bien que pas nécessairement exclus, doivent avoir une pleine compréhension de ce qu'est Japonais, y compris le tatemae et toutes les « règles ».

A partir du moment où Konishiki apprend à agir en fonction des règles, comme il le démontre dans sa discussion de 1987 sur ses premiers errements culturels, il fait alors de son mieux pour ignorer le vacarme autour de son ascension, et prouver qu'il mérite sa promotion sur le dohyo. La pression induite par sa position d'étranger essayant de montrer de quoi il est capable monte de plus en plus à mesure de ses cinq places de finaliste de tournoi précédant sa première victoire en 1989, quand il est enfin à même d'amasser quatorze victoires contre une défaite pour s'adjuger une Coupe de l'Empereur qu'il reçoit en larmes.

Mais le soulagement d'avoir remporté un tournoi n'est que de courte durée, face à la montée des attentes d'une victoire au Haru basho et, enfin, une promotion comme yokozuna. Konishiki échoue, tout comme au mois de septembre suivant en ne remportant que deux places de finaliste supplémentaires. Après la retraite de deux des trois yokozuna restant en 1991, la promotion n'avait semblé plus qu'être une question de « quand » plutôt que « oui ou non », mais il devient clair que Konishiki manque de la concentration nécessaire pour s'adjuger deux tournois consécutifs. Le premier des prérequis pour une promotion au rang de yokozuna est de remporter deux basho consécutifs ou d'accumuler un score d'une « valeur équivalente » avant toute discussion, mais l'Américain semble s'effondrer dès que la victoire est requise.

Moins de deux semaines avant le cinquantième anniversaire du bombardement de Pearl Harbor, Konishiki remporte le Kyushu basho est soulève à nouveau des attentes. Une victoire au Hatsu basho de janvier 1992 l'amènerait enfin au sommet, et même de nombreux fans Japonais lui sont favorables. Il a fini par être accepté par beaucoup au Japon, et son rôle est unique : il est devenu un ambassadeur des Etats-Unis et du Japon en même temps, à un moment où les tensions économiques croissent entre les deux rivaux. Mais encore une fois Konishiki échoue au pied du mur, finissant à 12-3, troisième derrière Takanohana (14-1), le jeune garçon de 19 ans qui, avec son frère aîné et Akebono (second avec 12-3), représentent l'avenir du sumo. Toutefois, le solide basho de Konishiki lui confère une infime chance qu'un basho particulièrement impressionnant à Osaka le place dans la catégorie des « performances équivalentes ».

Konishiki s'adjuge la Coupe de l'Empereur à Osaka, mais en raison de sa non promotion il finit dans un entrelacs de relations conflictuelles entre les deux pays qui se sont détériorées depuis la tentative de George H.W. Bush de vendre des voitures au cours d'une mission diplomatique en janvier de cette année. Aux accusations japonaises de racisme survenant à une époque où la critique anti-nippone est à son apogée aux U.S.A. répond un article du New York Times citant le rikishi américain qui se plaindrait que son statut d'étranger l'a tenu à l'écart d'une promotion. « Je ne peux plus cacher mes sentiments plus longtemps », aurait-il dit. « J'espère que cela fera comprendre à la Kyokai qu'ils ne doivent plus me laisser plus longtemps dans cette situation ». Konishiki niera plus tard avoir fait cette remarque, disant qu'un autre rikishi américain de la Takasago-beya a répondu à sa place au téléphone. Le Times ne confirmera pas. Mais, quelle que soit la vérité, des dommages irréparables sont faits.

toonoryu
30/08/2006, 18h24
...et voilà la fin...



Confrontée à des accusations de racisme provenant d'une Amérique qui n'avait jamais porté un quelconque intérêt au sumo mais qui liait désormais le sort de Konishiki à des choses telles que la politique de deux poids, deux mesures, du Japon dans le commerce international, la NSK choisit de remettre le gros bonhomme à sa place en garantissant virtuellement sa promotion avec une victoire au tournoi suivant du mois de mai. Les yokozuna Asahifuji (1991) et Hokutoumi (1987) avaient été promus après des scores sur trois tournois de 8-7, 14-1, 14-1 et 11-4, 12-3, 13-2 respectivement – des scores que la Kyokai est obligée malgré elle de reconnaître comme étant bien inférieurs au 13-2, 12-3, 13-2 qu'ils ont jugé insuffisant pour la promotion de Konishiki. Mais la NSK maintient avoir resserré les conditions de promotion depuis le départ abrupt du yokozuna Futahaguro en 1998, après que ce dernier a projeté l'okamisan au sol après une violente dispute avec l'oyakata (Futahaguro avait été promu sans avoir remporté un seul tournoi. Ironie du sort, c'est l'adversaire, alors nommé Kitao, contre lequel en 1984 Konishiki se blesse le genou).

Dans sa conférence, le président de la Kyokai Dewanoumi en vient alors à expliquer les subtilités d'une promotion sur la base de « performances équivalentes », sa relation avec le sumodo, et sans le dire directement, les raisons pour lesquelles Konishiki n'a pas été retenu.

« Nous avons ce que nous appelons le Conseil de Promotion des yokozuna, qui comprend environ treize membres, et que nous considérons comme un organisme de conseil, représentant les fans. Ils se réunissent après les basho et font des recommandations, mais ils n'ont pas de pouvoir de contrainte. Puis la Commission d'Evaluation et le Directoire se réunissent, et nous parvenons à la décision. Il existe certains cas pour lesquels un rikishi peut ne pas avoir remporté deux yusho consécutifs, mais il peut être éligible parce qu'il démontre un certain niveau de qualité dans son sumo, qu'il est un bon éducateur, un bon leader, et qu'il représente ce qu'il y a de mieux dans le sumo et qu'il peut l'enseigner aux jeunes rikishi. C'est un peu difficile à comprendre, mais nous accorderions une promotion à quelqu'un comme cela au plus haut rang. Il y a des cas dans lesquels nous l'avons fait. Pour ce qui concerne Konishiki, nous n'avons pas considéré qu'il avait des scores suffisants. Dans les autres aspects du personnage, il serait mal élevé que je mentionne ici les changements que nous aimerions lui voir effectuer. Cela concerne sa propre personnalité et c'est quelque chose dont nous discutons avec lui en ce moment. Il y a un ensemble de points auxquels nous pensons, mais ce n'est pas ici que je discuterai de ce genre de choses. Il existe aussi des points de vue personnels. Par exemple, certains pourraient avancer qu'il est trop gros d'un point de vue de sécurité médicale. Nous prenons en compte différents facteurs dans le processus »

La défense du Rijicho est merveilleusement japonaise en ce qu'elle dit entre les lignes. Sans les victoires consécutives, un rikishi est à la merci de l'opinion d'un groupe d'individus – dont aucun n'a jamais revêtu de mawashi – responsables de la décision finale. En outre, voici les raisons pour lesquelles Konishiki n'a pas été promu, ses scores, sa personnalité et même son poids. Konishiki a amélioré son apparence comme personnage public au cours des ans, mais au final il lui manque toujours l'hinkaku, au moins au point que ses scores limites ne puissent seuls suffire pour lui garantir sa promotion.

A l'époque il est difficile de faire avaler cela à un public américain bercé dans une culture du « seul le résultat compte ». les Américains ne comprendront jamais la signification culturelle du sumo ; après tout, Konishiki lui-même n'y est pas parvenu dans ses vertes années. Le brouhaha s'amplifie, consécutivement à des jugements basés sur des généralisations culturelles plutôt que de considérer la situation de Konishiki comme quelque chose d'unique dans les deux pays, et résulte dans un climat de défiance venant des tensions économiques de l'époque, des difficultés originelles de Konishiki dans le sumodo et, plus important peut-être, de la nature communautaire de la culture japonaise. Un pays sous-tendu partout par des logiques de groupe en vient naturellement à se considérer lui-même comme un groupe plus important. Le grand groupe auxquels les japonais appartiennent – le Japon lui-même – est ce qu'il y a de plus important, et Konishiki le menace depuis le début. Il n'a pas été le bienvenu dès le départ parce qu'il ne savait pas comment jouer son rôle dans la communauté, et qu'il n'a jamais caché ses points de vue par déférence au groupe. Ses chances de promotion après le basho d'Osaka, même réduites au regard de son score et du tour plus conservateur pris par la Kyokai pour les promotions futures, peuvent également avoir été brisées parce que, pour beaucoup, il est toujours « l'un d'eux ».

L'écrivain Noburu Kojima, membre important du Conseil de Promotion des yokozuna à l'époque, va jusqu'à écrire un article pour défendre le sport national intitulé « nous n'avons pas besoin d'un gaijin yokozuna ». « Ce qui rend le sumo différent », écrit-il « c'est sa propre caractéristique de civilité, qui est la base des valeurs japonaises. Je ne peux être en accord avec une école de pensée qui voudrait d'un gaijin yokozuna comme partie de l'internationalisation ». Le Japon s'est, bien entendu, fortement internationalisé dans les vingt années qui ont suivi la première Coupe de l'Empereur de Takamiyama. Et pourtant à chaque fois que Konishiki s'est approché de la corde blanche sacrée, des commentaires xénophobes tels que celui-ci ont fait leur apparition, comme si le temps s'était figé et que le japon était toujours isolé en 1992. Konishiki a déclenché encore plus de polémiques en répondant aux commentaires de Kojima pour ce qu'ils étaient : de la propagande raciste. Qu'il soit suffisamment honnête pour qualifier l'article de raciste était encore une fois loin du personnage effacé que le Kyokai souhaitait le voir devenir, une sorte de gaman politique auquel l'Américain n'était pas prêt à se soumettre.

La pression politique engendrée par ce scandale grandissant ne fait alors rien pour aider Konishiki sur le dohyo, un endroit où le stress ordinaire de la compétition est déjà suffisamment difficile à gérer pour lui. Alors que dans le passé il s'était mis la pression tout seul, s'attendant à ce que son ascension rapide au travers de la juryo se poursuive jusqu'au rang de yokozuna, désormais la pression vient de toute part. Bien malgré lui, Konishiki est devenu un ambassadeur de l'Amérique. Une Amérique très énervée par un pays dont le leader l'a traitée de « paresseuse ». une Amérique dans une année électorale dont les discours de campagne foisonnent d'expressions telles que « combattre à armes égales ». Une Amérique dont la connaissance la plus étendue de la culture japonaise vient d'un best-seller stéréotypé s'appelant Rising Sun. Chez Konishiki, nous trouvons un symbole de l'éthique de travail américaine, un symbole de la supériorité dont nous semblons tant avoir besoin à l'époque.

A Hollywood, l'Américain serait sorti invaincu du tournoi crucial, aurait laissé sa précieuse tsuna au milieu du dohyo, et serait parti dans le soleil couchant vers l'adoration du public américain. Mais dans la réalité, Konishiki, cette fois de manière plus compréhensible, échoue dans son entreprise. Il ouvre le tournoi sur quatre victoires consécutives, puis enchaîne sur une catastrophique série de quatre défaites qui l'écarte prématurément. « J'essayais de me retrouver moi-même », déclarera-t-il plus tard à Sumo World. « mais tout a semblé s'effondrer après cela. J'essayais de voir si j'étais sur la bonne voie. J'étais juste perdu. Si vous n'avez pas cette concentration mentale dans vos combats, il est dur de continuer à gagner ». Il finit le tournoi sur un score de 9-6 qui s'avèrera être son dernier aux sommets du banzuke.

remiogawa
30/08/2006, 21h30
Alors là Toonoryu je tiens à te dire que c'est un travail énorme que tu viens de faire .Merci. :D
Traduire et nous en faire part c'est sympa.
Cette période ou il y avait Konishiki je ne la connais pas et j'ai entendu pas mal de chose sur konishiki et sa non promotion bref maintenant il y a des points qui s'eclarerent.
C'est un très bon article j'ai bien apprécié la comparaison faite entre le sumo et le basket.

Erochan
30/08/2006, 22h57
Merci !
Très intéressant, aussi bien sur l'histoire de Konishiki que sur l'aspect comportemental japonais et la position des étranger dans ce pays.

Musashimaru
30/08/2006, 23h15
Ouah!! Fabuleux!

Tu as fait un super travail, et c'est vraiment très intéressant!

J'en connais un qui va être content de cet article.. :wink:

Kaiomitsuki
30/08/2006, 23h16
Un grand merci Toonoryu :wink:

Takanohanakoji
31/08/2006, 02h15
Quel courage! Tu devrais rajouter cette article sur Wikipedia France.

konishiki
31/08/2006, 11h07
merci beaucoup ! :wink:
mais je continue de croire que mon idole aurait été un formidable yokozuna ! :cry:


merci beaucoup ! :cry:

pereboulon
31/08/2006, 13h02
Alors là, Toonoryu, tu as fait très fort. Cette série de posts est, à mon humble avis, la plus grande contribution que j'ai pu voir à ce forum depuis que je le consulte. Même la bio de Wakanohana traduite par Thierry (Joe le cogneur) n'est pas aussi fantastique que cette traduction. Tu devrais en faire un article à mettre en avant sur ce site.

Quant à tes éventuelles faiblesses de traduction, je dois dire qu'elles sont bien cachées. Ton travail est vraiment remarquable.

Finalement tu es très sumo-do. Ta modestie est grande alors que mine de rien tu apportes jour après jour des contributions majeures à la découverte du sumo aux francophones.

MERCI !

Immyr
31/08/2006, 13h34
Je me suis permis de faire un petit PDF de l'article remarquable de Toonoryu pour les membres de notre communauté téléchargeable à cette adresse : http://www.box.net/public/6nmhm74tvt.

Merci encore à ce dernier pour son travail remarquable.

Asafan
31/08/2006, 13h54
Que dire de plus? Pereboulon a parfaitement résumé ce que tout le monde pense. Merci Toon. Tu es un stakhanoviste de la traduction sumoïstique! :D

Grâce à ce texte, je comprends un peu mieux la mentalité japonaise, et je dois dire que cela me choque. Du coup, cela me rend Konishiki bien plus sympathique. Ce passage sur le "tatemae" et le "honne" est édifiant. Ce qu'on montre, et les sentiments véritables qui se révèlent surtout lorsqu'on est saoûl. Cela prouve bien que l'humilité, à de rares exceptions près, n'est qu'une façade. On ne montre pas ses sentiments, sa joie, sa colère, sa fierté, juste parce que cela ne se fait pas. A mon sens, cela n'a rien à voir avec la véritable humilité, qui, elle, est ressentie. Je comprends d'autant mieux les "incartades" d'un Konishiki ou d'un Asashoryu. Ils n'ont simplement pas appris depuis tout petits à ne pas dire ce qu'ils pensent, à cacher leurs véritables sentiments derrière cette façade polie et humble. Et dans mon for intérieur, j'espère qu'ils n'apprendront jamais! Ce sont des esprits libres et rebelles, qu'ils le restent.

Je crois que je ne me plairais pas au Japon. Et en tant que femme, je vous dis pas! :roll: :wink:

Immyr
31/08/2006, 14h04
Ma chère Asafan, aimerions nous autant le sumo et par extrapolation, le sumo déchaînerait il autant de passions chez des gaijins comme nous si il n'avait son origine dans une société japonaise extrêmement codifiée ? Je n'en suis pas si sûr. :wink:

Asafan
31/08/2006, 16h20
Je ne crois pas que ce soit la société codifiée à l'extrème du Japon qui m'attire dans le sumo, mais cela mérite réflexion. Tu as raison, Immyr, c'est un bon exercice que d'essayer de déterminer en quoi le sumo passionne chacun d'entre nous.

Pour moi, il y a deux aspects du sumo à considérer. D'abord la façade, le décorum, l'exotisme. Je mets dans cette catégorie le mawashi, le chon et l'oicho-mage, les gyoji dans leur costume magnifique et leur gestique, les yobidashi, le dohyo, les tokoyama, le lancer de sel, etc. J'aime cet aspect, et je reconnais que sa codification même me plaît. Mais cela reste de la façade. L'autre aspect, pour moi de loin le plus important, est le combat. La vérité ultime est sur le dohyo. Toute la somme de travail, de sueur et de larmes qui s'y cristallisent en quelques secondes. C'est sublime et dérisoire à la fois.

Immyr
31/08/2006, 17h04
Ce qui m'intéresse et m'émerveille le plus dans le Sumo, et par extrapolation dans la société japonaise, plus que l'exotisme est en quelque sorte, la signification de toute cette codification.

Le "do" (la voie) est partout présent dans les codes.
La manière de vivre qui permet de rejoindre le "tout" et toujours par extrapolation le "sublime". L'article du SFM sur la fabrication des akeni (http://www.sumofanmag.com/content/Issue_8/Akeni_French.htm) en est un bon exemple. Penser que le père Watanabe a mis plus de 10 ans à apprendre comment couper le plus justement les tiges de bambou afin d'être maître de son art, pour trouver sa place dans le grand cercle de la vie...

Je pense que cet idée de faire parti d'un ensemble, non pas seulement dans l'idée de se fondre en perdant son identité, mais en accédant à quelque chose de plus grand est la signification originale de toute cette codification "rigide" de la société japonaise. Bien qu'intellectuellement je peux le comprendre, mon éducation, ma culture et mon mode de pensée m'empêche quand même de pouvoir l'appréhender avec mes codes de valeur occidentaux (bon je suis flou mais je me comprends :lol: ).

toonoryu
31/08/2006, 18h30
Merci pour vos compliments, même si je ne suis pas sûr de les mériter tant cette traduction a été faite un peu à la va-vite et sans un dico, donc avec certaines approximations (certes surtout repérable pour qui lit la V.O.). Pour le reste du bouquin, il est assez coton à traduire, en particulier pas mal de dialogues qui sont en anglais hawaïen (un régal...), je vais peut-être m'y mettre mais ça risque de me prendre plus que deux jours... par contre, si je souhaite le mettre à disposition des fans, reste le souci du "copyright". Donc deux solutions dans ce cas, contacter Mark Panek (pas sûr que ça aboutisse à quelque chose) ou le mettre à disposition par le service "TGV" (Info-Sumo, si tu m'entends, qu'en penses-tu ?). Si ce dernier système est envisageable, je pourrai également envoyer le bouquin "Sumo : From Rite to Sport" que j'ai traduit et déjà envoyé à certains d'entre vous. Je souhaite juste y ajouter les photos (faut que je trouve un scanner et le temps de les scanner) et peut-être le convertir en pdf (je n'ai pas le logiciel qui va bien, quelqu'un pourra peut-être m'aider ?). A propos, ceux à qui je l'ai envoyé, vous avez repéré des erreurs ?

Merci encore pour vos commentaires. J'aime bien voir que je ne fais pas ça pour rien, et qu'en plus ça permet de démarrer des threads sur des sujets variés reliés au sumo. C'est le but de la manoeuvre...

pereboulon
01/09/2006, 11h26
Je pense que cet idée de faire parti d'un ensemble, non pas seulement dans l'idée de se fondre en perdant son identité, mais en accédant à quelque chose de plus grand est la signification originale de toute cette codification "rigide" de la société japonaise. Bien qu'intellectuellement je peux le comprendre, mon éducation, ma culture et mon mode de pensée m'empêche quand même de pouvoir l'appréhender avec mes codes de valeur occidentaux (bon je suis flou mais je me comprends :lol: ).

Non, non, moi je te comprends (enfin, je pense) et j'ajouterais que j'ai une vision assez proche de la tienne.


Si ce dernier système est envisageable, je pourrai également envoyer le bouquin "Sumo : From Rite to Sport" que j'ai traduit et déjà envoyé à certains d'entre vous. Je souhaite juste y ajouter les photos (faut que je trouve un scanner et le temps de les scanner) et peut-être le convertir en pdf (je n'ai pas le logiciel qui va bien, quelqu'un pourra peut-être m'aider ?). A propos, ceux à qui je l'ai envoyé, vous avez repéré des erreurs ?

Je t'avoue que je n'ai pas encore eu le temps de regarder :oops: : le boulot, le travail au MDS, les vidéos : je suis assez chargé ces derniers temps et je préfère lire tout ça correctement, pas par tranches de 5 mn.

Pour ce qui est du scanner, on peut peut-être s'arranger, on en reparle lors du prochain repas (qui devrait être bientôt d'ailleurs : je vais lancer un message).

Satori
02/09/2006, 01h13
Tonooryu, d'abord désolé pour le retard mais ça vient... ;)

Pour ce qui est de la conversion en PDF d'un fichier Word, c'est une excellente idée et c'est simplissime (et gratuit) : il suffit de récupérer le logiciel PDF995 par exemple, ici (http://www.zdnet.fr/telecharger/windows/fiche/0,39021313,11009887s,00.htm).

C'est le logiciel utilisé dans ma boite pour produire les versions définitives des documents que nous produisons, et il est pratiquement irréprochable.

Installé, il se comporte comme une "imprimante" supplémentaire. Il suffit d'ouvrir le document sous Word, faire Fichier->Imprimer et changer d'imprimante dans la liste proposée, en choisissant l'imprimate "PDF", puis effectuer l'impression. Ca génère un fichier PDF qu'on peut renommer et sauvegarder où on veut.

Je recommande chaudement, ça marche impeccablement.

Satori

okami
02/09/2006, 10h57
whaou ... quelle lecture ; j'ai tout lu d'un seul coup et mon thé est tout froid :wink:

Bravo Toonoryu et chapeau !


Ce qui m'intéresse et m'émerveille le plus dans le Sumo, et par extrapolation dans la société japonaise, plus que l'exotisme est en quelque sorte, la signification de toute cette codification.
Le "do" (la voie) est partout présent dans les codes.
Moi aussi !
C'est ce qui m'attire tellement !

Pour avoir vécu au Japon une partie de mon adolescence (entre 10 et 15 ans) ma personnalité s'est forgée en grande partie à partir de ces codes et j'en ai été totalement imprégnée !
Au bilan, (je te confirme Asafan que tu ne serais pas "heureuse" au Japon :wink: ) cela donne une rigueur de vie pas toujours compatible avec le mode de vie en Occident ...

toonoryu
02/09/2006, 15h09
Tant qu'à faire, j'ai compilé l'essentiel des traductions que j'ai faites depuis quelques années sur un doc converti et hébergé par l'ami Immyr. Vous pouvez aller le récupérer au lien (http://www.box.net/public/ocu4qp3s8i) suivant :

Asafan
02/09/2006, 20h20
Tant mieux, parce que j'avais oublié la version imprimée de ton "sumo : from rite to sport" dans ma chambre d'hôtel à Beijing. Je n'avais donc pas pu le finir. Et de retour chez moi, je n'ai plus retrouvé le fichier dans mon ordi. :roll: J'espère qu'un francophone fan de sumo égaré dans un hôtel d'aéroport pékinois en profitera! :wink:

Merci, Toon. Merci Immyr.

J'y cours. :arrow:

Takanohanakoji
03/09/2006, 02h20
@Asafan: Donnes-moi le nom de ton hotel et ta chambre j'irai le recuperer!

Sanae
05/04/2007, 20h35
Fabuleux, merci beaucoup pour cette traduction, je suis persuadé qu'elle est d'autant meilleure que visiblement ta compréhension du monde du sumo et de la culture japonaise est bonne.

Asafan a ecrit
Pour moi, il y a deux aspects du sumo à considérer. D'abord la façade, le décorum, l'exotisme. Je mets dans cette catégorie le mawashi, le chon et l'oicho-mage, les gyoji dans leur costume magnifique et leur gestique, les yobidashi, le dohyo, les tokoyama, le lancer de sel, etc. J'aime cet aspect, et je reconnais que sa codification même me plaît. Mais cela reste de la façade. L'autre aspect, pour moi de loin le plus important, est le combat. La vérité ultime est sur le dohyo. Toute la somme de travail, de sueur et de larmes qui s'y cristallisent en quelques secondes. C'est sublime et dérisoire à la fois.

Je ne pense pas qu'il y ait deux aspects dans le sumo, mais qu'il est un tout indissociable, tout est important et a une raison d'etre, symbolique et pratique a la fois ; dans tous les arts martiaux japonais, et particulièrement dans le sumo, les codes sont des règles très difficiles à comprendre et sont là pour transcender l'humain et lui permettre d'acceder a quelque chose de sacré ou de divin. Toute "rigidité" d'un code est en quelque sorte un point d'appui physique, energétique, mental ou spirituel pour que l'homme puisse se transcender. C'est vrai que le combat cristallise tout le travail, on voit bien quand meme que toute la verité n'est pas la, mais ce n'est pas le plus important, puisque Kirishima ou Wakanohana III disent que s'il y a une erreur d'arbitrage, ils n'avaient qu'a gagner de façon plus nette ; le plus important n'est pas le resultat, les statistiques, mais l'ensemble, le tout