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Afficher la version complète : mondialisation du sumo



hogier
20/08/2004, 15h24
J'espère parvenir à vous intéresser par ce nouveau sujet. Je n'en suis pas sûr car je vais d'abord vous parler d'autre chose que de sumo: de judo.
Non! Ne vous sauvez pas ! Accordez-moi quelques minutes, vous allez voir de très amusantes similitudes. Tout d'abord, un peu d'histoire.
En 1964, les Jeux Olympiques se déroulent à Tokyo. Le judo, sport où les Japonais font plus qu'exceller, sont pour la première fois en démonstration au JO (le judo sera officiellement sport olypique en 1972 à Munich). Le judo n'est que pratiqué que par peu de pays à cette époque, les Japonais doivent simposer dans toutes les catégories. En toute catégorie, l'épreuve reine pour les Nippons, c'est le géant Hollandais Anton Geesink qui remporte la médaille d'or à la consternation des Japonais. Geesink devient un héro national au Pays-Bas, il se fait filmer en train de dévoiler la plaque de la rue qui portera désormais son nom. Il remportera par la suite de nombreux tournois. A la fin de sa carrière, il changera de discipline, et fera des combats de catch, sport (?) beaucoup plus rémunérateur. Spectacle navrant, que ces simulacres de combat où les lutteurs sont plus des comédiens que des sportifs. Celà ne vous fait penser à rien, un lutteur qui pour la première fois bat des Japonais dans un de leur sport traditionnel et qui se reconvertit en fin de carrière ? :D Je vous l'avais dit qu'il y aurait des similitudes!
Une fois le judo définitivement sport olypique, de nombreux pays se mettent "sérieusement" au judo. Ils organisent des stages au japon pour leurs champions. En France, le judo connait un engouement extraordinaire et devient ,après le foot, le second sport français en nombre de licencié. 10 fois plus par exemple qu'en rugby, sport traditionnel dans le sud ouest de la France. D'autre pays, possèdent un sport national proche du sumo. Par exemple la Russie avec le sambo. Les champions de ces pays, abandonnent leur sport national pour se consacrer au judo, sport olypique. Ces lutteurs arrivent au premier plan international avec de nouvelles prises inconnues des Japonais (je vous avais prévenu, :wink: en ce qui concerne les similitudes). La marque des points change. La façon même de combattre change, les Japonais n'ont pas le choix, ils doivent s'adapter. Ils sont fréquemment battus lors des grands évènements: championnat du monde et jeux olympiques.
Que devaient penser alors les Japonais ? Que c'était la fin du judo tel qu'ils le connaissaient ? Les plus traditionnalistes devaient certainement regretter l'introduction du judo aux JO de Tokyo en 64 !! Mais les Japonais redressent la tête et se mettent à faire des stages à l'étranger. Un comble ! On arrive même à voir des Japonais qui placent des techniques de Sambo dans des compétitions internationales. En ce moment , c'est les JO à Athène. Les Japonais font un malheur: déjà 6 médailles d'or et 3 d'argent pour le judo. Les judokas Japonais à eux seuls remportent plus de médailles que l'ensemble des sportifs français dans toutes les disciplines. Nos Japonais traditionalistes doivent être bien fiers!!
Faisons maintenant le bilan de la mondialisation du judo, point de vue Japonais s'entend: le japon reste, et de loin, la nation la plus forte en judo, et le japon et la culture japonaise s'est fait connaitre par des millions de personnes via le judo. Si vous aller faire du judo, vous entendrez (en France !!) l'arbitre dire "Hajime" au debut du combat , puis "mate" puis annoncer "ippon". A la fin du combat, le proffeseur expliquera au combattant malheureux qu'après avoir tenté de faire un balayage en "de-ashi-barai" il aurait dû enchainer par "uchi mata". Certes, celà n'étonnera pas les habitués d'info-sumo, où l'on use (abuse ? :D ) des termes japonais. Mais c'est un formidable moyen de faire envie à un jeune de découvrir un pays. C'est du moins ce qui m'est arriver. Le judo m'a incité à m'interresser au Japon.
Maintenant, revenons au sumo . Qui a dit "enfin" :evil: ?
En s'ouvrant aux étranger, le sumo et la culture japonaise se font connaitre dans le monde. Je suis persuadé (il faudrait demander confirmation à Asafan) qu'en Mongolie le Japon n'a jamais été aussi connu que depuis l'avènement au rang de yokozuna d'Asashoryû. Or le Japon a besoin de se faire connaitre et aimer de l'Asie. Les blessures de la 2ème guerre mondiale sont loin d'être cicatrisées. Le sumo est connu dans le monde entier mais pour sa démesure. Pas pour ses valeurs. Chaque fois qu'un gaijin triomphera dans le sumo, il fera mieux connaitre ce sport dans son pays et aidera mieux faire connaitre le Japon.
Voilà, j'ai fini :P La magnifique réussite du judo vous parait-elle transposable au sumo? Ne pensez-vous pas que le Japon (et le sumo) a besoin d'exporter sa culture et de se faire aimer ?

skydiver
20/08/2004, 16h03
Ton analyse me semble pertinente Hogier. Les parallèles que tu établis sont crédibles.
Le sumo a-t-il besoin de se faire aimer? Je crois, quant à moi, que cet Art restera toujours "exotique" aux yeux des non Japonais (et/ou des membres du site).
J'imagine mal un développement mondial tel celui du judo.

Petite remarque si tu permets. Le judo était déjà largement pratiqué ailleurs qu'au Japon dès le début des années 1950. Notamment en France avec Jean Feldenkrais et Kawaishi Mikinosuke sensei du dojo de Henry Plée, aux Etats Unis avec Gene LeBell, en Angleterre, etc... Les compétitions internationales étaient elles, par contre, plus réduites.

hogier
20/08/2004, 16h51
C'est vrai, mais le niveau national était faiblissime. C'est vraiment quand le judo est devenu discipline olympique que les fédérations de beaucoup de pays ont commencé à envoyer leurs combattants au Japon en stage pour qu'ils progressent.

J'ai déjà lu sur le site que l'arrivée de lutteurs scandinaves ou Lettons , je ne sais plus (?) véritables géants ne laissera aucune chance aux rikishi japonais. Je crois que c'est sous estimer les Japonais. Ils auront peut-être comme en judo des périodes noires (je me rappelle avoir assisté à un tournoi international à Paris où tous les Japonais s'étaient fait massacré dans toutes les catégories avant les finales) mais le Japon a su créer un Chiyonofuji, il saurait en créer d'autres. Et son mérite d'être le n°1 n'en sera que plus grand. Bien plus en tout cas que lorsque les japonais ne se disputaient le titre de yokozuna qu' entre eux.
Car ne vous y trompez pas, si je soutiens la mondialisation du sumo et le mérite de certain gaijin, comme le fabuleux Asashoryû, je suis à 100% pour les japonais et je rève d'un Chiyo n°2.

skydiver
20/08/2004, 21h08
Tout à fait d'accord avec toi. L'apparition de "géants" occidentaux ne sonne pas le glas des rikishi Japonais dans les plus hauts grades. Les colosses Hawaiiens ont fait naitre les memes craintes seulement en partie justifiées.

Hoshifransu
21/08/2004, 00h50
Sujet pertinent et très intéressant, Hogier, merci.
Figure-toi que je voulais justement lancer ce sujet-là, en évoquant le fait que les japonais ont fait une récolte impressionnante de médailles dans pas mal de sport lors de ces JO et particulièrement en judo.

Mon interrogation était de savoir si vous ne croyez pas que cette récolte impressionnante de médailles en judo ne serait pas dûe au fait que le sumo est de plus en plus déserté par les japonais et que ceux-ci lui préfèrent (entre autres) le judo ? Pas de contrainte de poids, pas de vie dure en heya (féodalité et dureté des entraînements), pas de nudité, et la possibilité de pratiquer un sport en amateur tout en ne se privant donc pas d'apprendre un métier en parallèle et de la possibilité de s'insérer dans la société japonaise prospère malgré la légère récession passée, avec, donc, un bon métier, au lieu d'espérer devenir un des rares sekitori ..?

En bref, n'y a-t-il pas un surplus de champions de judo que l'on aurait dû retrouver en sumo ?

Sinon, très intéressant, ta question de fond sur la mondialisation.
Quand le Japon exporte sa culture, il se fait aimer par beaucoup, c'est indéniable. Pour le judo, des clubs se créent. Des vocations naissent.
Je suis d'ailleurs à fond pour l'exportation du sumo et le développement du sumo amateur dans les 4 coins du monde, de même que pour le sumo comme discipline olympique. Mais d'un sumo sans les traditions comme il se fait actuellement au niveau amateur.

Par contre, je suis contre l'importation de lutteurs non-japonais dans le sumo japonais shintoïste qui doit rester authentique.
On peut créer tout ce qu'on veut, du moment qu'on ne touche pas au moule originel.

Je suis pour la mondialisation et contre le mondialisme.

La mondialisation est le fait de devenir mondial, de se répandre dans le monde : ainsi, comme tu l'écris fort justement, le judo s'est répandu dans le monde pour le plus grand bonheur de tous.

Le mondialisme est l'universalisme consistant à constituer l'unité politique de la communauté humaine : ainsi, je suis pour deux formes de sumo, le sumo exporté et le sumo originel et pas un sumo hybride unique.
De même que concernant le judo, comme tu l'expliques avec passion et parfaite maîtrise de ton sujet, cette anecdote fort intéressante de l'arbitre qui dit "Hajime" au debut du combat, puis "mate" puis annonce "ippon".
Le japonais peuvent ainsi pratiquer les compétitions de judo, dans un judo authentique et qui n'est pas un judo hybride. Un judo qui aurait été le croisement d'un judo originel japonais et d'un judo exporté qui aurait évolué. Ainsi, rien n'a été traduit en anglais et il y a un parfait respect du modèle originel.

En sumo, hélas, le parfait export est impossible. Le sumo ne se limite hélas pas qu'aux termes, aux règles, mais à un nombre de traditions précises et rigoureuses qu'il est réalistement impossible à reproduire de façon parfaite dans l'ensemble des pays qui souhaiteraient le développer.

L'export du sumo ne peut donc être qu'un sumo bâtard. Je n'y suis pas opposé. Les autres pays ont bien le droit de se divertir comme ils l'entendent. A condition qu'il n'y ait pas chemin inverse et pénétration de ce sumo amateur vers l'authentique sumo de tradition.

De même que je suis contre l'afflux de lutteurs non-japonais dans le sumo japonais (tout comme que je suis contre l'afflux de joueurs latins dans le foot anglais, et de joueurs anglais dans le foot latin).

Ce n'est qu'une opinion. Je suis pour la mondialisation et contre le mondialisme. On a le droit d'aimer le mondialisme.
L'unicité n'est pas mon dada, je préfère la diversité et l'identité des différentes cultures. Mais chacun son opinion. Je suis peut-être dans l'erreur. :wink:

Celeborn
21/08/2004, 01h12
J'ai pas tout lu, Hoshi, je l'avoue, mais excuse-moi de te dire que ton idée selon laquelle la moisson de médailles aux JO est dûe au fait que le judo attire des potentiels rikishi est quand même pas très très crédible :). Tout simplement parce que, de manière écrasante, ce sont les Japonaises et non les Japonais qui ont raflé toutes les médailles d'or (et que d'autre part le Japonais qui a gagné la catégorie des + de 100 kilos n'est pas vraiment un p'tit jeune.)

Voilà !

*Celeborn

NB pour les latinistes : Hoshi nous a fait un suberbe exemple de post hoc, ergo propter hoc. Merci à lui !

Totoro
21/08/2004, 01h48
Intéressante comparaison...
Pour répondre à Hoshi, le judo a été profondément transformé par son adoption olympique.

La constitution même du judo, à partir du jiu-jitsu, s'est faite sur l'idée d'utiliser la force de l'adversaire pour le combattre. Donc, plus l'adversaire est fort, plus le judo est efficace. (voir le magnifique film de Kurosawa Akira, La légende du grand judo).

D'où l'absence de catégories de poids pendant très longtemps, puisque le "faible" (petit, léger) utilisait le "fort" (grand, lourd) pour vaincre.
L'olympisme a sonné la fin de cette idée et Geesink a montré que la technicité était insuffisante face à la masse, si celle-ci était dotée d'une technicité et d'un entraînement similaires.

D'où la multiplication progressive des catégories de poids, à la manière de la boxe, et la "normalisation" du judo où chacun combat avec ses semblables. Seule la catégorie "toutes catégories" (absente aux Jeux) conserve l'essence de l'ancien judo, même si ce sont TOUJOURS des lourds qui s'imposent.

Hoshifransu
21/08/2004, 02h04
Cogito assez mal sur ce coup-là, car post hoc, ergo propter hoc, et qui plus est, erronné. ;-)
(Bien que ce n'était pas une affirmation, mais une interrogation que j'avais déjà posée il y a plusieurs mois.)

Bon, j'avoue que je ne m'intéresse absolument pas aux JO (trop de sports pas à mon goût et qui m'ennuient au plus haut point) et que c'est par le biais de la radio que j'ai entendu que les japonais avaient raflé pas mal en judo, et voilà ce qui arrive quand on fait confiance à l'information reçue et que le masculin est employé pour "japonais" dans leur généralité alors qu'ils auraient dû effectivement préciser "japonaises". Alors, moi, j'ai percuté et j'y ai tout de suite vu la confirmation de la carence actuelle au niveau des lutteurs de sumo nippons. Bon, c'est un post hoc, ergo propter hoc erronné, mais peu importe, ne se trompent que ceux qui essaient, alors je continue de m'interroger et d'émettre des hypothèses, entendons-nous bien, pas des affirmations, et donc me direz-vous dans quel sport se cachent, les ex-futurs champions de sumo japonais :?:

Totoro
21/08/2004, 02h18
J'ajoute à mon message précédent que judoka et sumotori ne sont pas recrutés sur les mêmes bases morphologiques.

En dehors des poids lourds, il est inutile de considérer les judoka masculins comme de potentiels sekitori vu leur faible poids.
Du côté des poids lourds, de mémoire, seul l'immense Yamashita avait évoqué une possibilité de carrière dans le sumo et son choix du judo en raison de son "faible" poids.

On peut donc estimer qu'il n'y a qu'une faible fuite des talents du sumo vers le judo, et ce d'autant plus que la sélection y est encore plus sévère. Je rappelle que, dans les compétitions internationales, seul UN ou UNE judoka représentent leur pays.

Autrement dit, il faut être parmi les deux ou trois meilleurs de sa catégorie pour avoir un destin international, les primes et la renommé qui vont avec.

J'ajoute, sur le plan technique, que, comme dans d'autres sports olympiques de "combat" (p.ex escrime), le profesionnalisme à outrance a appauvri la palette technique de chaque combattant (et particulièrement des plus lourds), ceux-ci cherchant avant tout à placer leurs "spéciaux" contre tout adversaire, même si le nombre total de techniques disponibles a lui plutôt augmenté, particulièrement sous l'influence des pays de l'est (voir les messages plus haut).

Hoshifransu
21/08/2004, 02h37
En réponse à Totoro, merci de tes précisions. Je n'y connais strictement rien en judo (ce qui s'est vérifié dans mon message initial) et j'ai beaucoup appris du post d'Hogier et à présent du tien. Merci à vous deux.

Alors le judo aurait été profondément transformé par son adoption olympique ?
Intéressant. (ou devrais-je plutôt dire "navrant" ?)

La mise en place de catégories de poids est-elle la seule transformation ou y en a-t-il d'autres encore, in fine ?

Le judo au Japon, berceau originel, se pratique-t-il encore en "toutes catégories" ?
Si c'est le cas, alors l'essentiel est préservé et doit continuer de l'être.
Il faut des traditionnalistes pour veiller à préserver l'héritage culturel, tout comme en sumo.

Les JO font ce qu'ils veulent, et de même que j'y verrais bien du sumo avec des catégories de poids, comme celà se fait actuellement en championnats amateurs. Celà ne me dérangerait pas. Du moment qu'il est différencié du sumo traditionnel.
Ce qui me dérange dans le sumo amateur, c'est qu'ils y ont saupoudré quelques traditions (les lutteurs frappent le sol avec les pieds et se font face en répétant les gestes comme l'allongement des bras et les paumes de mains tendues puis retournées mais par contre, tout le reste est absent, comme le jeter de sel) et j'aurais préféré qu'il n'y ait aucune tradition plutôt que des traditions à la petite semaine !
Enfin, du moment que l'on ne touche pas au sumo traditionnel !

Il y a bien ceci aussi qui dénature le sumo :

http://www.teamuitstapje.nl/Activiteiten/Brabant/kartingtilburg1.jpg

Ca ne me dérange pas. On peut l'exporter, le pervertir à l'extérieur, du moment que l'on y touche pas à l'intérieur. Ca me laisse indifférent. Et j'y suis même particulièrement favorable, si ça permet à des lutteurs de tous les pays de s'y exprimer et d'y être honorés et récompensés au niveau olympique, plutôt que de venir chercher la récompense de leurs efforts dans le sumo de tradition.
Je verrais bien le développement du sumo amateur et sa venue aux JO comme un expiatoire profitable au sumo de tradition. :wink:

Hoshifransu
21/08/2004, 02h49
Bon, s'ils ne se cachent pas en judo, se cacheraient-ils dans le karaté ? dans le rugby ? le foot ? le K-1 ? (non, trop récent)
Ou bien dans aucun sport. Ils sont devenus dockers ou restaurateurs spécialisés dans le chanko ? :wink:

Il faudrait que les japonais fassent une enquête sociologique ! La Kyokai devrait investir là-dedans. J'aimerais bien savoir si des Chiyonofuji potentiels ou des Takanohana potentiels nous sont passés sous le nez en passant à une autre activité (sportive ou autre) ?
Ou bien est-ce le temps des vâches maigres ? Est-ce cyclique ?
Mais bon, les recrues japonaises sont en nette baisse, c'est un fait. Il y a fuite non pas des cerveaux mais des sumo ! :wink:

Hoshifransu
21/08/2004, 03h41
Hoshi nous a fait un suberbe exemple de post hoc, ergo propter hoc. Merci à lui

Celeborn, j'ai mis du temps mais dois-je comprendre sous couvert de ton humour et de l'expression latine, que je me situe là dans une pensée purement sophiste :?:

Asafan
21/08/2004, 11h07
Il faudrait pouvoir demander à Jigoro Kano ce qu'il pense du judo olympique actuel, mais personnellement je trouve que ce n'est pas beau à voir. De même que le sumo amateur que j'ai eu l'occasion de ne pas apprécier grâce à la video qu'Hoshi m'a généreusement copiée et envoyée en Suisse: je trouve cela consternant.

A ma connaissance en tous cas, le judo originel n'existe plus, car il a été balayé par cette forme bâtarde de judo "mondialisé". Je crains qu'il en soit de même pour le sumo japonais si le sumo amateur devient discipline olympique. Ou alors le sumo japonais deviendra un simple spectacle. Et on demandera à tous les acteurs-rikishi de faire des shows à la Takamisakari ou des coups d'éclat à la Asashoryu pour amuser les touristes.

Contrairement à Hoshi, je pense que le sumo amateur fera à l'avenir beaucoup plus de mal au sumo professionnel japonais que les rikishi gaijin n'en font actuellement. Les gaijin viennent au sumo japonais et en adoptent tous les rites sans les dénaturer. Certains y arrivent mieux que d'autres, je le reconnais :wink:

pereboulon
21/08/2004, 11h23
Toki n'était il pas judoka à l'origine ?

Peut-être que les sumotoris japonais se cachent ... dans les heyas tout simplement. Attention, je précise, tout comme Hoshifransu, que ce n'est qu'une hypothèse, pas une affirmation.

Il est incontestable que les rikishis étrangers semblent plus forts actuellement, mais les japonais restent les plus nombreux et de loin et surtout, les jeunes continuent de se présenter en nombre pour tenter leur chance. Bref, le sumo strictement japonais n'est pas mort ! Je crois qu'on se laisse abuser par les quelques gros arbres à la lisière qui nous cachent le reste de la forêt.

Les japonais ont tendance à valoriser la patience. Alors patientons ! Depuis quelques années les japonais n'arrêtaient pas de grossir oubliant peut-être un peu les aspects purement athlétiques de leur sport. Pourtant, Chiyonofuji, Kirishima ou Mainoumi (qui battait souvent le colosse Konishiki) étaient là pour l'exemple. Depuis, les mongols dominent et je suis persuadé que de jeunes japonais émergeront sous leur direction (ce sont eux les sekitoris maintenant :wink: :? ).

Celeborn
21/08/2004, 12h28
Celeborn, j'ai mis du temps mais dois-je comprendre sous couvert de ton humour et de l'expression latine, que je me situe là dans une pensée purement sophiste :?:

De manière générale, pas du tout : je suis d'ailleurs le premier à lire avec enthousiasme tes messages en me demandant à chaque fois "qu'est-ce qu'il va encore bien pouvoir nous sortir ?" :wink:. Il se trouve juste que, pour le coup, il m'a semblé évident que tu étais tombé à côté (manque d'informations, d'après ce que tu dis). Et comme ce n'est pas tous les jours que je tombe sur un post hoc, ergo propter hoc, ça me faisait simplement plaisir de le signaler.

*Celeborn

Hoshifransu
21/08/2004, 13h16
Et comme ce n'est pas tous les jours que je tombe sur un post hoc, ergo propter hoc, ça me faisait simplement plaisir de le signaler.


C'est bien ce que j'avais compris. C'est la définition même de la condescendance, non ?

De même que ça fait peut-être plaisir à toi et à d'autres d'un point de vue littéraire ou philosophique ou je ne sais, car je n'ai pas fait de brillantes études littéraires ou philosophiques, moi, mais mets-toi à ma place, tu mets en valeur un passage où je servirais de parfaite illustration au sophisme (version "post hoc ergo propter hoc"), autrement dit à l'escroquerie intellectuelle par la juxtaposition de deux éléments (dans le cas du "post hoc ergo propter hoc") : "après celà, donc à cause de cela" - un événement arrive après un autre, le premier est la cause du second, soit le recours au sophisme : qualifier de sophisme est l'insulte suprême pour la pensée de quelqu'un. Non seulement sa pensée est vide, mais en plus c'est un charlatan.

Or, je ne m'inscrivais pas dans une affirmation-démonstration, mais dans un tatonnement et qui plus est, interrogatif.
Quand on a des pensées "brutes", et qu'on échaffaude des hypothèses, on part souvent de la conclusion pour essayer de remonter (de façon désordonnée, j'en conviens) à la source. Il est effectivement dangereux d'un point de vue intellectuel de fonder toute une réflexion dans une démarche sophiste de la sorte, mais on y a recours inévitablement, quand on essaie de se poser des questions en partant de la finalité, lors d'un tatonnement qui est en quelque sorte un "brouillon" pour mieux constituer plus tard, une réflexion véritable.

J'essaie simplement de m'intéresser à des questions de fond à propos du sumo et de mener parfois un tatonnement sans prétention afin d'approfondir des zones d'ombre dans le sumo. C'est dommage que ce que je dis soit décortiqué sur la forme afin de me ridiculiser et donc me décrédibiliser et de me décourager ainsi dans cette tâche. C'est pourquoi ma motivation à continuer s'amenuise de jour en jour ...

Totoro
21/08/2004, 14h38
Je continue sur le sujet "olympique".

La catégorie "toutes catégories" n'existe plus depuis 1992, mais se maintient aux championnats du monde, même si, de mémoire, aucun "léger" n'a gagné depuis très longtemps. Seul un champion de légende comme Inoue (-100kg) avait réussi à s'imposer en toutes catégories au Japon contre un adversaire (Shinohara) beaucoup plus lourd que lui, et il n'a pas réussi à le faire aux championnats du monde.

D'autres transformations ont touché le judo, comme la durée des combats, les règles d'immobilisation,etc. Même si les fédérations continuent à prétendre suivre la voie de Jigoro Kano, en fait la réalité est tout autre.

Il y a au moins deux judo : celui d'une pratique de masse, plutôt bien faite, et qui effectivement n'oublie pas de lier sur le dojo technique, pratique, mental et philosophie de vie. Et puis il y a la compétition, avec des détections au plus jeune âge, qui n'a strictement rien à voir. En raison des règles de sélection, on ne favorise que le(s) meilleur(s) et on laisse tomber les autres. Pour illustrer mon propos, je vous recommande de lire l'article de Libération paru aujourd'hui :

http://www.liberation.fr/page.php?Article=232386

«Le judo est basé sur la concurrence, dit-il. Mais à l'Insep on ne s'occupe que des deux premiers de chaque catégorie. Quand tu es numéro 3 ou 4, personne ne te donne le moindre conseil. Tu dois te débrouiller seul car tu n'existes pas. Du coup, l'entraînement perd en qualité et en difficulté.»

Il me semble qu'il s'agit de l'exact contraire des pratiques de heya où les plus forts (sekitori au premier rang) cherchent à provoquer l'émulation et à faire évoluer les autres vers le haut, et pas à les laisser tomber comme des vieilles chaussettes.

Le type d'élitisme extrême pratiqué par le judo n'est pas unique et on le trouve dans de nombreux sports olympiques où le nombre de représentants par pays est limité. Il serait donc dommageable pour le sumo que la version amateur entre aux jo, même si le risque est faible en raison de la politique actuelle du CIO de limitation des disciplines.

Si, néanmoins, le sumo amateur se développait, la situation serait sans doute complexe : on peut prendre le cas du basket-ball où l'internationalisation de la NBA et la mise en concurrence de deux systèmes (NBA -FIBA fédération internationale de Basket) a provoqué un double mouvement.

1/ Hausse générale du niveau de jeu dans le monde entier

2/ Développement d'un modèle de jeu qui n'a rien à voir avec le basket : un contre un systématique, abandon des fondamentaux, limitation de la défense, interdiction pendant longtemps de la zone,...

Résultats des courses : le basket est plus international que jamais, et les joueurs FIBA ou mixtes (NBA-FIBA) vont exploser les pros américains, leur montrant ce qu'est le "vrai" basket, un jeu d'équipe et pas une série de dunks filmés façon matrix pour vendre des T-shirts.

J'évoque l'exemple du basket pour montrer que la "mondialisation" des pratiques sportives ne va pas forcèment dans le sens unique d'un appauvrissement (comme en judo) ou d'un travestissement de l'esprit même du sport (judo, basket, escrime,...) même si un esprit féroce de compétition (et non d'émulation) ainsi que les contraintes marketing + tv s'exercent d'autant plus fortement que la PRATIQUE est mondialisée.

Hoshifransu
21/08/2004, 17h58
Message remarquable, et très enrichissant, félicitations, Totoro !
Ca me donne envie de rester ! ;-)


Il y a donc au moins deux judo : celui d'une pratique de masse, plutôt bien faite, et qui effectivement n'oublie pas de lier sur le dojo technique, pratique, mental et philosophie de vie. Et puis il y a la compétition, avec des détections au plus jeune âge, qui n'a strictement rien à voir.

Très intéressant. On peut donc oser une comparaison avec le sumo et son double modèle : sumo de tradition et sumo amateur.


D'autres transformations ont touché le judo, comme la durée des combats, les règles d'immobilisation,etc. Même si les fédérations continuent à prétendre suivre la voie de Jigoro Kano, en fait la réalité est tout autre.

En fait, il faudrait (selon ma propre conception) qu'il subsiste un modèle originel au Japon et qui suive strictement la voie de Jigoro Kano, sans tomber dans les réformes proposées par le judo international.

Le problème, c'est que, d'après mes recherches sur le net, et tu confirmeras, il y a une fédération internationale de judo qui réside à Séoul, en Corée du Sud (ironie du sort) et qui a la mainmise sur 187 fédérations !

Je suppose que la fédération japonaise y est affiliée et donc, qu'elle impose aux traditionalistes de réformer ? Les traditionalistes si existants soient-ils, ont-ils une organisation à eux, une sorte de Kyokai ? ou s'en remettent-ils à la fédération japonaise et donc, par voie de conséquence à la fédération internationale ?

En fait, c'est ce qui pourrait se produire en sumo, si l'on imagine un scénario catastrophe. Mais je ne crois pas, et pourtant je suis de nature pessimiste.
Il existe une fédération internationale de sumo mais qui n'a aucun poids et que la Kyokai ne considère pas. Or, si le sumo devenait discipline olympique avec les rennes confiées à la fédé internationale de sumo, et que celle-ci prenait beaucoup d'importance, il y aurait un risque pour qu'elle veuille ensuite mettre son nez dans le sumo de tradition tenu par la Kyokai et en imposer à la Kyokai. Je ne pense pas que la Kyokai, même avec un mauvais rijicho, s'en laissera imposer un jour lointain par la fédé internationale de sumo avec ses lutteurs tatoués et crânes rasés et ses dohyo de plastique !
Je n'y crois pas une seule seconde.

Mais attention, je suis pour le sumo comme discipline olympique, mais en amateur, comme ça se fait actuellement avec la boxe, le foot, etc..

Les lutteurs professionnels de la Kyokai n'auraient rien à y faire, selon ma conception. Par contre les sumo universitaires japonais pourraient y participer. N'oubliez pas que Kotomitsuki ou plus récemment Kakizoe ont tous deux participé à des compétitions amateures et ont affronté les gros tatoués allemands (et autres) sur un dohyo en plastique !

Pour moi, ce n'est pas incompatible. C'est du sport dénué de tradition et ça a de l'intérêt d'un point de vue sportif pur. Si ça évolue en parallèle avec le sumo de tradition, sans y interférer, j'y suis entièrement favorable.

De même que l'exemple du basket est très intéressant. C'est l'exemple même de ce qu'il ne fallait pas faire ! Les stars de la NBA professionnelle n'auraient jamais dû y participer.
On ne mélange pas les torchons et les serviettes comme on dit.

Mais ça ne m'étonne pas du basket. Le basket a souvent été à l'avant-garde des réformes, bien plus encore que le foot.
Foot et basket sont deux exemples de sports en perpétuelle évolution de leurs compétitions et de leurs règles et ne sont certainement pas un exemple à suivre pour le sumo ! ;-)

Hoshifransu
21/08/2004, 20h45
Au fait, Celeborn, je te pardonne la qualification latine relative au sophisme que tu m'as prêtée et je m'excuse d'avoir cru que c'était de la condescendance de ta part si ce n'en était effectivement pas.

Il faut vraiment que je me calme et que j'adopte l'attitude zen des rikishi, sans quoi ça ne servirait à rien qu'ils se décarcassent à nous montrer le droit chemin. :roll:

Hoshifransu
21/08/2004, 21h17
Tenez, une image et un film de la finale des 9èmes championnats du monde de sumo (catégorie "open" tous poids confondus) opposant en 2000, Kakizoe à Thorsten Scheibler (Allemagne) qu'il bat par oshidashi :

http://amateursumo.com/tourneys/2000/9thwsc/of.jpg (http://amateursumo.com/tourneys/2000/9thwsc/of.mpg)

Notez qu'ils ont fait un effort pour avoir un dohyo en sable, mais constatez sa piètre réalisation, de même que le toit shinto qui sont des sortes de rails ou d'échelles auxquels sont pendus des nattes ... Non ?

J'aimerais mieux qu'ils ne fassent rien plutôt que de reproduire de façon médiocre les choses ...
La tenue de l'arbitre, également, n'est guère celle d'un noble du début du précédent millénaire ...

Mais bon, du moment qu'on sait faire la part des choses, ça ne me dérange pas ! Et je suis content que les gros sumo rasés et tatoués (allemands et autres) puissent s'exprimer en amateur et pas au Japon.

Hoshifransu
21/08/2004, 22h29
Il serait donc dommageable pour le sumo que la version amateur entre aux jo

Un article autour du film-reportage américain "Sumo East and West" reprend précisément ce que tu écris là, voir ce lien (http://www.pbs.org/independentlens/sumoeastandwest/sumo.html) qui dit ceci :

"the association is fighting to preserve sumo’s ancient traditions against the modern trappings of amateur sumo and its Olympic ambitions."

La Kyokai combat ainsi pour éviter d'être aspirée dans le piège que lui tend le sumo amateur avec les JO, si j'ai bien compris ?

Je me félicite de la pertinence de l'article vers la fin qui révèle que des intérêts étrangers demandent l'internationalisation du sumo :

"With the demographic of its fans aging and dwindling interest among potential trainees, these sumo guardians have grown increasingly vigilant to preventing further erosion of their sport, even as the pressure of foreign interests demand for more, not less, internationalism."

(mon anglais est trop médiocre pour vous traduire ça)

Par ailleurs, l'article revient sur le phénomène de "globalization" que je ne sais s'il faut l'entendre par mondialisation ou par mondialisme.

Un article absolument remarquable sur le sumo mais le Japon en général et le phénomène de "globalization" et on peut le lire ici (http://www.popmatters.com/columns/holden/030205.shtml) et il revient sur le constat alarmant que le sumo n'est désormais dominé que par des lutteurs étrangers et que (j'ose une approximation de traduction) c'est en même temps inévitable : le foot est tellement plus sexy et le base-ball a depuis longtemps jeté ses tentacules sur la culture sportive ...

Le rédacteur de l'article conclue sur le fait que le sumo ne peut être qu'en crise dans de telles conditions :

"what fun is it to pay precious yen to witness a foreigner flexing his biceps over a prostrate Japanese body"

J'ajouterai qu'il est évident que si un grand champion japonais émergeait, celà changerait la donne ! :wink:

Hoshifransu
22/08/2004, 00h34
De même qu'il est intéressant de constater la polémique déclenchée avec le film allemand "Sumo Bruno" que ce post de la SML que voici (http://www.banzuke.com/01-2/msg00027.html) explique très bien !

Mais bon, ça mérite que j'y consacre un sujet à part entière (nombreuses photos à l'appui).

Notez que le message posté par Joe "Jonosuke" Kuroda, conclue ceci :

"Due to rapid globalization of Sumo, ironically Japanese Sumo officials are now fearing they are losing the control of the sport."

"(As they were forced to go with color uniforms) we certain don't want to follow the Judo's example nor their path," the same Japan Sumo Federation official explained."

Les instances du sumo ont donc peur de suivre l'exemple du judo ?

Hoshifransu
22/08/2004, 12h49
Ah oui, à propos de mon message précédent, je comprends mieux le sens du texte : en fait, l'ISF (International Sumo Federation) qui est la plus haute instance du sumo amateur, se trouve à Tokyo est présidée par une majorité de japonais qui sont très conservateurs au niveau des rites. Il y a même un site que vous pouvez consulter ICI (http://amateursumo.com/).
En même temps, l'ISF n'est pas non plus la Kyokai et tolère pas mal d'écarts au niveau des rites. (en même temps, il faut peut-être beaucoup d'argent pour reconstituer tout l'univers du sumo, les habits des gyoji, etc.. alors ils font ce qu'ils peuvent)
Mr Hidetoshi Tanaka est le président, tandis que M. Romenath apparaît comme vice-président et président de l'ESU (European Sumo Union).

Mr Tanaka aurait peur de perdre les rennes au profit de M. Romenath ou d'autres libéraux, si la mondialisation faisait que le sumo se développait considérablement en occident et prenait une tournure, façon show avec spotlights et speakers !

et donc, disent-ils, peur de suivre l'exemple et la voie du judo ... :cry: